Cette histoire me montait à la tête, je ne pensais plus qu'à cela, vingt quatre heures sur vingt quatre, sans arrêt. C'est comme un monstre que me ronge de l'intérieur, vorace et vil, qui m'empêche de me concentrer sur n'importe quoi d'autre. Les larmes commencent à ruisseler sans raison sur mon visages et je me cache toute la journée dans ma maison comme une reclue parce que j'ai peur du regard des autres, parce que j'ai honte, parce que ces connards vont me juger. Oh je me fous de leur regard, oui, en théorie. Sauf que quand on est enceinte que qu'on a peur d'être prise pour une traînée, c'est différent. Puis mes émotions sont confuses, embrumées à cause de cet être qui pousse comme une mauvaise herbe dans mon ventre, c'est horrible, je le hais. J'avais besoin de me changer les idées, j'essuyai mes larmes du revers de ma manche et commençai à chercher une tenue pour sortir. Même les couleurs ne me disaient plus rien. Je pris au hasard un t-shirt et un pantalon dans ma garde robe et les enfilai puis, je mis mes converses rose flash et enfilai ma veste à carreau sans oublier un écharpe rose elle aussi, pour rappeler les chaussures. Puis, je me dirigeai vers l'unique bar de la ville, il était 18h30, je n'avais pas manger et ce même si je crevais de faim, rien ne me disait. Je ne pouvais même pas boire avec ce foutu embryon ! Marcher me fit du bien, l'air frais aussi, ça me rafraichit les idées. En arrivant au bar, je m'installai à celui-ci sur un tabouret haut et me retins de commander un alcool fort pour prendre un jus d'orange. Je me sentais pitoyable. Je m'amusai à faire tourner mon tabouret pour m'amuser, peu m'importai que les gens me prennent pour une attardée. Puis, quand mon verre arriva, par réflexe, je le descendis d'un coup. Malheureusement, ce soir, ça n'allait pas ma saouler le moins du monde. Un graçon, pas mon style, était entré depuis quelques minutes et il me fixai bizarrement. Encore quelqu'un qui allait venir me draguer, décidément, je devais jouer à la loterie. Quoi que... j'avais déjà gagné le gros lot. Priam...

Bon bon bon. Je crois que j'avais ce soir, comme beaucoup d'autres, un choix crucial à faire. J'avais fait plein de trucs cet après-midi, ne pouvant pas tenir en place et ressentant l'envie de courir d'un bout à l'autre de la ville pour voir des amis, faire des conneries ou fumer une cigarette. Et le début de soirée venu, je pouvais être raisonnable et rentrer me reposer avant d'aller bosser vers vingt-trois heures. Ou je pouvais aussi me faufiler jusqu'au bar. Les semaines précédentes il m'était arrivé d'être sérieux mais maintenant que je n'habitais plus seul, rentrer à la maison ne voulais plus dire se reposer. Bref, j'étais donc chez Hogan, avec l'envie habituelle de faire pleins de rencontres. Enfin, surtout de filles à vrai dire. La solitude se faisait pas mal sentir en ce moment de mon côté, parce que j'avais l'habitude d'être entouré constamment et que j'avais de plus en plus de boulot. Tout cela additionné faisait que je n'avais pas branché une fille depuis genre presque deux semaines. Inquiétant.

Donc, entrant chez Hogan, je balayais la salle du regard à la recherche de quelqu'un, d'un signe, d'une fille intéressante. J'en remarquais une, au fond, tournoyant sur une chaise du comptoir comme une demeurée. J'avoue que cela me fit sourire, contrairement aux autres qui se demandaient bien ce qui pouvait lui passer par la tête. Patiemment, je m'approchais du bar en tentant la technique du : on s'assoit au bar à côté d'une fille et on se retourne en suite vers elle genre tiens tiens une femme séduisante à ma droite, quel hasard. Une fois ma petite feinte accomplie, je lui adressais mon plus grand sourire.

- Salut. Moi c'est Mathéo. Alors, bonne soirée ?

