Aujourd’hui, j’avais travaillé une bonne partie de la nuit. Ce n’est qu’aux environs d’une heure du matin que je pus m’éclipser du service afin de rentrer chez moi. Le temps m’avais paru long, voire éternel, presque. Les heures tiraient en longueur, tant et si bien que j’avais l’impression d’avoir travaillé durant toute une semaine sans bénéficier ne serait-ce que d’une infime petit pause. Toutefois, contre toute attente, je m’en accommodais plutôt bien. Le rythme très soutenu auquel j’avais dû me faire au front m’aidait particulièrement à m’adapter aux horaires et emplois du temps aussi intenses qu’exténuants. La seule chose qui me dérangeait au fond, c’était la monotonie de mes journées. Il faut croire que je n’avais plus vraiment l’habitude depuis que mes jours étaient rythmés par les imprévus de la guerre, entre autre. Ceci dit, il fallait bien que je travaille et, de retour à Montsimpa, je n’avais eu d’autre choix que de me faire embaucher en tant que simple infirmière, mais j’aimais ce boulot malgré tout. Avec moi, c’était tout ou rien. J’avais donc pour habitude de me donner à fond dans tout ce que j’entreprenais et c’était probablement de cela que je tirais tout le cœur que je mettais à l’ouvrage. La passion revient toujours au galop. Quoi qu’il en soit, je devais bien avouer que cette journée avait été exténuante à souhaits, ce pourquoi je rejoignis les vestiaires avec autant de motivation que lorsqu’il fallait sortir les poubelles le soir. C’était bien la première fois, mais j’étais tout bonnement à plat. Plus de batterie. Rapidement, j’ôtai ma blouse afin de la déposer dans mon casier que je refermai aussitôt, après quoi je récupérai mon sac à main ainsi que ma veste avant de rejoindre le hall où se trouvait la porte de sortie. Le froid de l’extérieur se rependait déjà dans la grande pièce principale et je ne pus réprimer un léger frisson. Instinctivement, je pris une grande inspiration et me dirigeai vers la porte automatique qui s’ouvrit à l’approche de mes pas. J’eus à peine le temps de mettre un pied dehors que déjà un vent glacial me pénétra tout entière. Afin de me réchauffer comme je le pouvais, je refermai ma veste et croisai mes bras sur cette dernière, suite à quoi je restai immobile le temps de quelques secondes. Un épais brouillard s’étendait à perte de vue, à tel point qu’il m’était difficile de distinguer le bout de la grande rue qui me faisait face. La lumière des lampadaires, quant à elle, perçait avec une difficulté certaine l’épaisse brume qui surplombait présentement la ville. Pressant davantage mes bras contre ma poitrine, je me lançai sur le trottoir qui longeait le bâtiment, afin de rejoindre mon chez-moi. Seule la cadence de mes pas était marquée par le léger claquement régulier de mes talons sur le pavé. Autour, tout était incroyablement silencieux. Même le souffle du vent était à peine perceptible tant il était en harmonie parfaite avec le silence qui pesait sur les environs. Visiblement, j’étais seule, et en vue de l’heure qu’il était, c’était prévisible. Les yeux rivés sur mes pieds, je pressai légèrement le pas, jusqu’à ce que je ne percute quelqu’un d’un vif coup d’épaule. Dans un premier temps, j’étais plutôt surprise, je n’avais distingué personne aux alentours. Je manifestai toutefois une banale marque de politesse. Désolée, m’excusai-je à voix basse en jetant un bref coup d’œil vers l’homme que je venais de bousculer. Cette silhouette… malgré l’épais brouillard qui ne s’était pas dissipé le moins du monde, j’aurais juré la connaître. Par automatisme, je fronçai légèrement les sourcils fouillant par la même occasion au fond de ma mémoire, mais rien n’y fit. Je secouai alors la tête, comme pour effacer cette idée qui me semblait à présent totalement saugrenue. Comment aurai-je pû reconnaitre quelqu’un ce soir, alors que la brume recouvrait intégralement le quartier, jusqu’à m’empêcher de distinguer le bout de la rue ? Energiquement, je repris donc ma marche, comme si de rien n’était, jusqu’à m’arrêter de nouveau, quelques mètres plus loin, au pied d’un immense lampadaire. Floyd… murmurai-je pour moi-même, toujours le dos tourné à mon interlocuteur – si tant était que je pouvais le nommer de cette manière. F… Floyd ? réitérai-je, de façon plus distincte cette fois. Je me retournai vers lui. J’ignorais totalement si je divaguai, ou si je l’avais réellement reconnu. Tout ce dont j’étais sûre à ce moment précis, c’était que le regard insistant que je portai présentement sur lui devait être incroyablement gênant, mais il m’était toutefois impossible de détacher mes yeux de lui, attendant une quelconque réaction de sa part.

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