Chez Hogan. Autrefois, j'avais aimé cet endroit. J'avais espéré qu'on m'y emmène, et mon souhait silencieux s'était réalisé. Je n'avais pas été aussi seule que ça, pourtant tout avait volé en éclats, tout avait disparu aussi soudainement que c'était arrivé. J'avais connu une amitié superficielle, j'avais été la suiveuse, celle qui restait dans l'ombre de la meneuse. J'avais même eu contre toute attente un petit ami. Il avait fait battre mon coeur d'adolescente comme jamais auparavant, j'y avais pris goût, avant de me retrouver brisée et seule. On m'avait donné des cadeaux que j'avais alors jugés infiniment précieux. Cadeaux empoisonnés à souhait, si on voit ce que je suis maintenant. La mort aura au moins un avantage. J'ai démêlé beaucoup de secrets, entendu bien des révélations. J'en ai appris plus disparue que vivante. Seule, je me permis de penser à voix haute. Seule, c'était un bien grand mot, le café était rempli, je voyais beaucoup de têtes familières. Y compris elle. J'aurais voulu la voir six pieds sous terre, elle. La preuve de l'infidélité de mon père. "Il nous aura tous bien dupés. Tous autant que les autres. Je comprends tellement mieux les choses, maintenant...Et elle. Hors de question que je supporte de voir ses traits affreusement ressemblants à ceux de mon père. Une horreur. Je la suis depuis un bon moment, j'essaye, mais chacune de mes tentatives échouent..." Ma voix se perdit en même temps que mes pensées, dans ma tête, c'était la tempête, un joli désordre. Mes possibilités sont réduites, en tant que fantômes, je ne peux rien toucher. Je peux bouger des objets, passer à travers...et en ce moment, je faisais tout pour qu'un "malheureux accident" se produise. Un couteau, ou même un piano, qui sait, tombé du ciel, ce serait si vite arrivé...Malgré tout, elle semblait dotée d'une chance inouïe que je ne possédais manifestement pas. Mes poings sont serrés à blanc, je crois même que mes ongles seraient enfoncés dans ma peau si je pouvais encore ressentir ça. Et plus je la vois, plus je l'observe, accompagnée d'autres gens, plus la douleur, la rancoeur, la colère augmente. Je suis juste une bombe à retardement, aujourd'hui prête à exploser.