La nuit était déjà tombée depuis un moment. Je n'avais pas vu le temps passé auprès d'elle, alors que sans elle, je l'avais vu s'éterniser au point que j'avais fini par craquer, plaquant ma vie du jour au lendemain. Je n'étais pas digne de porter ce nom... Je regardais les rues éclairées par les lampadaires, défiler sous mon regard désemparé. Un étrange mélange de mélancolie et de colère s'était emparé de moi. Je fumais ma cigarette, le regard brillant. Ouais, la douleur était insupportable. J'avais perdu Anastasia, je l'avais retrouvé, elle m'avait oublié et je l'avais à nouveau perdu... Vie de merde ! « Vous souhaitez en parler, monsieur ? » tenta Wilson d'une voix mielleuse, sans même avoir remarqué que son client était sur le point de chialer. Évidemment, je n'allais pas pleurer. J'évitais de le faire en général. J'évitais encore plus de le faire en présence de qui que ce soit. J'étais sans doute à bout. L'accumulation de tout me mettait à bout. Je culpabilisais d'avoir abandonné mon unique vrai ami Anastas Gustov. Je me demandais si j'avais bien fait de renier ce fils qui n'était pas le mien, je lui avais malgré tout donné tout l'amour que je pouvais lui fournir. La Russie me manquait beaucoup, mais elle symbolisait tellement d'échec à la fois. « Je suis Mister Nobody à ses yeux. Anastasia est amnésique. » répondis-je en serrant les dents. J'écrasais la cigarette dans le cendrier avant de jeter un bref coup d’œil sur ma montre. « Nous y sommes, monsieur Chostakovitch. » Wilson se rua à l'extérieur de la voiture pour venir ouvrir ma portière. « Rentrez chez-vous, monsieur Backer et demain faites donc la grasse matinée, vous avez votre journée. » Wilson ne se fit pas prier et accepta en me remerciant. Je rentrais dans l'établissement et partis m'installer au bar. Je n'étais pas vraiment un habitué de ces lieux. Je préférais boire seul dans mon hôtel ou dans des lieux beaucoup plus chic que celui-ci, mais bon, ce soir, ça ferait l'affaire. Le barman arriva auprès de moi, attendant que je passe commande. « Bonsoir. Votre meilleur whisky, sans glace s'il vous plaît. » commandai-je en regardant autour de moi. Il y avait pas mal de monde, dans ce petit bar. Il devait sans doute être le plus fréquenté et le réputé de Montsimpa. Lorsque mon verre fut placé devant moi, il fallut peu de temps pour que ce dernier soit ingurgiter cul sec. Je fis signe au barman de m'en remettre un. J'allais boire pour oublier, pour l'oublier...

Mon dieu cette soirée. Je n'en revenais pas. J'effleurais du bout des doigts mes lèvres qui portaient encore la trace de son baiser avant de me ressaisir. Il m'aimait encore. Est-ce que je l'aimais ? Je n'en savais rien. Je ne savais pas du tout. A peine eut-il quitté la pièce qu'une fille entra comme une tornade et me sortit qu'on devait absolument se rendre à l'after, qu'on serait payées et tout le tralalala. Comme si j'en avais quelque chose à faire de l'argent. « Non merci mais je vais rester seule. » Elle me regarda sceptique avant de me tirer quand même. S'il y a bien quelque chose à savoir sur moi c'est que j'ai très peu de volonté. Je ne résiste jamais bien longtemps. Je n'aime pas me battre sauf quand cela en vaut la peine ou qu'on m'insulte. Hors là, on ne m'a pas insulté, on s'est plutôt occupé de me rappeler des faits. Aleksandr... Ce prénom à consonance russe qui pouvait tant dire et donc je ne me rappelais pas. Je me mordillai la lèvre avant de regarder ma tenue et une rage folle me saisit. « Je vais me changer, j'arrive. » Je retournai m'enfermer dans ma loge pour m'assoir devant mon miroir et me regarder longuement. « Tu ne vas pas te laisser faire ma vieille, lançai-je à moi-même avant de me lever d'un bond. » Sans aucune gêne cette fois-ci, je retirai la robe bleue que j'avais mise quelques minutes plus tôt pour prendre la beige qu'on m'avait offerte. Elle était complètement transparente sauf aux endroits que l'on devait cacher. Ensuite, j'attrapais une pince pour m'attacher les cheveux en arrière. Un peu de maquillage pour couronner le tout et j'étais enfin prête. Quand je sortis haut perchée sur mes talons, les filles étaient déjà à moitié pleines et je pris une coupe pour sourire poliment au reste de l'équipe qui portait au moins un centième toast à notre triomphe. « On va chez Hogan, lança quelqu'un qui fut acclamé par des centaines d'applaudissements. » Je riais à gorge déployée avant de voir un homme – encore un tiens – venir m'offrir son bras et je l'acceptais avant de le suivre. Quelque chose me disait qu'il ne voulait pas que me tenir le bras celui-là. Mais pour l'instant ce n'était pas ce qui importait.

