Il avait refusé. Et pourtant, il se retrouvait ici. En face de ces miroirs lui renvoyant sa propre image. Habillé d'un short et d'un tee-shirt, ses chaussons aux pieds, il se sentait bête à se fixer ainsi. Comme si son reflet allait bouger. Comme s'il allait subitement se mettre à danser. Comme avant. Et que lui, il resterait simple spectateur, appréciant. Pourtant, le reflet ne bougeait pas, le fixant aussi. Selon son nouveau psychologue américain, Mir devait danser. Selon les médecins, il ne devait pas forcer sur son genou. Devait-il écouter un type qu'il connaissait à peine prétendant l'aider ? Vous êtes juste blessé, non infirme. Vous pouvez danser sans vous faire mal. La tentation était grande. Parce qu'il avait envie. Il voulait voler à nouveau. Comme un oiseau. Comme avant. Sentir l'adrénaline montait. Avoir l'impression d'arrêter de respirer durant un laps de temps indéterminé. Atteindre les étoiles qu'il a toujours tant convoiter. Puis redescendre. Essoufflé. Fatigué. Mais fier et comblé. La musique résonnait à ses oreilles, le berçant. Et lentement, il se mit à se mouvoir, entrainant son reflet. Ou était-ce lui qui l'entrainait ? Il sentit son corps se soulever, au rythme de la musique. Fendant l'air avec grâce et aisance. Mir esquissa un sourire de contentement. Il savait encore danser, finalement. Durant quelques secondes, il ne fit que des mouvements simples, les bases qu'on apprenait tout petit. Puis, il voulut plus. Emporté par son élan, par les sensations exquises que lui procurait la danse. Il voulait redevenir le danseur de ballet qu'il était. Confiant, il se prépara pour une pirouette fouettée. Il donna l'impulsion nécessaire et pivota. Une douleur au genou le lança, lui faisant perdre l'équilibre. Sans opposer de résistance, il se laissa tomber sur le sol, amortissant la chute sur ses coudes. Puis il se laissa glisser et ferma les yeux. « дерьмо » ~ merde. grogna-t-il avec humeur. Était-ce réellement une surprise ? Il entendit la porte de la pièce s'ouvrir et des pas légers entrés. Croyant avoir affaire à sa génitrice, il s'exprima dans sa langue natale. « Я в порядке мама » ~ je vais bien maman. N'obtenant aucune réponse, intrigué, il se releva et se tourna vers l'intrus, appuyant tout son poids sur sa jambe gauche. Une jeune femme, à la chevelure dorée, le fixait d'un joli regard bleu-vert. Il lui sourit timidement, légèrement impressionné par l'aura qu'elle dégageait. « Désolé. Je croyais que c'était quelqu'un d'autre.» Il continua de la fixer, ne sachant trop quoi faire, gêné. Peut-être était-il dans sa salle ?

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Le sport, c'est surtout un moyen de maitriser son corps. De le façonner, le dompter. C'est l'une des rares choses que l'on peut gérer ; l'esprit divague vite, le cœur encore d'avantage. Certains se brûlent les doigts, se zèbrent les veines pour enfin sentir ce sentiment de possession tellement rassurant, Isabelle, elle, elle courre, s'agite, transpire, suffoque. Aujourd'hui, elle venait mettre à l'épreuve sa souplesse envolée avec les épreuves. Les cicatrices qui striaient sa peau avaient pendant un moment ralentit ses mouvements, et la crainte de trop les solliciter l'avait rendu.. raide. Disons-le clairement, si la jeune femme avait la force et l'endurance, la souplesse et la grâce lui manquaient cruellement. Elle s'était donc décidée à se rendre au gymnase de Montsympa, après avoir enfilé une brassière surmontée d'un gilet remonté sur son ventre, et un short. Une fois arrivée, elle alla s'échauffer dans une première salle et frapper dans quelques sacs pour se défouler. Ses muscles réveillés, elle partie en quête d'une salle libre. Dans une délicatesse qui était sienne, elle ouvrit la porte de cette dite-salle avec fracas, entrant de