Spoiler:

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J'avais raison, ce type me fixait bizarrement. De ce regard qui veut dire : oula, toi je vais te mettre dans mon lit ce soir. Sauf que je n'étais pas d'humeur pour ce genre de connerie d'un soir. Mes futures, ou pas, responsabilités me pesaient comme un poids mort et je n'avais nulle envie de batifoler en faisant semblant que tout allait bien. Non aujourd'hui, j'avais envie de m'amuser d'une autre manière. En plus ce gars n'était pas du tout mon style. En même temps, j'étais assez difficile et des vrais mecs, il est rare qu'on en fasse encore. Non maintenant, ils ressemblent tous à des tapettes avec leur jeans moulant et leur coupe de cheveux "mode". On dirait juste des iroquois mal baisé. Oui parce que ces messieurs sont toujours en quête de baise. Je sais c'est malheureux... Mais en même temps, je ne peux pas vraiment les blâmer puisque je fais, ou plutôt je faisais avant que je n'apprenne être enceinte, la même chose. L'approche bidon s'était mise en place et il s'était, comme par hasard, assis à côté de moi et, comme par hasard, il a commencé à me causer. « Salut. Moi c'est Mathéo. Alors, bonne soirée ? ». Oh non, le boulet. Je m'en foutais royalement de sa gueule et s'il avait pu décamper comme une fillette suite à l'inspiration divine d'un fantôme qui serait venu l'emmerder, ça m'aurait arranger. Cependant, personne ne vint à la rescousse et je fus forcée de lui répondre même si j'avais juste envie de lui cracher à la gueule. « Yo ! Moi c'est Anonyme, enchantée ! Qu'est ce que ça peut te foutre ? ». Voilà ma manière de répondre aux gênants. S'il avait pas piger le signal, franchement, il valait doublement pas la peine. Parce qu'on plus d'être pas beau, il serait vachement débile ou obstiné. Hors, j'aime qu'on me résiste et je déteste quand on me saute dessus comme on sauterait sur un taureau mécanique. Comme pour appuyer mes propos, je me retournai, lui tournant alors le dos et fis mine de connaître un gars un peu plus loin en lui faisant un signe de la main, un gros motard immonde avec des tatouages partout. Puis, je le regardai et dis : « C'est une très bonne connaissance ! ». Là dessus, je me pinçai les lèvres et levai mes pouces l'air de dire : j'ai gagné !

Je le vis directement. A l'instant même où je me retournais vers cette fille. Je le vis, à son petit regard en coin et son air blasé. En gros, j'avais fait une mauvaise pioche. Je m'en voulus pendant quelques secondes d'avoir sauté sur la première qui venait, cela ne donnait jamais rien de bon, et j'aurais dû le savoir. Ces derniers temps je faisais vraiment n'importe quoi. Je me jetais dans un bar comme ça, tête baissée, sans penser à rien. Cela ne va sûrement pas vous étonner, mais en général cela ne fonctionnait absolument pas. Habitude s'en était faite de traîner, trouver une fille, passer la nuit avec elle, plus la revoir, chose qui m'avait toujours paru normale. Mais maintenant à chaque fois c'était plus difficile, à chaque fois j'arrivais à m'y attacher par je ne sais quel moyen. Ou alors je me prenais un gros vent en pleine face comme ce soir là.

Non mais le pire c'est qu'elle se foutait totalement de ma gueule. Elle me répondit s'appeler anonyme, genre son regard à tuer sur place suffisait pas. Je résistais une seconde à l'envie de décamper sur le champ et de fermer les portes du bar sur ma honte pour éviter l'humiliation publique. D'un côté, je n'avais pas à être maîtrisé par une fille, c'était dingue ça. Ma fierté avait été peut-être effleurée mais il me restait mon honneur masculin à sauver. Ou du moins à essayer de sauver. Pour l'instant, je restais silencieux et la défiais du regard. Elle me désigna un motard louche derrière comme une très bonne connaissance à elle puis leva les pouces victorieusement. Second foutage de gueule. Cela commençait à faire beaucoup. Je n'avais qu'à juste rentrer dans son jeu, on verrait bien. En un dixième de seconde je repérais quelques chaises derrière une espace de femme cougar de cinquante ans, lifting raté, habillée entièrement en panthère, l'horreur quoi. Je me retournais et lui lançais : "Hey, poupée." puis me retournais vers la fille avec une intonation perverse : "C'est plus qu'une connaissance là.". Un verre d'alcool que je n'avais pas commandé se posa à ma gauche et je le bus cul sec en lançant un sourire moqueur à ma voisine. C'était dégueulasse ce truc. Enfin, je me sentais fier de moi pour l'instant, attendant le moment où elle m'achèverait, car je voyais bien que ça allait me tomber dessus.