Une fois dans la voiture, je le laissais passer ses bras derrière mon épaule avant de me reculer un peu. Grossier personnage qui sentait le whisky à des kilomètres. Je ronchonnais un peu mentalement avant de voir que nous étions arrivés. Je laissais les hommes descendre pour venir nous prendre la main et nous emmener à l'intérieur. Il y avait un peu de monde. Beaucoup d'ivrognes et j'allais m'assoir à une table tandis que l'énergumène qui me servait de cavalier commençait à se frayer un chemin jusqu'au bar. Quand mon regard fut attiré par une silhouette que j'avais vu une demi-heure auparavant. Un sourire illumina mon visage et je fus debout d'un bond avant de courir derrière mon partenaire. « Laissez, je vais y aller. Trouvez nous un coin bien tranquille, murmurais-je à son oreille avant de le voir partir un sourire triomphant. » Voyons, est-ce que j'avais ma bombe au poivre ? Nope. Autre chose ? J'ouvris mon sac pour voir les somnifères qui trônaient fièrement au milieu. Ouais. On verra si je suis obligée d'en arriver là. Je me dirige donc vers le bar et le barman qui me connaissait bien m'accueillit chaleureusement. « Ana, lança-t-il joyeusement, alors ce défilé ? Je n'ai pas vu Snoop avec toi aujourd'hui, il est malade. » Non il doit surement être avec sa femme. Je passe une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille. « Il n'est pas sorti et le défilé était génial. Fatigant mais génial. Dis est-ce que je pourrais avoir une vodka s'il te plaît. Double. Et un whisky pour mon partenaire. » Il me lança une connerie taquine avant d'aller chercher mes verres et je tournais la tête mine de rien pour voir Aleksandr tout seul dans son coin. Je voulais m'approcher mais je me contentai de lui adresser un salut poli pour récupérer ma commande et repartir là d'où je venais.

Le mec se releva comme une pile avant de me lancer une tape sur les fesses. Aussitôt je me raidis et serrais le poing pour le fusiller du regard. Puis, il m'attrapa par la taille et me fit tomber sur ses genoux. Putain. Je vais le tuer. Je pris mon sac pour en sortir le flacon, je n'avais pas le choix là. J'essayais de me dégager de son emprise mais c'était peine perdu. Je versais donc deux somnifères dans son verre et fermai les yeux, attendant que le supplice prenne fin. Soyez mannequin disaient-ils. Tu parles on est plus des putes de luxe qu'autre chose. Je lui tendis son verre et trinquai sans réelle joie pour le voir le finir cul sec satisfaite. On va faire un gros dodo mon bonhomme pendant que je prendrais la poudre d'escampette. En plus, je suis certaine que mon chat n'avait pas eu à manger. Mince.

Des gens rentraient, d'autres sortaient. Certains commençant leur soirée, d'autre la terminant. Ce bar était sujet à de nombreux vas et viens et la pièce principale baissait et augmentait sans cesse de température. Chez Hogan était le meilleur endroit pour prendre froid. Heureusement que l'alcool me réchauffait... D'ailleurs, j'en étais déjà à mon troisième verre, mais je n'avais pas de soucis à me faire pour l'instant, je tenais très bien l'alcool, même s'il me forçait à me faire sombrer dans mes pensées. J'avais mis des années à essayer de l'oublier, et toutes ces années de combat n'avaient rimé à rien. J'étais obnubilé par Anastasia, part ce qu'elle m'avait dit, et part ce qu'elle m'avait révélé. Elle ne se souvenait de rien, et je n'en connaissais toujours pas les raisons... Tout en passant mon index sur le bord de mon verre, j'essayais de faire disparaître ces images. Ces images d'elle et moi lors de notre premier ébat amoureux, et notre dernier... Oui cela avait été un moment formidable dans ma vie, mais m'en rappeler aujourd'hui étant loin d'être formidable, c'était amer et désagréable... « Vous commencez bien votre soirée, à ce que je vois... » ironisa un homme assit sur le tabouret à ma gauche. Cause toujours, tu m'intéresses. pensai-je en portant mon verre à mes lèvres. Je sortis une cigarette et tâtai mes poches après mon briquet. Après un long soupire, je portais mon regard sur mon voisin qui me tendait fièrement le sien. « Merci. » dis-je en allumant ce qui me servait à faire baisser ma nervosité. Je portais mon regard en face, observant les nombreuses bouteilles alignées et rangées correctement sur la grande étagère. Il y avait quelques bons alcools, ce qui pourrait me pousser à revenir ici dans les jours à venir. « Vous n'êtes pas très causant. » déclara mon voisin. « Et vous, vous l'êtes trop... » répondis-je en portant la cigarette à mes lèvres. Je ne regardais pas cet ahuri, non pas par crainte, mais parce que je me contre foutais pas mal de lui et de tous ces gens autour de moi. J'avais envie d'être seul, mais j'appréciais ce bruit de fond des bars, l'ambiance y était toujours rassurante.

« Ana, alors ce défilé ? Je n'ai pas vu Snoop avec toi aujourd'hui, il est malade ? » Je fronçais les sourcils en entendant Ana et défilé à la fois. Était-elle ici ? « Au fait, je m'appelle Kevin Lords. » s'exprima mon voisin de gauche bien décidé à m'embêter. Je me retournais vers lui, le regard noir. « Mais je m'en fous ! » On ne pouvait être plus clair, mais au moins Kevin avait compris et était sorti, vexé. « Il n'est pas sorti et le défilé était génial. Fatigant mais génial. Dis est-ce que je pourrais avoir une vodka s'il te plaît. Double. Et un whisky pour mon partenaire. » Je portais immédiatement mon regard vers la droite. Sa voix... Un long frisson me parcouru le corps en entendant les derniers mots. Elle se ramenait ici avec un partenaire ? Elle souhaitait ma mort ! Et ce geste, qu'elle me faisait... J'empoignai mon verre et le terminais cul sec, énerver. Que faisait-elle au fait ? Peut-être interprétai-je ses actes ? Je suivis Anastasia du regard et je dévisageais ce fameux partenaire qui ne se gênait pas à lui donner une petite claque sur ses fesses. Je me mordis la lèvre inférieure avant de me retourner. Après tout, tu n'as plus le droit d'être jaloux. tentai-je de me convaincre en observant mon verre vide. J'écrasai ma demie cigarette essayant de me sortir Anastasia de la tête. Mais elle était là, avec un type au regard vicelard... Comment voulez-vous que je m'abstienne d'ignorer ces faits ? Je me redressais et me dirigeais vers eux, contenant malgré tout mon calme. Je savais faire preuve de civisme. Je m'installais en face d'eux, sentant le regard de ce pervers se poser sur moi. « Pourquoi donc rester avec un type de... ce genre ? Tu vaux mieux que cela, Anastasia... » dis-je de façon narquoise. Civisme... Oui, je n'étais peut-être pas aussi civique que je le prétendais étant donné que je m'amusais à provoquer cet homme en le rabaissant. Mais au fond... Il n'y a que la vérité qui blesse. Cet homme était inférieur à Anastasia, et donc par la force des choses, il n'était qu'un petit poisson rouge face au requin que j'étais... Il n'était rien, et j'étais tout. Pourtant, c'était cet homme qui possédait Anastasia, alors que de mon côté je devais me consoler uniquement avec des inconnues.