quelques pas, ses jambes automatisées tandis que son regard était forcément attiré par la silhouette étendue. Stoppée dans son élan par l'image et les mots qui lui étaient adressés -ou plutôt à celle qu'il pensait qu'elle était-, la demoiselle garda ses lèvres closes, n'ayant compris la moindre petite syllabe de la réplique. Du russe, surement. Durant cet instant de flottement où le jeune homme prit soin de se relever l'esprit d'analyse féminin fit son œuvre. Des chaussons de danse, une salle, un homme, de la musique, un miroir. « J'ai comme l'impression d'interrompre quelque-chose d'important. » Ses lèvres s'arment d'un sourire mécanique, suite à cette pensée exprimée à haute voix. La déduction avait été vite faite. Les futilités, on les fait devant un public, pas caché entre quatre murs. Ou peut-être son instinct la perdait-elle, et il venait juste s'isoler par pudeur. Quoiqu'il en soit, surement aurait-elle déjà dû être sortie de la pièce maintenant. Mais non, la blonde restait plantée là, poussée par un je-ne-sais-quoi qui lui dictait de ne pas bouger. Pire, voilà qu'elle continuait d'ouvrir la bouche : « Désolée, aussi. Pour l'intrusion et pour ne pas être ce quelqu'un d'autre. » Légère grimace, reflet de cette impression de ne pas être, à ce moment, à sa place. Un pas en arrière. « Je vais chercher une autre salle. » Conclut-elle, souhaitant lui accorder la tranquillité qu'elle avait bousculé. Et puis, Isabel n'était pas la meilleure compagnie qui soit.

« J'ai comme l'impression d'interrompre quelque-chose d'important. » Mir continuait de la fixer, ne sachant pas quoi faire. Il n'avait jamais été très à l'aise avec les gens d'ici, comme si une barrière l'empêcher de se lier avec eux. Comme si, finalement, il était voué à toujours rester seul, cloitré dans son monde, à ruminer son inutilité. Puis, de toute façon, ce n'était pas un secret mais il n'avait jamais eu le contact facile. Trop sauvage. Trop centré sur lui-même. « Désolée, aussi. Pour l'intrusion et pour ne pas être ce quelqu'un d'autre. » La grimace qui s'afficha durant quelques secondes sur le visage de la jolie inconnue le fit réagir. Il ouvrit la bouche pour s'expliquer, mais il fut pris de court, la blonde continuant de parler. « Je vais chercher une autre salle. » « Vous pouvez rester. De toute façon, j'ai fini.» C'était la vérité. Maintenant qu'il avait essayé, que son genou lui faisait mal, il ne pouvait réessayer sous peine de se faire encore plus mal. Et il n'avait pas spécialement envie d'appeler sa mère pour qu'elle vienne le chercher, faute de pouvoir marcher jusque chez lui. Il en avait marre d'être dépendant de tous ces gens. Sa mère. Son père. Les médecins. Le psy. Il pouvait se débrouiller tout seul, une suite d'aide ne lui était guère nécessaire. Il en était certain. Toute l'affection qu'on lui octroyait, la pitié qu'il lisait parfois dans les regards lorsqu'on lui demandait ce qui lui était arrivé...tout ça, cela le rendait malade. Il n'avait pas besoin qu'on s'apitoie sur son sort. « Je suis désolé si je vous ai vexé. Je croyais que c'était encore ma mère...et je suis désolé d'avoir emprunté votre salle. » Penaud, il glissa une main dans ses cheveux et les ébouriffa. Il ne savait pas si les salles étaient réservées à des personnes spéciales mais il lui semblait que sa présence contraignait la jeune femme. Et gêner les autres n'était pas son activité favorite, loin de là. Lorsqu'il le faisait, il se sentait encore plus inutile qu'à l'accoutumé. Et cela augmentait encore plus sa gêne. « Vous pouvez rester...si vous le souhaitez.» Il se sentait bête à s'excuser ainsi devant elle, sans même savoir s'il faisait quelque chose de mal. Un peu comme un enfant devant ses parents de mauvaise humeur, s'excusant d'une bêtise présupposée mais inexistante.