Dans l’une de ces petites banlieues parfaites, à la pelouse tondue, aux portiques peints en blanc, et aux maisons construites sur le même modèle, c’est là qu’elle a grandi. Les allées bien entretenues, les arbustes parfaitement taillés, et les fleurs odorantes étaient son quotidien. C’était de la véranda qu’elle assistait à ce manège. Père et mère étaient là pour veiller au bon cheminement de la fillette, à ce qu’elle reste sur le droit chemin. C’était une jolie petite fille bien comme il faut, avec des robes roses et des rubans dans les cheveux. Elle avait un frère de deux ans son aîné, le fauteur de troubles journalier, celui qui venait apporter un peu de tourment à son existence monotone. Compagnons d’aventures, ils allaient çà et là, ils étaient liés comme les doigts de la main et inséparables. Erin- June Williams, l’avait-on baptisée à la naissance, un matin du mois de juin, dont elle tirait son second prénom. Une idée bien étrange de ses parents. Dans cette banlieue calme et parfaite, les voisins pouvaient aller et venir sur les pelouses d’autrui sans la moindre gêne, les enfants pédalaient de bon cœur sur le bord de la route. Une confiance sans limite y régnait. La femme s’occupait du foyer, l’homme de ramener de quoi vivre. Oui, c’était un tableau absolument parfait. La fillette poussait bien, dans cette famille sans histoire, elle-même fait partie de ce schéma idéal. Un homme, une femme, une maison, une voiture, un garçon et une fille, un chien, ils vivaient le rêve américain au quotidien.

Un jour tout cela a pourtant pris fin, brusquement, comme ça, d’un claquement de doigts. Elle était partie ce matin-là, rapidement elle avait grimpé dans le bus qui devait la conduire à l’école. Elle n’avait pas eu le temps de lui dire au revoir. Elle ne savait même pas ce qu’il portait ce jour-là, bon-sang. Erin était rentré au soir, retrouvant père et mère autour de la table. La maman si belle, aux boucles dorées, essuyait ses larmes d’un mouchoir de coton. La figure paternelle, dressé comme un piquet, grimaçait. Jared avait alors disparu de son quotidien, à jamais. Fauché par une voiture à 18 ans, en traversant négligemment la rue de cette banlieue si parfaite. Au final c’était bien cela, la naïveté, la niaiserie avaient eu raison de lui. À partir de ce jour, cette banlieue, ces familles, ce modèle, lui donnaient la nausée. Elle avait perdu la moitié de son tout. Son univers effondré, elle a chuté petit à petit. Elle est sortie, à toucher à l’amer goût de la liberté, le monde de la nuit semblait alors si délicieux. On a tous notre lot de drames. Erin a tâché de se reprendre, à maintes reprises. La mort de son frère avait porté un coup fatidique au mariage de ses parents. Elle vivait avec son père.

Et a continué son existence, comme ça. Le secondaire achevé, elle a débuté des études d’art. L’université était un univers si vaste. Personne pour vous juger depuis la véranda, ils avaient bien d’autres choses à faire. Au cours d’une de ces soirées où elle allait se perdre, elle avait rencontré Solel Hawklin. Le courant était passé dans un premier temps, mais ils s’étaient quittés sur une note amère pour la jeune fille. Jalouse, qu’il ait prêté attention à une autre. Pourtant, elle reçut un SMS et une amitié se lia entre eux.  En ce temps-là, elle avait une liaison avec un certain Dominic, pour qui elle avait beaucoup d’affection.  Mais il ne fit que la blesser et la plonger dans une tourmente dont elle n’avait pas besoin. Et un soir, elle a finalement cédé devant les avances de Solel. Après avoir été surpris par le petit ami, ils ont finalement formé un couple plus ou moins réel. À mesure que le temps passait, son angoisse d’être un jour à nouveau abandonné augmentait.  Et près de cinq mois plus tard, Solel mettait un terme à leur idylle. Elle en tira une blessure profonde et davantage d’amertume. Tous les hommes de sa vie semblaient devoir l’abandonner, un  jour ou l’autre.  Une haine en est né, elle le déteste en même temps qu’elle l’aime.  Avancer et d’autant plus difficile, alors qu’elle n’a de cesse de le rencontrer à tout va. Et pourtant, il faudra bien….

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