Faire la fête en compagnie de la pire vermine de Montsimpa n'était pas vraiment mon fort. Voilà pourquoi j'avais drogué l'homme qui me tenait compagnie. Il ne se souviendrait de rien, peut être aurait-il mal à la tête ? Je n'en ai absolument aucune idée. Mais je m'en fichais un peu en fait. Quand j'ai signé pour le job de mannequin du haut de mes seize ans, je savais que je devrais rencontrer mes sponsor mais je ne me doutais pas qu'ils étaient aussi infects. Le premier a été comme une grande claque dans la figure. Nous étions comme des prostituées et j'ai du coucher avec lui. Je me suis dégoutée autant que possible après cette fois-là. C'est la seule fois où je me suis faite vomir. Après les filles m'ont enseigné quelques parades pour ne pas avoir à vendre nos corps et la drogue a été la meilleure des solutions. Bien sûr si on m'attrapait j'étais mal mais je m'en fichais comme d'une guigne. Je souris d'un de ces sourires de poupée Barbie que je pouvais faire environ trois cent soixante cinq jours par an avant de me tourner vers le barman et de récupérer les commandes. Je voulais aller voir Aleksandr bizarrement. C'est comme si j'étais aimantée vers cet homme que je connaissais à peine et pour qui j'éprouvais des sentiments si contradictoires. Je fermais les yeux, serrai les dents avant de retourner à ma table. A l'écart des autres, bien entendu. Nous n'étions pas dans un de ces bars huppés où il est possible de se mettre dans un coin privé. Tout le monde pouvait nous voir et j'étais en quelque sorte soulagée. Je le regardai boire le verre avec la substance illicite avant de sourire franchement. Parfait, il allait faire un gros dodo.

J'allais me mettre à jouer mon rôle quand d'un coup j'entendis quelqu'un prendre place face à nous. Je tournai vivement la tête avant de croiser le regard d'Aleksandr. Il était furieux cela se voyait. Jaloux sans doute. Je ne relevais pas son pic avant de passer une main dans mes cheveux de manière nonchalente. « Ana, c'est qui ce type, demanda mon compagnon de soirée. » Je soupirai. Je n'en savais rien justement. Je pourrais dire mon ex mais je ne m'en rappelais pas alors j'optais pour la meilleure des réponses. « Mon... ex-fiancé. » Le gars se leva et me fit tomber à terre violemment. Je me cognai la tête contre une table avant de hurler de douleur pour finir par me remettre debout en titubant sonnée par ce qui se passait dans la salle. « Mais t'es complètement... » Je n'eus même pas le temps de finir ma phrase qu'il attrapa Aleksandr par le collet je savais que c'était une mauvaise idée. Sans trop réfléchir, je m'avançais pour l'aggripper par le bras. « Lâche-le. » Il se tourna vers moi, les dents serrées et je me reculai. « Te mêles pas de ça Barbie, c'est entre ce connard et moi. » Aoutch, cela n'allait pas plaire au Russe. Bizarrement, je voulais qu'il le remette en place. Je m'écartais donc pour le laisser parler. « Casse toi connard ! Elle est à moi pour la soirée. Je fous assez de pognon dans cette affaire, j'ai le droit de la sauter. » Super, je viens de passer pour une pute. Je regardai ma montre d'un geste impatient avant de le voir mettre un coup de poing à mon ex et je serrais les dents. On ne touche pas à Aleksandr. Sans réfléchir, je retirai une de mes chaussures avant de lui lancer dans la tête. « Fous lui la paix, abruti ! » Il se tourna vers moi et je vis son poing se contracter tout seul. Oups ! J'étais mal je crois. Très mal.

« Ana, c'est qui ce type ? » Mon regard n'était plus concentré sur celui de cet homme, mais bel et bien sur celui d'Anastasia. Oui, c'est vrai, qui suis-je, Anastasia ? Prendras-tu conscience que je ne suis pas cet inconnu ? Que j'ai été quelqu'un à tes yeux ? J'attendais sa réponse avec impatience, au point que ma jambe gauche se mit à trembler nerveusement. « Mon... ex-fiancé. » Un léger sourire narquois se dessina sur mes lèvres. Il était évidemment destiné au gars derrière Anastasia. Je n'attendais qu'une chose, qu'il m'attaque. Mais ce sourire cachait surtout ma colère. Elle prétendait que j'étais son ex-fiancé, ce qui au fond, était la vérité. Mais elle ne s'en souvenait pas et lâchait cela comme si elle disait que son chat s'appelait Rufus. Je reportais mon regard sur l'autre abruti. Monsieur était en colère ? Ce dernier se redressa furibond faisant tomber Anastasia au sol. Il allait le regretter... « Mais t'es complètement... » Même si la rage commençait à me prendre, je restais assis, à le regarder. J'attendais patiemment qu'il m'empoigne. Ce qu'il fit d'ailleurs. L'homme m'attrapa par le col de mon costume que j'avais payé une fortune et rien que pour cela, il allait ramasser encore plus. Il m'avait redressé lui-même. Ouais, bon, c'est vrai, ce type avait de la force, je ne pouvais pas le nier. Mais pas face à un russe en colère, dont les valeurs furent ''Ne te laisse jamais marcher sur les pieds.'' « Lâche-le. » s'écria Anastasia. Bon sang, mais fermes-là ! pensai-je. Elle souhaitait qu'il s'en prenne à elle ? « Te mêles pas de ça Barbie, c'est entre ce connard et moi. » Connard ? Connard ?! Non mais savait-il seulement à qui il parlait ? Dès demain, je pouvais faire en sorte qu'il se retrouve à la rue. « Tu penses être son Ken pour l'appeler Barbie ? Ken est beau, Ken est mince, Ken est musclé. T'es qu'un gros lard, et t'es moche. » Certes, ce que je venais de lâcher n'avait aucun intérêt et était complètement puéril, mais j'avais déjà cerné cet homme et je savais d'ores et déjà que ce genre de pic allait l'énerver davantage. Et par la force des choses, il allait porter le premier coup. Ainsi je pourrais riposter sans problème et je serais jugé pour légitime défense.

