Les yeux rivés vers le radio-réveil, elle fixe les minutes défiler. Malgré tous ses efforts, elle ne parvient pas à trouver le sommeil. La journée a été calme, pourtant. Et ce week-end, elle l'a attendue patiemment toute la semaine, pour décompresser. Pour s'évader. Parce que la semaine a été rude, tout comme ces deux derniers mois. Les élections approchent à grand pas, la mairie s'affole. Il faut préparer la campagne, imprimer les banderoles, affiches, flyers en tout genre. Diffuser des spots publicitaires. Et bien évidemment, il faut aller dans les rues, veiller soi-même à ce que la notoriété du maire ne soit pas entachée. Alors on organise des repas, des soirées, on retrouve les donateurs lors des collectes de fonds, on appelle les gens à participer vivement. Il faut les impliquer. Jad n'a jamais été pour la manipulation, mais cette campagne, elle y croit. Son patron, ce grand homme, ce modèle, la fascine. Et c'est exactement cette sensation qu'elle souhaite partager avec la communauté. Qu'ils découvrent, eux-aussi, ses talents. Ils ne s'en porteront que mieux. Même même lorsqu'elle s'impatientait de voir la semaine se terminer, son boulot la poursuit. Plus tôt dans la journée, elle a rejoint ses collègues pour revoir le programme de la campagne dans son intégralité. Son poste d'assistante lui donne beaucoup de responsabilités et il faut que tout soit parfait. La moindre erreur pourrait leur être fatale. Alors pendant des heures, ils ont parlé de points qu'ils maîtrisent pourtant déjà tous, ils ont revu le calendrier comme pour être sûrs qu'une date ne s'était pas changée d'elle-même au cours de la nuit, et enfin, alors que la nuit tombait et qu'ils ont décidé de laisser le reste à demain, ils ont terminé la soirée en semble, autour d'un verre de vin et de quelques olives, dans un bar tout près de la mairie. La vie à cent à l'heure, ça n'a pas que des avantages. C'est aussi incroyablement épuisant. Alors pour une fois qu'elle en a l'occasion, elle pourrait simplement fermer les yeux et dormir. Le sommeil lui joue des tours, s'amuse à la fuir lorsqu'elle pourrait enfin s'y dédier. Mais elle reste impassible et se dédie à gagner le concours de regards qu'elle semble avoir entamé avec le cadre numérique en face d'elle. Il n'y a rien d'autre à faire, de toute façon. Il est déjà tard et elle est épuisée malgré l'insomnie. Autour d'elle, le silence absolu qui l'effraie si elle y pense trop. Elle déteste sa maison inanimée, son lit vide et elle déteste dormir seule. Bien sûr, la solitude a ses avantages : mettre la musique un peu trop fort en faisant la cuisine, lire un livre dans le calme, choisir le film à visionner. La solitude lui convient parfaitement. Mais dans l'obscurité, elle se surprend parfois à vouloir plus. Commander pour deux chez le chinois, deux serviettes de bain sur l'étendoir de la salle de bain, ou simplement ce lit un peu moins grand. Et puis comme si quelqu'un semblait l'avoir entendue, elle entend quelque chose remuer à l'étage du dessous. Oh non. Un meurtrier fou tente de pénétrer chez elle pour l'étrangler sauvagement. C'est exactement ce à quoi elle pensait. Deux personnes auraient été beaucoup plus utilise qu'une seule dans cette situation. Elle se lève immédiatement et avance à tâtons dans l'obscurité pour faire face au danger. Elle attrape quelque chose au passage, sans savoir de quoi il s'agit, et le jette au hasard en bas de l'escalier. L'inconnu grogne et elle en profite pour descendre les marches qui les séparent pour le frapper au tibia. « Jad, c'est moi. Jolan. » « Jolan ? » Elle répète, incrédule. Elle allume la lumière rien que pour le découvrir, parti se réfugier dans le canapé. « Pardon, je voulais pas te faire peur. » Rien que pour ça, il mériterait bien un autre coup. Drôle de façon de ne pas vouloir faire peur, Jolan. C'est parfaitement réussi. « Qu'est-ce que tu fais ici ? » Elle a bien l'habitude qu'il lui fasse vivre des situations inédites mais c'est bien la première fois qu'elle le trouve dans son salon au beau milieu de la nuit. « Je pensais pouvoir passer la nuit ici. » Evidemment. Elle aurait dû se douter que cette soudaine apparition n'était pas une simple visite de courtoisie. Elle ébauche un maigre sourire à la pensée qu'effectivement, elle le connaît très bien. Trop bien. « Comment t'es entré ? » Mais déjà, il ne semble plus l'écouter. Elle le surprend les yeux rivés sur son corps à moitié dénudé et d'un geste sec, elle referme son peignoir sur sa taille. Ca ne l'empêche pas de garder ce sourire sauvage, le sourire de celui qui pense à une nouvelle bêtise à commettre. « Laisse-moi dormir avec toi. » Il manque vraiment pas d'air celui-là. Elle se voit déjà l'envoyer bouler dans son esprit. Mais c'est qu'il sait comment s'y prendre, le petit. Parce que malgré toute la volonté qu'elle met pour rester en colère après lui, elle finit toujours par tout lui pardonner. « T'es vraiment incroyable, tu le sais ? » Elle finit même par sourire malgré elle tellement tout ça lui semble irréel. Une seconde, il lui inflige la peur de sa vie, la suivante, tout est oublié. « J'ai envie d'être avec toi ce soir. » Il ne lui laisse pas une seconde de répit. Les paroles, sa main dans la sienne, le manque de distance, il arriverait à lui faire tout oublier. Il sait très bien comment elle fonctionne, comment elles fonctionnent toutes. Pourtant elle ne recule pas, elle soutient son regard simplement parce que ça l'amuse. « Et moi, je suis très en colère contre toi. »