« Hey, poupée ! C'est plus qu'une connaissance là. ». Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire, lui avec une cougar en train de faire des choses sous la couette, c'était tout bonnement irrésistible ! Je n'arrivais juste pas à me l'imaginer. Impossible quoi. Il avait juste la tête du minet qui se fait tout le temps, ou du moins qui essaye, pleins de nanas. J'en aurais pisser dans ma culotte. Je devais me tenir les côtes, j'avais mal au ventre avec ces conneries. « Oh my god ! T'as décroché la timbale, ma parole ! ». Sur ce, je partais d'un nouvel éclat de rire, incapable de me retenir. Bordel, au moins, il arrivait à me distraire de mon amant d'un soir qui était parvenu à me mettre enceinte. Après m'être reprise, quelques minutes plus tard, j'estimai qu'il avait gagné de savoir mon prénom. « Allia, enchantée ! ». Je lui tendis la main, en signe de trêve. A ce moment, je croisai ses yeux et tentai d'étouffer une nouvelle crise de rire. J'en vins à lui postillonner dessus et à rire denouveau. Et merde, la bourde. Mais après tout, je me fichai pas mal de ce que pensai ce gars de moi. Et il n'avait qu'à s'essuyer tout seul. Après tout, ce n'était qu'un peu de bave et que je sache, je n'avais pas la gale ! « Maintenant qu'on est pote, tu me paies un verre ? ». Je lui tapai bien fort dans le dos, comme les mecs entre eux. Je trouvai ça drôle. Surtout que la plupart du temps, les gens étaient surpris de ma force. Même si j'étais plutôt fluette et que le sport et moi n'étions pas fait pour nous entendre, j'avais une force cachée que personne ne soupçonnait. Je ne l'utilisais cependant pas, tout comme mon QI impressionnant qui ne me servait à rien.

Honnêtement, l'idée même de me retrouver à faire quoi que ce soit de cochon avec une femme fripée habillée de léopard me dégoûtait. Ces coups-là, c'est pour les désespérés du sexe. En même temps, ce n'était pas plus horrible que de m'imaginer cette fille draguer cet espèce de motard plein de sueur. Même si bon, vu la façon dont elle m'avait rembarré, j'avais un doute sur son affection pour le sexe masculin. Sans m'imaginer des choses évidemment, mais disons qu'en général, quand elles ne sont pas intéressées, les filles aiment bien jouer un moment; ensuite elles se lassent vite. Donc sa réaction m'avait parue étrange, même si elle devait avoir ses raisons. Quand je la vis rire aux éclats en m'entendant suggérer des choses avec cette femme, je ne pus m'empêcher de la suivre. Elle était hermétique à ma drague, mais pas à mon humour visiblement. J'aurais noté cela comme un bon point si je n'avais pas perdue toute envie d'user de mes charmes une nouvelle fois. En fait, je comptais même partir sur le champ trouver quelqu'un de plus intéressé, mais puisqu'elle se présenta à moi, ça aurait été impoli de m'enfuir. Je me retournais vers elle tendit qu'on se serrait la main. Allia ne put d'ailleurs pas s'empêcher de vouloir éclater de rire en voyant mon visage et se retint, éclaboussant mon visage au passage. Rien ne me surprenait plus de la part de cette fille maintenant. Et mon envie pressante de sexe était passée donc je pouvais me rasseoir et essayer de me trouver une amie avec un e pour une fois.