« Casse toi connard ! Elle est à moi pour la soirée. Je fous assez de pognon dans cette affaire, j'ai le droit de la sauter. » Mes dents et mes poings se serrèrent. Putain j'allais le tuer ! Mon corps entier se mit à trembler à cause de l'adrénaline. J'allais finir par céder et moi-même le frapper, mais le coup que j'attendais arriva. Je me reculais un peu par la force du coup que je venais de recevoir au nez. Il tapait fort... Je portais une main sur mon visage, sentant un liquide chaud s’écouler lentement. Oh oui, il allait me le payer ! Je vis un projectile arriver droit sur nous et ce dernier frappa la tête de mon adversaire. « Fous lui la paix, abruti ! » Je redressais mon regard vers Anastasia. « Joli tir ! » lançai-je en sa direction tout en gardant un œil sur l'homme qui s'était retourné vers le mannequin. Je me plaçais devant Anastasia et arrêtai le poing qui lui était destiné. « Alors, comme ça tu voulais la frapper ? Grave erreur mon coco ! » dis-je froidement en balançant mon autre poing en plein milieu de son visage. Ce dernier perdit équilibre et s'écrasa au sol. Je me ruais aussitôt sur lui, serrant mes doigts contre sa gorge. Faut croire que j'aime étrangler les gens... « Anastasia, on l'a baise pas ! Ce n'est pas une catin comme l'a sans doute été ta mère ! » criai-je en lui donnant un coup de poing tout en gardant l'autre main sur sa gorge. Cependant, il arriva a reprendre le dessus et ce fit la joie de me faire un petit gauche droit façon Rocky Balboa. « Tu n'as que ça dans le ventre ?! » m'écriai-je aussitôt en reprenant le dessus. Cette fois-ci, je me laissais aller et lui donnai quatre coups de poings successifs au même endroit. Je crois que je lui ai pété le nez... Je lui bloquais ces mains et approchai mon visage de son oreille. « Que les choses soient claires, gaillard. Si jamais j'apprends que tu rôdes encore autour d'Anastasia, ou que tu essayes de l'approcher ou ne serait-ce que l'appeler. Je-te-tue ! » murmurai-je en relâchant lentement mon emprise afin de capter son regard. Je voulais qu'il comprenne que j'étais sérieux. Très sérieux... Je me redressais et fis mine de m'approcher d'Anastasia avant de me retourner vers lui et de lui donner un coup de pied dans les parties génitales. Ce dernier étouffa son cri. « Ça c'est pour avoir abîmé mon costume de luxe ! » Je le regardais souffrir avec un sourire malicieux sur mon visage. Je ramassais la chaussure d'Anastasia et m'approchai lentement d'elle. « Je pense que vous avez perdu ça, Cendrillon. » dis-je en lui tendant sa chaussure. J'aurais aimé lui remettre moi-même au pied, mais elle me voyait toujours comme un inconnu... J'avais un sale goût de sang en bouche, merde ! Il m'avait sûrement explosé la lèvre. Je passais une main sur mes lèvres, retirant au maximum le sang qui y avait effectivement coulé. « J'ai une question Anastasia... Tu l'as drogué ? » demandai-je sur un ton discret. Pourquoi lui demandais-je cela ? Car j'avais bien remarqué que les pupilles de mon adversaire n'étaient pas normales...

La scène qui se déroulait devant moi me faisait peur. J'étais toujours sur les genoux du type et un frisson parcourut mon échine. Cela allait mal se finir. Aleksandr, lui, et moi-même. L'un était de trop dans cette équation et je savais que j'étais l'objet de bien des convoitises. Je passais une main dans mes cheveux avant de tourner la tête vers Aleksandr et de le fixer tandis que je donnais la réponse à mon interlocuteur. J'appuyais son regard et j'eus un petit signe de dénégation de la tête. Mais avant que je n'eus le temps de faire quoi que ce soit, je me retrouvais par terre avec une douleur aiguë à la tête. Je retins les larmes qui pointaient le bout de son nez. J'avais trop pleuré ce soir. J'avais trop mal et pas qu'à la tête. Je me relevais alors pour lui lancer une oeillade noire et manquer de me jeter sur lui pour protéger Aleks. Mais étais-je malade ou quoi ? Comme s'il avait besoin de ma protection. Bidule – appelons le comme ça puisque je n'ai pas daigné retenir son prénom – se tourna vers moi avant de me cracher une insulte au visage. Barbie ? Vraiment ? J'éclatais de rire en sentant une goutte de sueur couler le long de ma nuque. Mine de rien, j'avais peur quand même. Peur pour Aleksandr. Bizarre hein ? Mais je pense que je savais au fond. Quand j'avais dit qu'il était mon ex-fiancé, cela avait réveillé quelque chose au fond de moi. Je m'appuyais sur la table de derrière moi avant de hurler à Bidule de le lâcher. « Tu penses être Ken pour l'appeler Barbie ? Ken est beau. Ken est mince. Ken est musclé. T'es qu'un gros lards et t'es moche. » Pas faux. J'éclatais de rire. « C'est sûr que ce n'est pas toi, chéri mais bon on te remplace comme on peut hein, lançai-je avant de croiser les bras sur ma poitrine. » Je voulais qu'il le lâche, j'en avais marre.

