J’étais assise sur le banc, dans ce petit carré d’herbe devant le commissariat. Comme si j’étais incapable de bouger, hypnotisée par le lieu. Je me repassais encore l’arrestation de mon père dans ma tête. J’avais contribuée à celle-ci, pensant que j’allais pouvoir me guérir de toute cette souffrance qu’il m’infligeait. En réalité, je me sentais deux fois plus mal maintenant qu’il était enfermé dans sa cellule. Je ne me sentais pas aussi bien que je le prétendais. Je rodais autour de la prison, comme ce ninja qui n’attendait que de lui mettre un coup de katana pour lui arracher la tête. Je ne me rendais pas compte à quel point j’avais ces pulsions meurtrières envers mon propre géniteur. Je ne pouvais m’empêcher de lui en vouloir après l’enfance qu’il nous fit subir à Callie et à moi. J’étais devenu désormais ce hérisson, qui te piquait dès qu’il se sentait en danger. Je devenais méfiante avec n’importe qui : relations professionnelles et amoureuses bien plus que chaotiques. Il avait pourri ma vie et continuait à le faire derrière ces larges barreaux. Tout le monde me disait que je me faisais du mal en restant plantée sur ce banc, quand j’étais en colère. Il fallait passer un coup de balai sur ces souvenirs. Cette fête à la plage n’avait rien donné, elle ne faisait qu’alimenter la haine viscérale que j’avais envers cet homme. Et envers ma belle-mère, qui ne l’était plus vraiment. Elle ne l’avait jamais été d’ailleurs. Croisant les bras contre ma poitrine, j’essayais de m’imaginer son état d’esprit derrière les barreaux. Est-ce qu’il regrettait tout ce qu’il faisait subir à sa famille ? J’étais persuadée que non.

Je n'avais pas vu ma sœur se lever, je ne l'avais même pas entendue partir. C'était rare quand elle partait sans rien me dire. Je prenais donc la décision d'aller faire un tour, cela faisait longtemps que je ne m'étais pas aéré l'esprit. J'attendais avec impatience mon augmentation, mon changement de poste, mais apparemment le boss voulait nous faire languir avant de nous la donner. Sans m'en rendre compte je me dirigeai vers le commissariat de police, et de loin j'aperçevai la silhouette de ma jumelle. Elle était assise devant le commissariat, et je savais pourquoi elle était là. La dernière fois que je l'avais trouvé ici, elle était pire que remontée, et elle voulait à tout prix s'en prendre à notre père. Je la comprenais c'est clair mais je ne voulais pas qu'elle passe sa vie à lui en vouloir, et à vouloir se venger de l'enfer qu'il nous avait fait vivre. Je prenais sur moi, pour la énième fois et je m'approchais d'elle. "Tu médites encore devant le commissariat demoiselle" disais-je avec le sourire et les mains sur les hanches. Je la voyais se retourner sans forcément sourire de toute ses dents. J'avais peur qu'elle se soit miné le moral pour un sale type qui était désormais derrière les barreaux. Il fallait qu'elle apprenne à vivre avec ça.