it's been so long since i really truly felt what it's like to live life without substances to help.

Quand tu voyages, tu vas voir les églises et tu te rends compte d’un seul truc. Elles sentent toutes exactement la même chose. Cette odeur de vieux humide mais qui a un truc qui la rend agréable. Une grande inspiration et t’as l’impression d’être béni. Ça doit être ça qui parfume tout, l’eau bénite qu’on trouve à l’entrée des églises catholiques. Là où j’ai passé la plupart des dimanches de mon enfance, entre Bridgeport et Montsimpa, dans une église un peu paumée au milieu du reste, mais tellement folklorique. Avec son vieux curé, ses enfants de cœurs, ses bigotes et ses alcooliques qui restent au fond, ces gens qui croient dur comme fer et qui ne se sentent pas assez bien que pour aller aux premiers bancs, réservés aux familles conservatrices de ma cité. Ces bancs que j’avais l’habitude de tant fréquenter, puis que j’ai pris l’habitude d’éviter une fois plus grand, je les avais retrouvé il y a de ça quelques semaines. Voyez, l’église était pour moi une façon de me repentir, ma dernière chance, le tout dernier libérateur de peine que je m’étais trouvé. Depuis tout petit, j’avais cru en un Dieu, puis j’avais perdu l’espoir, mais jamais vraiment la foi. Aujourd’hui, et ce depuis quelques temps, j’avais réalisé qu’être proche de lui, d’aller chez lui, ça faisait un sacré bien. Alors je passais le plus clair de mon temps libre à me retrouver assis au milieu de l’église, seul, qu’on soit dimanche soir ou mercredi matin. C’était un choix personnel, il me fallait pouvoir me confier secrètement, avouer à quelle que soit la force qui nous anime que je me sentais coupable de ce que j’avais commis quelques années plus tôt.

J’avais rencontré une fille, à l’église. Elle s’appelait Kathie et n’avais aucun rapport avec le fait que je fréquente autant l’église. Ou peut-être un petit peu. Elle était tout ce que je n’avais pas le courage d’être, quelqu’un de franc, pur et juste. On parlait, elle me fascinait, je ne comprenais pas pourquoi elle continuait à passer du temps avec moi. Peut-être était-elle comme ces femmes qui partent toute leur vie pour aider les personnes en difficulté, et qu’elle avait compris qu’ici, à Bridgeport, il y avait aussi des gens qui avaient besoin d’être sauvés, que les lépreux de la bible sont présents partout. Je lui en était reconnaissante, évidemment, cependant je ne savais pas trop comment lui dire quel bien elle me faisait. Elle libérait ma conscience, elle m’écoutait sans que je n’aie besoin de rien dire. Elle ne m’en demandait jamais trop, cependant juste assez pour que la conversation ne s’interrompe jamais. Alors, les dimanches matin, je me débrouillais pour trouver une place à côté d’elle, et j’étais presque fier d’être à l’un des premiers bancs de l’église, juste parce que c’était avec elle. Elle était la catholique parfaite, à mes yeux, tel un ange tombé du ciel. Mon salvateur. Pendant que le prêtre déclamait son sermon, je me suis retrouvé à agir comme un adolescent, à mettre ma main sur mon genou nerveusement alors qu’elle venait de frôler la sienne, sur le banc. Pourtant, j’étais bien avec elle, comme on est bien avec une personne de confiance. Elle était plus qu’une amie parce qu’elle me comprenait réellement ou, tout du moins, qu’elle essayait. Elle me donnait bien plus que mon frère ou mes sœurs ne m’avaient jamais donné depuis l’accident qui nous avait lié, ce qui me rapprochait encore plus de Kat.

Après l’office, alors qu’elle saluait le curé, je me suis dirigé vers la sortie lentement, espérant qu’elle me rejoigne. Je savais que c’était le cas ; nous avions mis en place une sorte de petit rituel à chaque fois que nous nous croisions à la sortie de l’église ; que ça soit pour aller boire un café ou faire une balade dans le petit parc qui entourait l’église, on passait un moment ensemble, à parler de choses sérieuses ou totalement dénuées de sens ; de tout et de rien. Arrivé à la porte qui donnait sur l’extérieur, éclairé par le soleil de midi qui reflétait sur la neige – qui commençait à disparaître mais était toujours parmi nous, je me suis tourné pour voir si elle arrivait. Elle arrivait. J’ai souri. « ça te tente d’aller manger un truc ? J’ai pas eu le temps de manger ce matin, je me suis juste enfilé un demi Kit-Kat qui trainait. J’ai faaaaaaim. » Hier soir, j’étais en performance live dans une soirée privée qui accueillait quelques mille personnes. Autant dire que j’étais rentré tard chez moi, et pas beaucoup dormi, mais j’avais quand même pris soin de mettre mon réveil au volume maximal pour être sûr d’être à l’heure à l’église. Le temps qu’il fallait pour attraper un taxi qui voulait bien me déposer si loin du centre m’obligeait à me lever plus tôt ou bien à zapper le petit dej’. Le choix était vite fait ; dix minutes de plus, sur une nuit, ça joue beaucoup quand ladite nuit se compte en heures sur la moitié des doigts d’une main.

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