▽ l'enfance, elle n'est donnée qu'à quelques uns.

Heureuse, plus que jamais, mon enfance était comme un rêve qui jamais ne s'arrêtait. Confortablement assise sur les genoux de mon père, nous regardions ensemble l'épisode de mon dessin animé préféré. Il ne ratait jamais ce moment de la journée. Seize heures trente exactement. Qu'il soit au travail, ou ailleurs dans la ville, il faisait toujours en sorte de rentrer. Uniquement pour moi et ce plaisir de passer quelques instants ensemble. Des câlins ainsi que des embrassades que je tentais tant bien que mal d'éviter, riant aux éclats. Je ne pouvais pas regarder tranquillement mes héros préférés si je n'adoptais pas de telles manières, bien que j'aimais mon père plus que tout. Je n'avais que huit ans, probablement l'année la plus heureuse de ma vie entière. Celui-ci venait tout juste de s'installer définitivement à la maison. D'ordinaire, il passait son temps à voyager entre Bridgeport et Montsimpa, pour affaires apparemment. Notre maison semblait si vide en son absence que je restais de longues heures à la fenêtre guettant son retour. Le stéréotype de la famille parfaite : des parents aimants, une enfant épanouie, une magnifique maison en banlieue et tout ce qui s'ensuit. Un bonheur que rien n'aurait pu détruire. « Papa, à quoi elle ressemble Reese ? J'aimerais tellement la rencontrer ! S'il-te-plaît, dis ouiiiii. » J'insistais en soutenant son regard, espérant le faire céder. Mais ce ne fut pas le cas. « Le voyage serait trop long, elle habite loin. Désolée ma puce. » répondit-il avant de m'embrasser la tête. Remarquant ma mine boudeuse, il sortir quelque chose de sa poche. Son portefeuille. « Mais, j'ai quelque chose sur moi. Une photo de Reese, ta sœur. » J'écarquillais les yeux de surprise, enthousiaste à l'idée de voir enfin à quoi ma sœur ressemblait. Il ouvrit donc son portefeuille, avant de retirer une photo qui s'y trouvait. Tiens donc. J'étais pourtant sûre de m'être assez amusée à le fouiller. Je l'observais donc, avant de me rendre compte que la photo était dissimulée derrière une autre. Me la tendant, je la regardais afin d'imprimer dans mon esprit les moindres de ses traits. Elle était si jolie. Son sourire indiquait qu'elle vivait dans le bonheur, mais qu'en était-il à ce moment-là ? J'étais sans doute beaucoup trop jeune pour le comprendre. Trop insouciante pour me rendre compte qu'il l'avait abandonnée pour nous rejoindre, et donc m'offrir cette vie de rêve à laquelle Reese ne goûterait jamais. « Je peux la garder ? Tu n'as plus de place dans ton portefeuille. » Celui-ci me sourit, et hocha la tête en guise de réponse. Dans mon esprit de petite fille, cette photo devait être exposée aux yeux de tous. Partout dans la maison, nous pouvions voir des images de ma naissance jusqu'à nos jours. Accrochés aux murs, exposés sur les meubles. Mais Reese n'était nulle part. Je ne l'avais vu sur aucun mur avant ou aucun meuble avant aujourd'hui. « Merci ! » lui lançai-je avant de partir en courant en direction de ma chambre. Près de mon chevet se trouvait un cadre, contenant la photo de mon père. A la parfaite dimension, j'ôtais le cadre pour pouvoir y glisser celle de Reese. Juste au-dessus de celle de mon père. Après tout, c'est bien de cette manière que l'on fait lorsqu'on n'a plus de place ? Les nouvelles choses ou personnes à qui l'on tient prennent le dessus, on les met en avant. Il n'y avait plus de cadres vides, et je la voulais près de moi. Au détriment du visage de mon père que je voyais tous les jours. Comme il avait pour Reese en mettant ma photo avant la sienne. Âgée de huit ans seulement, je n'aurais pas pensé un seul moment que mon action était si réfléchie. Inconsciemment, j'avais compris que ce n'était pas normal. Laisser son enfant en second plan pour une autre. Inconsciemment, je faisais la même chose que lui. Comme si mes actes voulaient pousser mon père à réfléchir à ses actes. Car oui, chaque soir, il me bordait. Chaque soir, il venait m'embrasser me souhaitant une bonne nuit. Et chaque soir, il regardait avec fierté et bonheur cette photo à laquelle je tenais tant.

