« Bonsoir. » « Bonsoir. Marlow. » « Enchanté, Cesar. » Elle éclata d'un rire moqueur. « C'est quoi ce nom ? » Il répondit presque du tac au tac, la toisant avec dédain, mais un sourire taquin au coin des lèvres. « C'est quoi cette coupe de cheveux ? » Une rencontre simple et directe, qui se déroula dans un bar de Montsimpa quelques soirs après l'arrivée de Cesar dans le village. La raison de sa venue dans ce trou paumé était uniquement professionnelle, étant habituellement bien plus friand des villes agitées et animées. Jeune agent immobilier, des habitués du métier lui avaient conseillé de passer quelques mois dans un petite ville afin d'en apprendre un peu plus. Né à Manhattan, il n'y était pas allé de gaité de cœur, mais le fait de connaître un agent immobilier qui habitait actuellement sur le terrain l'avait quelque peu consolé. Au moins, il ne serait pas le seul mondain entouré de campagnards qui ne se déplacent qu'à vélo. Oui, Cesar avait des préjugés. Il était également arrogant, fier et séducteur. Il se droguait parfois, était passionné et surtout extrêmement destructeur dans ses relations. Il ne cachait jamais ses sentiments, et agissait en suivant des pulsions instinctives qui foutaient souvent un sacré bordel dans sa vie. Et Marlow n'échappa à la règle.

« Putain Cesar, l'eau chaude ! » Elle poussa un cri de surprise au contact de l'eau glacée sur son corps. Enfilant une serviette de bain en hâte, les cheveux mouillés et le corps gelé, elle sortit de la douche qu'elle avait voulu reposante. Cesar entra dans la salle de bain, hilare de sa petite blague. Allumer le robinet pendant qu'elle prenait sa douche, pompant ainsi toute l'eau chaude, semblait particulièrement drôle à ses yeux. « On dirait un chaton noyé. » Les sourcils froncés et la mine furieuse, Marlow fut cependant incapable de résister à la moue craquante du jeune homme. Il s'approcha d'elle et l'enserra de ses bras tandis qu'elle se blottissait contre son torse. C'est ainsi qu'une petite vie à deux s'installait, sans pour autant se transformer en un quotidien monotone. Ils n'habitaient pas ensemble, ne se donnaient pas de petits noms guimauves, ne s'étaient pas promis amour et fidélité jusqu'à la fin de leur vie. Mais ils étaient fous l'un de l'autre.

« Marlow, faut que je te parle. » Le ton décontracté mais quelque peu stressé de Cesar l'alerta. Elle s'approcha de lui, méfiante. « Et bien vas-y. » « Je dois rentrer à Manhattan. » Déjà ? Il n'était là que depuis six mois à peine. Même s'il n'était à Montsimpa que pour en apprendre un peu plus sur le métier d'agent immobilier, il lui était tout à fait possible de chercher un poste à temps plein ici. « Tu te plais pas à Montsimpa ? » demanda-t-elle simplement, cachant merveilleusement bien son inquiétude. Elle ne voulait pas qu'il parte. Mais elle était bien trop fière pour le lui dire. « Si, c'est pas le problème... Bon. Je dois te dire quelque chose. Ca risque de pas te plaire. Mais je veux que tu saches une chose d'abord. C'est que je t'aime, vraiment. » Il semblait gêné et maladroit, et surtout terriblement inquiet. Ses derniers mots étaient sincères et prononcés avec une passion perceptible. Elle accepta cette déclaration en silence, présentant que la suite n'était pas aussi joyeuse. Jugeant que le silence s'était installé un peu trop longtemps, elle l'encouragea. « Je t'écoute. » « Je suis marié, Marlow. » Elle éclata de rire. « Pardon ? » Elle n'y croyait pas, bien évidemment. Qui aurait pu ? Il soupira. Il s'était apparemment préparé à cette réaction. Plongeant des yeux emplis de tristesse et d'excuse dans ceux de Marlow, il poursuivit. « J'ai une femme qui m'attend chez moi, à Manhattan. » Peu à peu, toute trace de sourire quitta ses lèvres. Ce ton sérieux ne lui ressemblait pas, et ce n'était apparemment pas une de ses blagues douteuses. « Tu te fous de moi... » Baissant légèrement la tête, honteux, il resta silencieux. « Et tu crois pas que t'aurais pu me dire ça avant ?! » s'écria-t-elle, furieuse. La colère était la seule émotion qu'elle voulait ressentir pour le moment. Bien d'autres se bousculaient dans sa tête, mais elle refusait de les laisser intervenir. « Je suis désolé. » « C'est vrai que ça change tout si t'es désolé. » répliqua-t-elle, acide. Elle chercha son regard, attendant une autre réponse que cette vulgaire excuse. Mais elle ne vint pas. Sa colère se calma, laissant place à un pur et profond sentiment de trahison. « Je t'aime, moi aussi. Dommage que t'en ai rien à foutre. » Elle se retourna, prête à partir, mais il l'en empêcha. Lui attrapant soudainement le bras, il lui donna un long baiser avant de quitter la pièce.

Il quitta Monsimpa et retourna à Manhattan, où il resta quatre mois. Il termina finalement par quitter sa femme, avec qui il était depuis un an. Pendant ce temps, Marlow tenta de l'oublier, conservant comme seul souvenir de lui la colère qu'elle éprouvait à son égard. Cesar décida de revenir à Montsimpa : il était véritablement amoureux de la jeune femme qu'il avait trahie et humiliée.