Tu te démerdes toujours pour avoir les sales affaires. Ca ne te plaisait jamais de n'avoir aucune information sur ton client. Tu te foutais de ses goûts vestimentaires, du nom de son premier poisson rouge, mais t'aurais aimé connaitre ses horaires. T'avais à peine commencer le boulot que déjà on te mettait des batons dans les roues. T'étais là, sans possibilité de bouger sans te faire remarquer direct. Tu entends qu'il rentre, t'es pas sourde et ton ouïe fine te permet de savoir où il est exactement. Vous êtes dos à dos, un fin mur vous séparant. T'as ton arme dans la main mais tu sais que lui aussi a dégéné la sienne. Doucement, tu souffles. Qu'est-ce que ça t'énerve quand tes plans foirent. T'es déjà pas aimable d'habitude mais tu sais déjà que cette visite ne sera pas courtoise. Tu te décides, soit tu tires, soit c'est toi qui prend une balle. Tu regardes autour de toi, tu vois que c'est clean ; pas une feuille qui traine. Tu le savais, ce mec était pas un des abrutis que tu traques d'habitude. Tu pointes ton arme devant toi et te décolles du mur de manière à ce qu'il puisse te voir au moment même où il entrera dans le salon. Si il tire, tu tires. Ca fera que deux morts de plus de toute façon. Finalement, tu vois une silhouette sombre se dessiner dans l'entrée du salon. Vous avez l'air fins comme ça, le revolver entre les mains. « tu pensais aller quelque part ? » Tu sens ton éternel sourire en coin se dessiner sur tes lèvres. « je me disais justement que la séance de ciné est dans cinq minutes. » Top chrono. Tu lançais le paris, dans cinq minutes, tu seras déjà bien loin. Vous vous scrutez pendant une bonne minute, tu fais quelques pas d'un côté, d'autres de l'autre, tu joues. T'as ce sale sourire collé aux lèvres. L'excitation. T'es certaine qu'il peut lire dans tes yeux le désir de gagner cette partie de dames. T'es là pour le tuer, il est là pour te tuer, une situation à la con. C'était pas un bleu, t'en étais certaine. Si on t'avait envoyé ici, c'était parce qu'il gênait. Et dans ce cas, il serait étonner de ton professionalisme. Il s'attendait sûrement pas à ce qu'un bout de femme comme toi soit chargée de ça. Ca aussi ça te plaisait ; plus facile de t'en tirer quand t'as une gueule d'ange. Sans le quitter des yeux, t'as le temps d'analyser tes opportunités ; la fenêtre était trop loin, la porte était un choix parfait pour se faire descendre et il ne te laisserait pas filer comme ça.

« c'est dommage, mais je pense que tu vas être en retard » Ce qu'il croyait. Tu souris un peu plus, tu n'étais jamais en retard, il le découvrirait bien assez vite. Tu te foutais royal de la manière donc t'allais t'en sortir, tu serais dehors dans quelques minutes, et il n'y pourrait rien. « n'en sois pas si sûr mon mignon. » Elle haussait les sourcils en signe de défis. Qu'il soit un pro ou non, t'en avais vu d'autres. La cicatrice sous ton épaule te picotait. Le fumier qui t'avait fait saigné la seule fois dans toute ta carrière avait été enterré deux jours après que son doigt s'était posé sur la détente. T'étais pas tendre mais c'était ton boulot qui voulait ça. C'était comme ça, pareil pour l'homme qui se tenait devant toi. Si tu t'étais pointé chez lui aujourd'hui c'était pas pour rien, on ne te faisait pas enquêter sur le dernier mec qui n'avait pas payé son amende. En vue du regard qu'il te lançait, tu pouvais en conclure qu'il rigolait pas non plus. De toute façon, tu préférais ça. T'aimais le dangereux, pas la facilité. Il avait fait quelques pas dans ta direction mais tu ne bougeais. Tu remarques qu'il n'a plus son doigt sur la gâchette. Peut-être pas si coriace que ça ce gars. Toi tu gardes ta position, t'es prête à tirer, c'est à lui de lancer les dés. Vos revolvers se toucheraient presque, il pointe ta tête et toi tu vises son coeur. Dans les deux cas, ce serait rapide. « tu bosses pour qui ? » Tu fais claquer ta langue. Comme si t'allais lui donner des informations. Tu penches ta tête sur le côté, le sourire figé, tu sais que t'es insupportable. « c'est moi qui pose les questions coco. » Tu ne lui laisserais pas l'avantage. Déjà, c'était toi qui avait la doigt sur la gâchette, tu pouvais t'en tirer facilement d'un simple geste. Il avait tendance à l'oublier. « combien t'es payé dis-moi ? » T'attaques, t'as pas toute la nuit, t'as autre chose à faire de ta vie. Quoi que. Mais ça il le savait pas. T'ignorais pour qui il travaillait, tu t'en foutais comme du reste, mais tu savais qu'il était dans l'autre camp. Et que ça plaisait pas à tes employeurs. Soit il décidait d'être responsable et il se reliait aux russes, soit tu le descendais. C'était leur monde, ils avaient les mêmes valeurs, seulement, ce n'était pas le même qui payait le chèque à la fin du mois.