▽ la jeunesse est le temps des accélérations
L'église était bondée. Tout la communauté de Bridgeport s'était réunie pour le mariage d'Andrew Lawford et Caitlinn Hawthorne. Mon père se fit un nom, au fil des années, dans le monde des affaires. Un nom qui avait une certaine influence. Une richesse accumulée depuis peu et qui attirait. Seule fille du couple, j'obtenais donc ce que je voulais, toujours. Un claquement de doigt suffisait pour que l'on réalise mes désirs. Et je profitais bien de cette situation, en jouant la petite fille capricieuse et trop gâtée. Habillée telle une véritable poupée, mes parents se marièrent lorsque j'avais douze ans. Quatre années d'attente interminable pour ma mère, qui rêvait du jour où mon père poserait la jambe au sol. Et nous y étions. Enfin. En place, je scrutais l'ensemble des lieux. Elle n'était pas là. Elle ne le serait sans doute jamais. Un matin, alors que je prenais mon petit-déjeuner, je posais une des questions qui me trottaient dans l'esprit. Mon père était présent, me racontant encore une fois la journée qu'il allait passer. « Papa ? » Celui-ci se tut, et attendit que je reprenne la parole. « Pourquoi ? Pourquoi ce jour-là, Reese n'était pas là ? » « De quel jour parles-tu ? » Je laissais échapper un rire. Le temps de l'enfance était révolu, et ce depuis longtemps. L'adolescence prit le dessus, et mon caractère en fut quelque peu chamboulé par la même occasion. Du moins, mes relations, ou du moins l'estime que j'ai pour mon père se sont considérablement détériorés, face à une mère impuissante lors de mes sautes d'humeur. « Oh, je ne sais pas trop. Celui de ton mariage peut-être ? Et j'oubliais, tous les autres jours de ma vie. C'est ma sœur, j'estime avoir le droit d'en savoir plus sur elle. Si je savais un minimum de choses la concernant. Je n'ai qu'une photo, et rien d'autre. Tu trouves ça normal peut-être ? » Il posa sa tasse de café, avant de me lancer un regard des plus noirs. Sans un mot, il se leva, enfila sa veste et attrapa son sac. « Il n'y a rien à savoir. A ce soir ma puce. » Encore et toujours. A croire que sa vie ne valait rien. Elle ne représentait rien du tout pour lui, et ne me laissait même pas l'occasion de la faire entrer dans ma vie. « Billie, ne te mêle pas à cette histoire. Tu souffres inutilement. Reese ne sait même pas que tu existes. » La nouvelle me fit un choc. Ma mère me balançait ça tout en gardant un calme déconcertant. Comme si cette situation était normale. Mais non, ça ne l'était pas, absolument pas. « Où habite-t-elle ? » Celle-ci me fixait toujours. « Ton père a fait un choix. Je ne te le dirais pas. » Un choix ? Tiens donc. Maintenant, il faut choisir quelles personnes nous allons chérir durant notre vie. C'est nouveau. « Et j'imagine qu'il est assez malin pour ne pas lui avoir donné son nom à la naissance ? Et bien moi, j'en doute. » Ma mère m'attrapa la main, avant de se lancer dans un long discours. Discours qui avait pour but de me dissuader d'en apprendre plus. C'était raté, désolée. Le lycée arrivait progressivement à sa fin et nous devions tous réfléchir à notre avenir. Faire son choix d'université, découvrir de nouveaux horizons et partir. Partir loin des parents, vivre seul, profiter. Et encore un présent, celui qui marquerait ma nouvelle vie. La décapotable rouge, offerte pour mes seize ans, semblait bien trop usagée pour mon père. Il était ainsi. Il n'aimait pas le durable. Dès qu'un objet appartenait depuis trop longtemps à la famille, il le jetait pour en racheter un autre. Cette fois-ci, j'eus le droit à un modèle noir. Plus sobre, et plus adulte disait-il. Il pensait pouvoir acheter mon amour. Celui-ci cherchait simplement à retrouver cette complicité, celle que nous avions étant petite.