"Et moi Mathéo." Je lâchais sa main et sourit à la limite du rire. Des images pornos avec un motard ou une cougar trottaient toujours dans mon esprit. Allia nous désigna comme "potes" également, en me tapant dans le dos, ce qui accentua mon rire naissant. Venant d'une fille c'était plus que bizarre. Je l'ai dis, mes amies sont rares; souvent il y a un truc caché, une ambiguïté ou une rancoeur. Une femme me traitant de façon virile, c'était inhabituel. Mais après tout, ce n'était pas si désagréable, ça me ferait sûrement une soirée différente pour une fois. Je lui rendis sa tape amicale, plus fort qu'elle. C'est un truc de mec ça, de toujours essayer de dépasser l'autre. En tout cas j'avais remarqué qu'elle avait une sacrée poigne, une sportive peut-être. Elle commençait à ressembler au cliché de la lesbienne type, même si je gardais un doute dans un coin de mon cerveau. Comme d'habitude, je mourrais d'envie de le savoir, et devais me retenir pour ne pas poser une mauvaise question. Allia me proposa de lui offrir un verre, je m'exécutais. Auras-je dû essayer l'humour dès le départ ? "Et ton ami poilu derrière il veut à boire ?" Je désignais du regard sa "connaissance" de toute à l'heure, et rit pour indiquer mon ironie, commandant deux bières au barman au passage. Je me tournais vers Allia. Elle avait l'air beaucoup moins grincheuse que tout à l'heure. Je vous jure, vous auriez vu son air pas sympa vous auriez fuit. Là elle paraissait déjà plus détendue. Enfin ce qui m'apparaissait c'était qu'on ne savait jamais comment elle allait réagir. On aurait dit qu'elle pouvait changer d'humeur en une seconde. Je tentais une question bateau, moqueuse. "Et sinon, dis-moi, qu'est-ce-qui t'amène ici, si ce n'est pas pour draguer ?"

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La femme léopard ne m'intimidait pas mais imaginer un gars aussi jeune avec une vieille peau ne pouvait que me rendre hilare. Ces femmes font pitié je trouve. Même pas capable de trouver des mecs de leur âge, il faut qu'elle saute sur le premier jeune venu. C'était vraiment comme si je me tapais ce motard. En même temps, son côté un peu crade, viril, m'attirait, je devais l'avouer. Mais bon son sur-poids et sa tête du gars tout droit sorti de prison... Non merci ! J'ignorais la raison qui m'avait poussée à me présenter à ce gars trop propre sur lui que pour être honnête. J'étais comme ça, j'agissais sous l'influence d'impulsion incontrôlée. « Et moi Mathéo. ». Mon hilarité se stoppa net. J'aimais beaucoup son prénom. Cette réflexion me fit penser à ce qui grandissait dans mon ventre. Presque pour la première fois, je m'imaginais lui donner un prénom, une vie. Cela me laissa presque songeuse, plomba un peu mon humeur hilare. Ce qui m'attristait le plus, en réalité, je devais l'avouer, c'était de ne pas avoir un père pour cet enfant. Fatalement, cette pensée venait inlassablement me hanter. Et une rage s'emparait de moi lorsque je pensais à lui ! « Et ton ami poilu derrière, il veut à boire ? ». Je souris légèrement, histoire de ne pas faire ma rabat joie mais disons que je n'avais tout d'un coup plus le cœur à ça. Je ne répondis pas à ses paroles. Le comble fut quand il commanda deux bières. Je me sentais mal, j'en ignorait la raison mais disons que d'un côté, le gars avait l'air sympa et j'avais pas trop envie de le contrarier et de l'autre, je ne pouvais matériellement PAS boire d'alcool. C'était logique pour moi mais je ne me sentais pas prête à avouer ça à un inconnu. C'était un total secret. « Ecoute, la bière je peux pas... Sérieusement, hein ! Je... ». Les mots me manquèrent. C'était comme avouer un crime. « Et sinon, dis-moi, qu'est-ce-qui t'amène ici, si ce n'est pas pour draguer ? ». Je regardais le seul, presque triste, triste de ne pas pouvoir boire, triste de ne pas pouvoir draguer, triste de ne rien pouvoir dire, triste d'être dans une situation qui me désespère au plus haut point, triste de n'être plus moi-même, triste d'avoir à manger sain et boire du jus d'orange à longueur de journée. Et en même temps, c'était plus fort que moi, je ne pouvais pas me décider à avorter. Pour moi, cela revenait à un infanticide et je ne pouvais pas tolérer une telle chose. Et pourtant, je hais les enfants ! « A vrai dire, je ne sais plus très bien. ». Je baissai la tête, en proie aux larmes.