Il y a le silence. Le silence qui emplit l'appartement. Siam n'est pas là. Et heureusement. Parce que Quentin va débarquer. Il ne l'a jamais vue, et c'est bien mieux ainsi. Il ne l'a jamais vue, mais il a fini par la connaître. Parce que je lui parle d'elle très souvent. Parce qu'il est mon meilleur ami. Le frère que je n'ai jamais eu. Je ne me risque jamais à m'attacher trop aux gens, ou bien à les désigner comme étant quoi que ce soit pour moi. Mais avec Quentin, c'est différent. Ce type est différent des autres. Il me ressemble, il me comprend. Tout comme je le comprend. Je crois que tous les deux, on est un peu des maudits des sentiments. Des maudits, parce qu'on aurait voulu qu'ils ne nous tombent pas dessus, mais qu'on a quand même fini par se les ramasser sur la tête. Je me fais chier sur mon sofa. J'attends qu'il frappe à la porte. Et qu'il apporte un peu de vie à tout ce silence, à tout ce vide. Qu'il vienne me changer les idées. Me parler de tout, et de n'importe quoi surtout. Comme d'habitude. Il y a des bières qui nous attendent au frais en plus. Un après-midi de mecs quoi. Comme je les aime. Parce que ces après-midis là changent de ceux passés avec Siam. Ceux où on s'engueule, où on se parle à peine, où on s'ignore. Ceux où j'me dis qu'on serait mieux en enfer, mais où la seconde d'après j'réalise que ça serait moche si elle n'était pas là. Alors voilà, j'attends sur mon sofa. Et lorsque j'entends enfin le bruit singulier des coups sur la porte, je me dis que ça y'est. C'est la journée qui commence enfin. Alors je bondis pour ouvrir la porte. Je me prends un coup de poing amical contre l'épaule, auquel je réponds par une frappe dans le dos. C'est toujours comme ça que ça se passe. Comme ça et puis c'est tout.

Le temps passe. Il passe et il ne s'arrête pas. J'ai l'impression que ça fait cinq minutes que Quentin est là, à me raconter des conneries, et à boire de la bière avec moi. Mais en réalité, ça fait maintenant trois heures et demi. C'est toujours comme ça avec lui. On n'a jamais le temps de se rendre compte de rien. C'est comme de regarder le tour de France. On sait que ça va passer vite, mais on est toujours surpris de ne pas avoir le temps de voir la gueule des cyclistes. Je bois une gorgée de bière, avant de prendre la parole. "Tu sais quoi ? J'devrais changer la serrure de ma porte. On resterait tranquilles tous les deux, et il n'y aurait plus de Siam." Je dis ça pour plaisanter bien sûr. Quoi que ma vie serait plus simple sans elle. J'arrêterais enfin de l'aimer pour du beurre. "Tu crois pas que la vie serait plus facile si l'on vivait sans s'attacher ? On s'rait tous les deux, avec un harem de filles chacun. Mais y'aurait aucun sentiment. On s'rait libres. Ça serait beau." Même si Siam rend ma vie un peu moins moche.

Rafaelle est sortie et l'appartement fait soudainement vide. Sauf que je ne vais pas rester m'y morfondre. Dans ces moments-là, je sais que quelques rues plus loin quelqu'un m'attend. Un simple texto et mon après-midi est bloquée pour cette personne. Sans celle-ci, je ne sais pas comment je ferais. Vous savez, quelqu'un qui vous ressemble, vous comprend et avec qui les choses sont si simples. Je parle de Samson. D'un pote. D'un frère. De ce que vous voulez. Mais lorsque vous vous retrouvez coincé avec des sentiments, une fille, il est vital d'avoir quelqu'un avec qui partager vos ressentiments, vos angoisses, peurs. Car l'amour, c'est effrayant. Je m'y fais petit à petit, mais il reste quelques éléments que je n'arrive pas à assimiler. Elle vit quasiment chez moi, je la vois H24, on se dispute, on se dit à quel point on s'aime, cette situation est étrange. Agréable, mais étrange . Puis pour un mec comme moi qui n'ai jamais connu une chose pareille, il faut le temps de s'habituer, s'adapter. Donc c'est plaisant de savoir qu'aujourd'hui, ma journée est réservée à Samson. Pack de bières en main (on en a jamais assez), j'arrive à l'appartement du concerné. Il m'ouvre petite tape amical et l'après-midi entre mecs débute. On enchaîne les bières, les conversations défilent et finalement, l'heure aussi. Sauf que dans ces moments-là, ça n'a pas d'importance. On n'a pas de limite dans le temps. Lancé dans une discussion, Samson dévie celle-ci pour partir sur autre chose. Les filles. « Tu sais quoi ? J'devrais changer la serrure de ma porte. On resterait tranquilles tous les deux, et il n'y aurait plus de Siam. » Je ôche la tête en signe d'approbation. Puis je le laisse continuer. « Tu crois pas que la vie serait plus facile si l'on vivait sans s'attacher ? On s'rait tous les deux, avec un harem de filles chacun. Mais y'aurait aucun sentiment. On s'rait libres. Ça serait beau.Tu sais quoi ? J'devrais changer la serrure de ma porte. On resterait tranquilles tous les deux, et il n'y aurait plus de Siam. » « Et de Rafaelle ! Je ne sais pas ce qu'elle a ces temps-ci, mais on dirait qu'elle a tout le temps ses .. enfin, tu vois, les trucs qu'ont les filles quand elles sont chiantes. Elle est jalouse pour un rien. C'est dingue mec ! Elle n'est pas comme ça la tienne ? ». Parler ouvertement sans avoir peur des répercussions, quel bonheur. « On devrait partir loin, profiter, baiser ! Être des mecs quoi ! Et non des toutous en laisse ... ». Quoi que la vie de couple à ses bons côtés également (...).