Quand Bidule lâcha que je n'étais que bonne à baiser, j'éclatais à nouveau de rire. « Bonne qu'à baiser ou à être abandonner, murmurai-je, l'histoire de ma vie. » J'étais énervée, clairement. Mais que pouvais-je faire ? Je soupirai avant de détacher mes longs cheveux blonds. Merci pour le surnom Barbie enfoirée. Je tournais la tête, excédée avant d'entendre le bruit d'un coup. QUOI ? Il avait touché à Aleksandr ? Une bouffée de haine monta en moi et je pris ma chaussure hors de prix pour lui lancer dans la tête. Je me sentais de taille là. Bon pas tellement mine de rien mais j'essaierai au moins. Le barman n'allait pas tarder et j'allais me marrer. « Joli tir, me lança Aleks » Je lui lançai un regard noir avant lui faire un faux sourire. Je suis pas vraiment d'humeur là. Je vois le filet de sang couler de son nez et je me mordille la lèvre inférieure, signe que je suis contrariée. Bidule se tourne vers moi et commence à s'approcher en serrant le poing et je levai les mains comme pour me protéger quand Aleksandr vint se placer devant moi. « Alors comme ça, tu voulais la frapper ? Grave erreur mon coco. » Je me recule au maximum pour ne pas prendre part à la bagarre alors que j'en étais la cause. Je me sentais démunie alors j'attrapais mon sac et fouillai dedans pour en tirer le flacon. « Vingt minutes. » Cela n'allait pas tarder à agir. « Anastasia on le baise pas comme un catin comme l'a sans doute été ta mère, hurle le russe. » Je lève la tête pour le voir l'étrangler. Aussitôt ma main se porte à mon cou et je me recule contre le mur, les yeux écarquillés d'horreur. Puis les poings fusèrent et j'eus du mal à déglutir. Je tentais une approche doucement. « Lâche le Aleks, c'est fini, dis-je d'une voix douce en russe. » Peine perdue, mes paroles se prirent un vent. « Aleksandr Chostakovitch, lâchez cet homme immédiatement, hurlai-je d'une voix stridente. » Puis il se releva et je poussais un soupir de soulagement quand il heurta les parties génitales de Bidule. Le pauvre garçon, ce n'est pas sa soirée. J'ai compris, j'ai compris c'est bon.

J'avais peur. Je tremblai comme une feuille et quand il se rapprocha de moi, j'eus un léger mouvement de recul avant de prendre ma chaussure d'une main hésitante. « Merci prince charmant. » Puis, je déglutis avant de planter mon regard dans le sien. Ai-je été capable d'aimer un homme pareil ? Je me pose la question. Doucement, ma main s'approcha de son visage pour caresser sa joue, geste fébrile. « J'ai une question Anastasia... tu l'as drogué ? » Je ne réponds pas à sa question mais ramasse mon sac, prend sa main et l'entraine jusque dans les toilettes des dames. Une fois dans les lieux, je prends bien soin de verrouiller la porte pour aller faire couler de l'eau sur un mouchoir. « Approche, lui fis-je avant de nettoyer le sang qui coulait sur son visage. » Je me contente de le regarder assise sur la vasque du lavabo pour inspirer un bon coup. « Je déteste mon métier. Quand j'ai eu seize ans, on m'a repéré facilement. J'étais belle. J'étais bien faite. On m'a proposé un contrat, dis-je d'une voix neutre en continuant de le soigner, mais la vie n'est pas rose. Il faut des sponsors, des gens qui payent pour toi. Et la première fois, je ne savais pas... » Ma voix se brisa et mon regard se perdit dans le vide un instant. « Je ne savais pas qu'il fallait coucher pour réussir. J'étais naïve, vide de toute expérience, me demandant comment j'avais perdu ma vertu. » Mes yeux se fermèrent tout seuls et je serrai les dents, face au souvenir de mon réveil où l'on m'avait annoncé pour le viol. « Bref, le premier m'a pris de surprise et les filles m'ont enseigné des trucs après. Je me suis sentie tellement mal que je n'ai pas été capable d'avoir de... enfin, je suis chaste depuis longtemps maintenant. » Mes soins finis, je passais une main sur mon visage avant de fouiller dans mon sac et lui tendre le flacon. « Ce sont des somnifères. C'est inoffensif. Il se serait réveillé en croyant à une gueule de bois. J'aurai mis une capote usagée à côté de lui. Ni vu, ni connu. » Puis, je me penchais en avant pour poser mes deux mains sur son visage et planter mes prunelles dans les siennes. « J'ai compris. Je n'approchais plus un homme en ta présence. » Ma main se balade sur sa joue tendrement tandis que je dépose un baiser furtif sur ses lèvres. « Raconte moi notre histoire s'il te plaît, le suppliai-je dans un murmure mon front collé contre le sien. » Je voulais me souvenir, je voulais me rappeler.

