Quelle nuit éreintante. Après avoir été dans un bar pour repérer mes proies éventuelles, je suis sortie pour errer un peu dans les rues à penser à la nuit et à tout ce qu’elle nous apportait. Les humains se baladaient comme de futiles créatures parce qu’ils ne se doutaient pas un seul instant que des prédateurs tels que moi rodaient dans les rues. Mais je suis le sommet de la chaine alimentaire. Je suis là pour manger tout le monde. Sauf qu’avec l’invention du plasmafruit, on ne peut plus manger d’humains. En plus c’est profondément dégueulasse comme trucs. Enfin, je ne sais pas vous mais moi je préfère grandement boire à la source plutôt que de manger quelque chose de synthétique. Bref, je restais là, assise sur un banc en regardant les humains aller et venir. Futiles créatures que vous êtes. Vous ne méritez même pas de vivre. Je jette le mégot avant de descendre, mettant mes mains dans mes poches pour poursuivre mon chemin. « Hé poupée, t’es bonne. » Je me tourne vers la source de la voix avant de m’approcher de la stupide et frêle créature qui avait lancé cette phrase avant de me mettre à sa hauteur. « Ah bon ? Merci. » Je l’attrape par l’oreille avant de le force à se baisser pour se mettre à ma hauteur. « Redis ça une fois, sweetheart et je te fais faire le plongeon de ta vie… » Le mec se débat et se dégage tandis que je lui tourne le dos pour rentrer au manoir. Voilà une dizaine d’années que j’occupais cette demeure assez modeste pour quelqu’un de mon rang et je sortis mon trousseau de clés avant d’entrer pour me poster dans l’embrasure de la porte.

Vue de loin, cette maison faisait hantée et je me suis posée la question en entrant de savoir si oui ou non quelqu’un était mort. Je me suis renseignée et cela se pourrait bien, si les fantômes existaient réellement. Il y a des décennies, un débile a eu l’idée de se cramer lui-même. Il faut vraiment être stupide pour faire ça non ? Je soupire tandis que j’avance dans l’immense entrée entendant mes pas résonner dans l’enceinte de ma demeure. Je déposais mon manteau sur le rebord de l’escalier avant de monter pour me déshabiller petit à petit finissant en tunique de satin. Je détachai mes longs cheveux roux pour prendre un bout de plasmafruit et me positionner devant la fenêtre, regardant le soleil se lever. Je fermais alors tous les volets automatiquement pour aller me coucher dans l’immense chambre dont je me suis proclamée propriétaire en emménageant ici. Quand on est vampires, on ne rêve de rien durant notre sommeil. C’est comme si on était morts. Je posais les mains en croix sur ma poitrine avant de fermer doucement les yeux pour me plonger dans une régénération sans aucun songe.

Un courant d’air froid me sortit de mon sommeil. Je le sentais sur moi comme si j’étais observée et instinctivement, je me relevais doucement en position assise par étape avant de faire craquer ma nuque, mes poings, bref tous mes membres. Puis, je sortis du lit avant de mettre mes chaussons et me tourner vers l’endroit d’où venait ce sentiment de malaise. Un homme, transparent, était couché sur mon lit et me regardait avec un air… bizarre dans le regard. Je fronçais les sourcils avant de me retenir de sortir les crocs. « Pourrais-je savoir monsieur ce que je vous faites chez moi et dans mon lit s’il vous plaît ? » J’avais demandé ça d’une voix calme, posée, presque monocorde sans le quitter du regard, hostile et prête à bondir tel un fauve sur ma nouvelle proie.

C’est quoi ce… BORDEL ? Déjà d’où j’avais un colocataire ? Depuis quand ? Et ensuite qu’est-ce qu’il foutait dans MON lit, dans MA chambre ? Il me regardait avec une lueur mi- amusé dans le regard et mi- étonné. Qu’est-ce qui y’a mec ? T’as jamais vu de meuf en nuisette ou quoi ? Nullement gênée par la présence de cet inconnu dans ma chambre, je me contentais de réajuster mes cheveux puisque bon, les miroirs je peux me les mettre où je pense. Je n’ai jamais été du genre à sympathiser avec les nouveaux venus. Je me souviens quand John avait voulu qu’on emménage dans un clan vampire alors que j’étais nouvelle-née, j’avais dû lutter contre mon instinct de ne pas tous les brûler afin de pouvoir cohabiter. Alors le faire avec un homme que celui-là me semblait compromis. Je le fixais avant de fouiller sur ma table de chevet pour en tirer mon paquet de cigarettes évidemment vide dans ces cas-là sinon la situation ne serait plus aussi comique pour sentir l’angoisse me gagner. « Chez lui et dans son lit. » Peu probable. Je vis ici depuis dix ans et aucun propriétaire des lieux n’est venu réclamer son dû. « Monsieur, j’habite ici depuis dix ans, me contentai-je d’éluder d’un ton froid, et personne n’est venu réclamer quoi que ce soit. Ce manoir est le mien et je vous prierai de partir si vous ne voulez pas… que je vous force. » Certes, le gars allait me rire au nez puisque de toute évidence, je n’étais qu’une faible femme qui ne savait sans doute pas se défendre sans un quelconque mâle à ces côtés mais que la chose soit claire, j’étais un vampire, lui non et je pourrais très bien l’égorger d’une manière ou d’une autre.

Chaussée de mes chaussons à talons, j’attrapais ma robe de chambre en satin noir avant de la passer et de lui jeter un regard blasé. Il dégageait quelque chose de bizarre, de presque surnaturel. Je me penchais alors avant de tendre la main vers lui… QUI PASSA AU TRAVERS. Je me reculais alors à une vitesse éclaire pour me mettre contre le mur avant de feuler comme un animal évitant quand même de sortir mes canines au premier venu. Et si cet homme n’était qu’un piège du gouvernement pour m’attraper et me livrer à eux afin de faire des expériences. « Vous. Etes. Quoi ? » J’avais pris soin de détacher les syllabes avant de me mettre prête à attaquer tel un fauve bondissant sur sa proie. Son sourire carnassier allait vite se décrocher de son visage ou il allait finir en carpette dans mon salon et je me délecterai de son effluve tandis que je serai en train de lire du Edgar Allan Poe.