Il se met à rire et ton sourire disparait de la circulation. T'aimais pas qu'on se foute de toi, c'était quelque chose qui t'avait toujours mis hors de toi. Ca venait sûrement de ton manque de confiance en toi mais tu préférais croire que ce mec en avait aucune idée. « t'as cru au père noël toi ! » Ton bras tremble légèrement, t'es en rage mais tu sers les dents. Un peu plus et il était mort. Heureusement pour lui, il s'arrête. Bien, tu te détends. Tu fais craquer ton cou, t'adores faire ça, et puis il a l'air de réfléchir alors tu préfères le laisser cogiter plutôt que de te tapper un torticolis le lendemain. Cette histoire commence à t'ennuyer. Qu'est-ce que tu foutais ici ? Ce type était tout au plus le bras droit du sous-fifre de son employeur, c'est à dire que dale comme pesée dans leur monde. Tu te demandes ce que les russes veulent faire de lui. Le tuer, ce serait marrant, mais ils ne te l'avaient pas demandé ; tu pouvais toujours pretexté un accident. Discuter, c'était pas ton fort. T'avais besoin de rien d'autre que ta belle gueule pour attirer le client et il ne voyait rien venir. Quelque chose te disait que ça ne marcherait pas pour le mec devant tes yeux. « blondie, vaut mieux pas jouer avec moi» Blondie ? Il cherchait vraiment à se faire descendre. Tu te souviens, c'était ton beau père qui t'appelait comme ça à chaque fois qu'il passait une main dans tes cheveux. Tu sens tes doigts se crisper sur la détente, t'as tellement envie d'appuyer. Il te prend pas au sérieux. Il te connait pas. Plutôt que de foirer ta mission, tu fais un pas dans sa direction, t'es rapide et le bout de ton flingue vient se poser sur sa poitrine. Tu déconnes pas mais il semble pas avoir compris. « surnomme-moi encore une fois et je te descend avant que t'ai pu pleurer ta mère. » Tu savais que sortant de tes fines lèvres ça faisait toujours bizarre. Tu mâchais jamais tes mots ; t'avais simplement pas la tête de l'emploi. Tes mots étaient crus mais prononcés d'une voix douce, ça avait tendance à atténuer l'effet. « dis moi pour qui tu bosses et je te promet de mettre fin à tes jours rapidement » Cette fois, c'est toi qui riait. Pour qui tu bossais ? Tu n'es plus sûre qu'il soit un pro finalement. Ton accent perçait ton anglais pourtant. T'ignorais royalement ses menaces, comme si t'allais te mettre à craindre la mort. Tu sentais son flingue sur ton front mais beaucoup d'autres s'était posés là. Et pourtant t'étais encore en vie. Son portable se met à sonner, par reflexes, tu sors ton deuxième flingue et le pointe vers la source. Tu la ranges sans le quitter des yeux, il prend l'appel. Tu entends vaguement les réponses du clan adverse, tu distingues pas si c'est des anglais, des chinois, des italiens. « pas besoin d'aide, je sais gérer la racaille...» Tu lui attribuais au moins le courage de ne pas faire venir sa clique. Tu fais l'impasse sur le qualificatif dont il t'a affublé, il était peut-être miope. Il raccroche et avant qu'il n'ait reposé l'appareil sur le meuble tu le fous en l'air d'un coup de pied pour l'envoyer à l'autre bout de la pièce. Tu voulais pas être encore une fois dérangée. « écoutes moi bien, je sais pas qui t'es ni pour qui tu travailles, je m'en fous comme de la date de ta mort, mais je te conseille de pas faire le malin avec Yori. » Tu voyais à sa réaction que ce nom ne lui était pas inconnu. Tu ne voyais pas l'intérêt de lui cacher ça plus longtemps, ce n'était qu'un misérable détail. A voir si il ferait le bon choix.