Pourquoi a-t-il fallu que je quitte ce comptoir sur lequel j'aurais pu rester sagement avachi ? Je ne savais pas faire comme tout homme ignorant et continuer à boire ? Non, il fallait que mes putains de sentiments me poussent à aller la rejoindre. Je ne voulais pas l'aimer, car je n'arrivais toujours pas à comprendre et à encaisser ce qu'elle m'avait dit quelques heures plus tôt. Comment pouvait-elle ne pas se souvenir de moi ? Cette question me hantait l'esprit depuis l'annonce de son amnésie. Une amnésie était une amnésie, mais je n'arrivais pas à la croire, ou à me baser sur ce simple mot. Pouvait-on réellement oublier autant d'années ? Dans mon optique, non. C'était impossible. J'avais déshonoré ma famille uniquement pour elle, et elle ne se souvenait même pas de ça... Peut-être que j'arriverais à concevoir cela le jour au moi-même je serais confronté à une amnésie digne de ce nom. « Lâche le Aleks, c'est fini. » Non, pas pour moi ! pensai-je. Même si je ne répondais pas, et que je faisais semblant de ne pas l'entendre, je l'avais très bien comprise. Mais je n'en avais pas encore fini avec cet enfoiré. Toute cette colère que j'avais essayé de contenir tout à l'heure dans la loge d'Anastasia, ressortait face à cet homme. Ce n'était peut-être pas plus mal. Vous imaginez la scène de mon ex-fiancée sous la force de mes coups ? Je pouvais clairement lui dire adieu et me rapatrier en Russie. Je ne m'arrêtais pas, je frappais cet homme en pensant à l'assassin de mes parents. Je frappais cet homme en pensant à Sasha Gustov, cet infâme violeur. Je frappais cet homme en pensant à mon ex-femme. Je frappais cet homme en pensant à ce fils illégitime, et je frappais cet homme en pensant aux journalistes... Cet homme subissait toute la haine que j'avais enfoui au fond de moi, et je savais d'ores et déjà que je ne serais pas suffisamment rassasié de violence pour évacuer ce sentiment de rage... Voilà ce que donnait un Aleksandr Chostakovitch blessé. Un homme violent qui repense à tout ce qui a pu lui arriver dans sa misérable vie de bourge...

« Aleksandr Chostakovitch, lâchez cet homme immédiatement ! » Les hurlements d'Anastasia me firent descendre sur terre, me ramenant à la raison. Je regardais mon adversaire dont l'arcade, le nez et la lèvre saignaient. Je pense que j'aurai pu continuer à le frapper, jusqu'à ce que mort s'en suive si Anastasia ne s'était pas imposée. Ceci dit, cela ne m'empêcha pas de le menacer de mort si jamais il s'approchait encore d'Anastasia. Cette phrase bien qu'elle soit sérieuse avait été murmurée inconsciemment. Ne prouvais-je pas à cet homme qu'Anastasia, était importante à mes yeux ? En m'approchant d'Anastasia, je remarquai bien qu'elle avait peur de moi. Mais au fond, c'était compréhensible, je l'avais ''étranglée'' quelques heures plus tôt et je remettais cela avec une autre personne. Ce que je lui montrais de moi laissait à désirer. Elle n'avait vu que mon mauvais côté jusqu'à présent. « Merci prince charmant. » répondit Anastasia en prenant sa chaussure. Je regardais quelque peu les alentours, les regards des gens étaient toujours posés sur moi. Mais je savais aussi que je n'étais pas vu comme le coupable. Après tout, les gens autour de nous avaient simplement vu un homme s'asseoir à une table et se faire empoigner par un autre quelques secondes plus tard. Je reportai mon attention sur Anastasia, qui approchait lentement sa main de ma joue. Je la regardais cherchant à comprendre. Pourquoi ce geste ? Pourquoi maintenant ? Le mannequin ne daigna même pas répondre à ma question et se contenta de me prendre la main. Tout ce bousculait dans ma tête. Anastasia me manquait, plus que tout au monde, j'avais envie d'elle comme auparavant, mais j'avais peur. De quoi ? Si seulement j'en connaissais les raisons.

Je me laissais guider par mon ex-fiancée, sans même faire preuve de résistance. Les toilettes des dames, super comme endroit. J'avance instinctivement vers les miroirs. Merde, demain j'allais avoir un œil au beurre noir, le nez un peu rouge et ma lèvre inférieure fendue. J'allais faire bonne impression au boulot... « Approche. » Je m’avançais doucement, et la laissais me nettoyer tout ce sang. « Je déteste mon métier. Quand j'ai eu seize ans, on m'a repéré facilement. J'étais belle. J'étais bien faite. On m'a proposé un contrat, mais la vie n'est pas rose. » Oh ça non, la vie n'est pas rose, et je suis bien placé pour le savoir. « Il faut des sponsors, des gens qui payent pour toi. Et la première fois, je ne savais pas... Je ne savais pas qu'il fallait coucher pour réussir. J'étais naïve, vide de toute expérience, me demandant comment j'avais perdu ma vertu. Bref, le premier m'a pris de surprise et les filles m'ont enseigné des trucs après. Je me suis sentie tellement mal que je n'ai pas été capable d'avoir de... enfin, je suis chaste depuis longtemps maintenant. » Je l'avais écouté attentivement, observant chacune de ces expressions. C'est sur j'aurai préféré retrouver Anastasia en étant hôtesse de l'air, avocate ou je ne sais pas, mais autre chose que mannequin. Ce milieu n'était pas vraiment classe. Il était entre autre réputé pour le sexe, l'alcool, la drogue et les conditions de travaillent médiocres. Bref, un milieu qui ne ressemblait en rien à l'Anastasia que j'avais connu auparavant... J'avais écouté ce qu'elle m'avait dit, et pourtant je me retrouvais incapable de répondre quoique ce soit. Surtout à la fin de son monologue. Elle n'avait eu aucun rapport sexuel depuis toutes ces années, alors que de mon côté je les avais enchaîné l'une à la suite des autres. Sexe sans amour, évidemment...

