Une après-midi comme les autres. Rebekah marchait silencieusement dans la rue, silencieuse. Elle avance, songeant à ce qu'elle venait d'apprendre dans le cours dont elle sortait tout juste. En effet, elle avait été à l'université ce jour-là, et sa journée venait de se terminer. Bien évidemment, dans son sac de cours se trouvait son appareil photo, accessoire indispensable pour ses études qui se dirige vers cet art prenant au dépourvu les instants volés d'une vie. Après avoir étudié les oeuvres de grands photographes dont les futurs photographes ne pouvaient ignorer les noms, la voilà ici dans la rue, à se demander s'ils s'étaient rendus compte de l'impact que pouvaient avoir leurs photos. Elle aimerait qu'un jour, ses photographies fassent un effet sur ne serait-ce que sur une personne, une personne qui serait inspirée, émerveillée par cette image de la vie quotidienne qu'elle aurait alors sous les yeux. C'était pour cela qu'elle étudiait, essayant d'améliorer sa vision du monde et de mieux faire passer son message en un simple instant. Chaque bruit de ses pas résonnait et faisait écho dans ses pensées, leur donnant un rythme saccadé. Puis, elle aperçut une scène de retrouvailles totalement touchantes et eut alors envie de sortir son appareil photo. Elle prit une photo, puis tourna son appareil photo et en prit une autre, puis une autre, puis une autre. Elle n'arrêta pas. Elle ne pouvait jamais se contenter d'une seule photographie. Alors, elle rentra dans une série de photographies. D'abord cette famille qui marchait ensemble, puis un couple qui se regardait, puis une petite fille qui semblait éberluée en voyant un petit oiseau s'envoler. Elle aimait ces petites scènes si simples qui étaient magnifiques selon elle. Puis, elle vit que la personne qu'elle venait de photographier se retournait vers elle et s'approchait d'elle. En général, c'était réellement mauvais signe. Mais en l'occurrence, il ne semblait pas vraiment énervé. Alors elle baissa son appareil photo et fit un petit sourire à ce jeune brun. Elle qui venait de le prendre en photo, elle attendait de voir ce qu'il allait lui demander.

La rue n'était pas déserte à cette heure-là, c'était ce qui lui plaisait. Il n'y avait pas pour autant foule. Les scènes se faisaient autour d'elle, lentement, sans que chaque scène ne bouscule une autre. C'était le moment clé, et c'est comme cela qu'elle avait fini par prendre des photos, les unes après les autres, et pourtant toutes différentes les unes des autres. Mais une photo créa une différence. La personne prise en photo arriva vers elle, cependant sans le moindre élan de colère apparemment. La phrase qu'il lui lança la fit alors exploser de rire. Elle avait cru comprendre qu'il ne serait pas méchant, mais pas à ce point. Quand elle réussit à s'arrêter de rire, ce fut pour répondre d'une voix calme et enjouée ; "- Je ne suis pas une paparazzi. J'aime l'art, pas les déchets de la photographie, ne vous inquiétez pas. Je ne me sers jamais de photos sans autorisations de toute façon. Et vous savez, une crêpe, ça change tout !" dit-elle dans un nouveau rire. Elle reposa son appareil photo dans la sacoche prévue à cet effet pour mieux parler à Nolan, sans avoir cet objet imposant dans les mains. Une fois cela fait, elle tendit la main et ajouta avec un grand sourire. "- Je suis Rebekah, étudiante en photographie et donc artiste dans l'âme." La réaction qu'avait eu Nolan lui avait fait plaisir. Souvent, quand les gens repéraient son action, soit ils passaient sans rien dire, soit uniquement un sourire, soit ils voulaient lui faire manger son appareil photo. Sisi, on le lui a déjà dit mot pour mot. Quoi que non, dans ces cas-là, la vulgarité était un peu plus présent. Les paparazzis causaient beaucoup de tort à la profession de photographes, ceux qui préfèrent les émotions au simple scandale. Elle leur en voulait. Elle leur en voulait de préférer l'argent facile et mauvais à la philosophique réalité de l'art. Mais elle ne pouvait rien faire contre, alors elle accueillait simplement avec bonne humeur les gens qui prenaient bien le fait d'être pris en photo.