▽ on apprend chaque jour quelque chose de nouveau
Monstimpa. Après de longues négociations, mes parents me laissèrent partir pour la ville voisine. Il me fallait du renouveau. Et ces derniers mois, l'entente familiale était plutôt bonne. Ou du moins, c'est ce qu'ils pensaient. Les tensions n'étaient plus, et je pouvais de nouveau obtenir ce que je voulais. Je vivais donc une vie loin de ce que j'avais toujours connu. Étudiante en architecture depuis près de trois ans, Montsimpa était un endroit assez intéressant et les habitants y étaient particulièrement chaleureux. Tout le monde semblait se connaître, tandis qu'à Bridgeport, ce n'était pas du tout le cas. Quelques recherches me permirent de découvrir que Reese vivait ici. D'autant plus qu'elle n'était pas n'importe qui. La nouvelle étoile montante. En stage depuis plusieurs mois déjà au sein d'un hôtel de Simon Beaumarchais, mon père n'eut aucune difficulté à me faire entrer dans les lieux, étant un ami du père de ce dernier. Penchée sur mon bureau, j'étudiais les plans des différents hôtels du groupe. Tous différents et d'une originalité implacable. Un travail de maître. C'était un privilège pour moi de travailler ici, et je comptais bien faire de mon mieux pour me démarquer. Lors d'une pause bien méritée, je feuilletais un magasine people, avant de reconnaître un visage familier. Ou plutôt deux. Celui de Simon, accompagné d'une jeune femme, nommée Reese. C'était l'occasion rêvée d'en savoir plus sur elle, et j'allais la saisir. Simon était une personne que j'appréciais, un patron agréable. A force de discuter d'architecture, ou encore de mes projets d'avenir, une amitié se créa assez rapidement. Si bien que je me sentais assez en confiance pour parler avec lui de ce que je n'aurais dit à personne d'autre. « Tu vois cette filles, Reese ? Notre nom de famille commun n'est pas une simple coïncidence. En réalité, si je suis à Montsimpa aujourd'hui, c'est pour éclaircir quelques détails de mon histoire. Ou du moins sur celui de mon père. Il m'a caché tant de choses, tu n'imagines pas. Reese est ma sœur, et pendant toutes ces années, mon père ne m'a jamais laissé l'opportunité de la rencontrer, ou ne serait-ce qu'en savoir plus sur elle. C'est pour la retrouver que je suis là. » Je rêvais de ce jour depuis longtemps. Dans mon portefeuille, contrairement à mon père, la photo de Reese était derrière le transparent, à la vue de tous. Tout le monde pouvait apercevoir la tête de cette petite fille d'une dizaine d'année seulement lorsque je l'ouvrais. Elle occupait une place importante dans ma vie, alors que je ne la connaissais même pas. Je me sentais liée à elle, une sorte de connexion si forte, que jamais elle ne pourrait être rompue. Dans mon esprit, tout était si beau, si magique. J'avais imaginé nos rencontres plein de fois, des rires, des étreintes. C'était probablement mon esprit naïf et rêveur qui voulait cela. M'imaginer que tout irait bien sans même savoir son histoire. Il est possible que son histoire ne soit pas des plus agréables, mais je n'y pensais pas. Grâce à Simon, j'allais enfin pouvoir lui parler, l'approcher, apprendre à la connaître et lui révéler qui je suis vraiment. Tout allait être parfait, j'en étais sûre. Jamais je n'aurais imaginé une issue négative à cette rencontre. La vie me réserve bien des surprises, encore une fois. Et je ne savais pas que celle-ci allait être des plus pénibles à supporter.

la soeur à la moche, quelle classe bienvenue ou re chez (ton nouveau) chez toi si tu as la moindre question, n'hésite pas. amanda ou meghan de mon côté