Je portais mon regard sur le flacon que me tendait Anastasia. « Ce sont des somnifères. C'est inoffensif. Il se serait réveillé en croyant à une gueule de bois. J'aurai mis une capote usagée à côté de lui. Ni vu, ni connu. » Je remontais mon regard vers elle et commençait à rire. Là, j'avais cette impression de retrouver mon Anastasia. Celle avec ces idées quelques peu farfelues, mais qui au fond avaient toujours réussi à me décrocher des sourires. « Je saurais à quoi m'attendre, maintenant. » répondis-je en la regardant. Cette dernière me prit le visage entre ses mains, mon dieu ce que la vie est cruelle. « J'ai compris. Je n'approchais plus un homme en ta présence. » Je ne pouvais demander mieux. Certes elle avait le droit de voir quiconque si cela l'enchantait, mais si elle pouvait éviter de le faire en ma présence. Nous n'étions pas ensemble, mais j'étais jaloux, donc les problèmes étaient toujours aux aguets. Anastasia approcha dangereusement son visage du mien. J'humectais ma lèvre inférieure avant qu'elle n'y dépose un léger baiser. Pourquoi donc résistes-tu autant ? Je voulais qu'elle se rappelle de moi, avant de ne lui offrir quoique ce soit, peut-être pour me protéger ? « Raconte moi notre histoire s'il te plaît. » Mon front contre le sien, je lui prend sa main. « Tu veux que je te raconte notre histoire dans les toilettes ? Notre histoire n'est pas digne d'être racontée dans ce lieu... Non sincèrement, puis-je t'offrir un verre ? » demandai-je en gardant mon regard dans le sien. Elle était si belle, si douce... « Et... je suis claustrophobe... et la nervosité commence à m'atteindre... »

Nous étions très mal barrés n'est-ce pas ? Je ne savais toujours pas ce que je ressentais pour lui et lui semblait toujours aussi en colère contre moi. Je ne savais plus où me donner de la tête. Mais le fait qu'il s'était battu comme ça pour moi montrait clairement qu'il tenait encore à moi ? C'était un véritable mystère et je m'en voulais pour être amnésique. Je m'en voulais si je l'avais fait souffrir mais je n'avais pas conscience de tout ça avant ce soir. Toute ma vie avait été chamboulé par cette rencontre ou ces retrouvailles. Nous étions en quelque sorte maudits. Quand je me suis réveillée dans ce lit blanc, pleine de tuyaux, je me suis demandée ce que j'avais fait au bon dieu pour avoir ce genre de problèmes. J'ai du être une vraie salope. Et Aleksandr alors ? Tout n'est que karma. J'ai lu ça dans un livre une fois. On ne mérite que ce qu'il nous arrive. Mais perdre la mémoire quand même, les Dieux on été cruels avec moi. J'avais regardé Aleks se battre, je l'avais regardé cogner ce gars avec une certaine violence et j'avais eu peur. Il était très effrayant et m'intimidait énormément. Mais je me sentais attirée par sa personne. Je le regardai fixement sans trop savoir quoi faire, quoi dire pantelante pour finalement lui prendre la main et l'emmener avec moi dans les toilettes des dames. Certes la première chose qu'on se dit, c'est que j'ai envie de m'envoyer en l'air avec lui mais je suis chaste depuis tellement longtemps que je ne sais même plus comment faire. Même si certains disent que le sexe est comme le vélo, je ne suis pas d'accord. J'ai envie de partir et de le laisser là mais je me sens concernée par son sort.

Humidifiant un mouchoir, je montais sur la vasque pour le faire s'agenouiller de sorte à ce qu'avec l'éclairage, je puisse voir ses blessures. « Il ne t'a pas loupé, murmurai-je comme pour moi même, tu vas avoir un bel œil au beurre noir demain. Si jamais, tu... enfin, tu souhaiterais le cacher, je pourrais t'aider. J'ai l'habitude de cacher les bleus. » Une autre révélation. Je fais vraiment un très très mauvais métier. On se retrouve maltraiter, on n'a pas envie de continuer mais on le doit parce qu'on ne sait rien faire d'autre. J'ai oublié toute une vie entière. 16 années d'apprentissage et c'est énorme même pour quelqu'un comme moi. Je lui expliquai tout en épongeant le sang ce que j'avais subi comme si je parlais à un vieil ami. « C'est la première fois que j'en parle, confiai-je tristement, je ne sais plus qui je suis et j'ai tenté de me reconstruire mais je demeure encore plus pitoyable qu'avant. » Je baissais la tête avant de coller mon front contre le sien pour lui demander de me conter notre histoire. J'avais envie, besoin, je devais savoir. Savoir ce que je lui avais fait. Si je l'avais fait souffrir, si je l'avais aimé réellement. Si ce sentiment était bien réel ou si je l'inventais pour ne pas me sentir seule. « Tu veux que je te raconte notre histoire dans les toilettes ? Notre histoire n'est pas digne d'être racontée dans ce lieu. Non sincèrement puis-je t'offrir un verre ? » Je fermais un moment avant de déglutir. « Et... Je suis claustrophobe... et la nervosité commence à m'atteindre. »

Je glissais donc de sur le lavabo avant de me regarder dans le miroir et réarranger mes cheveux, soupirant de manière audible. « Je suis fatiguée donc on ne va pas s'éterniser. Tu voudras rentrer avec moi ou rester avec ta solitude et ton whisky ? » Puis, je me tournai pour m'avancer et plaquer à nouveau mes lèvres sur les siennes, passant ma main dans ses cheveux. Il dura plus longtemps que les précédents et je me retirai pour manque d'air avant de défroisser sa chemise et d'attendre qu'on y aille. « Je prendrai un coca. Je ne bois pas d'alcool. Enfin, pas beaucoup... »