Nolan n'était réellement pas le genre de personne à aborder les gens ainsi dans la rue, bien qu'il n'était pas non plus du genre timide. Néanmoins l'attitude de la jeune femme l'avait intrigué, et en Irlande, lorsque l'on est curieux, on ne se gêne pas pour poser les questions, tentant d'avoir les réponses à nos interrogations. C'est exactement ce que le jeune homme avait fait en approchant la jolie blonde, sans arrières pensées aucune. Pour autant Nolan avait souhaité faire relativemment une bonne impréssion, ne voulant pas paraître pour un agresseur mécontent de la photographe. Il avait donc opté pour l'humour. Son humour n'était pas forcément génial, mais il avait le don de détendre l'atmosphère, comme ce fut le cas avec la jeune femme qui laissa même échapper un rire flatteur pour Nolan qui lui aussi se laissa aller à la rigolade à la réplique de la photographe en herbe. Alors une crêpe cela changeait tout ? Intéressant mais étrange. Le jeune homme la tenait d'ailleurs toujours fermemant dans sa main gauche, et sa main droite fut donc libre pour venir à la rencontre de celle de Rebekah. Voilà elle avait prononcé son nom. Réflexion faite, cela lui allait à ravir, Nolan aurait même pu le deviner. Il esquissa un sourire poli et naturel tout en serrant vigoureusement cette main, et répondit dans le même ton que ses phrases précédentes. « Enchanté Rebekah étudiante en photographie et artiste dans l'âme. Je suis Nolan, cuisinier et artiste aussi dans l'âme. » Il sourit une nouvelle fois, de plus belle avant de lâcher enfin la main de Rebekah. Anticipant toute question à ce sujet il ajouta même : «Et oui je suis Irlandais. Voilà pourquoi l'accent. Je viens d'arriver en ville. D'où l'interrogation sur les paparazzis, je suis loin d'être connu. » Il rit une nouvelle fois avant de pointer du doigt l'appareil photo ponctuant sa phrase, faisant évidemment référence à sa phrase prononcée tout à l'heure.

La rencontre, pour le moins originale, semblait promettre pour la suite, une relation bonne et amicale. Nolan était comme ça, il avait pour habitude de se projeter directement dans le futur, même s'il venait de rencontrer Rebekah il était quasi convaincu qu'il pouvait déjà lui faire confiance et se livrer presque entièrement. Il était comme ça, un brin naïf, et très positif. Trop positif peut être. Néanmoins Rebekah n'inspirait pas du tout la méfiance au contraire de certaines personnes déjà croisées à Montsimpa. Elle insista sur cet aspect d'artiste, on en rencontrait jamais assez d'après elle. C'est vrai, cependant les artistes un peu trop exubérants avaient ce côté spécial et insupportable que ne pouvait pas toléré Nolan. Il détestait ces sois disant poètes maudits que l'on pouvait rencontrer parfois. Rebekah ne semblait absolument pas rentrer dans cette catégorie, et c'était tant mieux. Il ne répondit donc pas à sa remarque, se contentant d'acquiescer en souriant. Elle rebondit ensuite sur son accent, qui était il est vrai inévitable. Mais Nolan n'en avait absolument pas honte, bien au contraire c'était une fierté et un moyen pour lui de ne jamais oublier d'où il venait. Il répondit donc ce même sourire aux lèvres « Depuis quelques semaines à peine. C'est vraiment sympa, sans aucun jeu de mot. Et toi ? Montsimpa n'a plus de secrets pour toi ? » Le tutoiement avait été amorcé par la jeune femme, et s'était fait tout à fait naturellement, c'était plutôt positif, Nolan privilégiait les rapports de ce type, il était bien sûr poli, mais aussi très sociable ce qui lui permettait de prendre vite la confiance avec les gens, parfois à leur défaut.