« Il ne t'a pas loupé, tu vas avoir un bel œil au beurre noir demain. Si jamais, tu... enfin, tu souhaiterais le cacher, je pourrais t'aider. J'ai l'habitude de cacher les bleus. » Mes mâchoires se serrèrent en entendant ses propos. Anastasia n'avait pas échappé aux conditions médiocres de son métier. Elle était maltraitée. Je dois la sortir de là... pensai-je sans quitter son regard. Et j'allais la sortir de là. Maintenant que je l'avais retrouvée, jamais je ne pourrais m'empêcher de veiller sur elle, proche ou non d'elle, j'allais lui ouvrir toutes les portes et lui faire décrocher n'importe quel comme métier, mais la sortir de ce monde vicieux du mannequinat. « Non, ce sont les conséquences de mes actes... J'ai toujours eu pour but d'assumer mes actes... Ceci dit, de ton côté tu n'auras plus à recevoir des coups... Je peux faire de ton enfer, un paradis en un claquement de doigt. » Non je ne me prenais pas pour dieu. Simplement pour un homme possédant de l'argent, et de bons contacts. « C'est la première fois que j'en parle, je ne sais plus qui je suis et j'ai tenté de me reconstruire mais je demeure encore plus pitoyable qu'avant. » Je baissais quelque peu la tête. Peut-être par signe de culpabilité envers elle, ou par signe de tristesse par rapport à mon propre cas. J'essayais depuis quatre ans de me reconstruire depuis ce que mon parrain m'avait fait. Quatre ans, où tous les efforts fournis n'avaient servi à rien si ce n'est qu'à me rendre pitoyable. Finalement, Anastasia même après toutes ces années, n'était pas si différente de moi. « Je ne sais pas si je dois me sentir honoré que tu m'en parles, surtout que tu n'as que de vagues souvenirs de moi, mais si cela peut t'aider, ou te rassurer, sache que tu as toujours pu compter sur moi. J'ai toujours répondu présent... A part ces dernières années... » Même si j'en suis désolé, continuai-je dans mes propres pensées. J'étais désolé, mais trop fier pour pouvoir le lui avouer.

« Je suis fatiguée donc on ne va pas s'éterniser. Tu voudras rentrer avec moi ou rester avec ta solitude et ton whisky ? » demanda-t-elle en descendant du lavabo. Drôle de question qui me déstabilisa quelque peu. Si je rentrais avec elle, je n'étais pas certain de savoir me contrôler, et je savais d'ores et déjà que je m'affligerai des blessures au coeur, que je préférais m'épargner. Et si je rentrais seul, je savais aussi que ce serait pour picoler toute la nuit, culpabilisant de l'avoir laissé seule. Mais surtout parce que je faisais cela depuis de quatre années. Boire pour oublier... Donc, dans les deux cas, je n'en sortirais pas indemne psychologiquement. Je me dirigeais vers la porte que je déverrouillais avant de reporter mon attention sur Anastasia qui avait reprit toutes ces affaires, dont les somnifères... Elle s'approcha de moi pour m'embrasser. Ceci dit, ce baiser dépassait de loin les deux autres qui avaient été brefs, celui-ci durait. Sans doute parce qu'enfin je me décidais à y mettre un peu de passion, de tendresse et de faire en sorte qu'il s'éternise jusqu'à notre dernier souffle. Je m'étais rapproché un peu plus d'elle, déposant de manière hésitante, mes mains sur sa taille alors que les siennes étaient dans mes cheveux. Ce baiser raviva de nombreux souvenirs et lorsqu'elle mit fin à ce dernier, je regrettais qu'il se termine déjà. J'en voulais plus, à présent. « Je prendrai un coca. Je ne bois pas d'alcool. Enfin, pas beaucoup... » Je portais mon regard vers ses yeux avant d'ouvrir la porte pour la laisser passer. « Étrange, pour une russe. » Évidemment, ce n'était qu'un stéréotype. Les Russes n'aimaient pas forcément l'alcool. Moi je l'adorais, trop même... « Finalement, j'ai une meilleure idée. Simplement toi et moi, dans ma chambre d'hôtel, autour d'un verre de champagne ou de coca, je m'en fous, c'est juste histoire de fêter nos... retrouvailles ? »

Une fois à l'extérieur, j'interpellai un taxi. J'avais pour habitude de me déplacer avec mon chauffeur attitré, mais il méritait amplement que je le laisse tranquille ce soir. J'avais été exécrable avec lui, uniquement à cause d'Anastasia qui foutait un véritable désordre dans ma tête et ma vie. Je n'en revenais toujours pas de l'avoir devant moi après quatre années sans sa présence à mes côtés. Anastasia s'installa dans le taxi et j'en fis de même. Le trajet ce fit dans le plus grand des silences, sans doute causé par cette nervosité qui m'avait atteint. Et si finalement j'avais fait le mauvais choix ? Et si rentrer seul et boire avait été la meilleure solution ? J'avais essayé pendant des années à l'oublier, et aujourd'hui, je réduisais mes efforts au néant. Mais comment pourrais-je tirer un trait sur elle, alors que le peu de temps passé avec elle me faisait revivre ? Tout homme était incapable de refuser le bonheur... Lorsque nous arrivâmes dans la suite de luxe, je pris soin de la débarrasser de sa veste et de son sac avant de finalement m'approcher d'elle et de la plaquer délicatement contre le mur pour l'embrasser. J'avais envie d'elle depuis son baiser dans ces toilettes. J'en pouvais plus à présent, je voulais sentir sa peau nue contre la mienne, je voulais lui faire l'amour dans la plus grande des tendresses et repenser à nos années antérieures. « Tu m'as manqué, Anastasia. » avouai-je en déposant un baiser dans son cou.