• Roxane regardait la moto d'un air intense depuis plusieurs secondes, d'un air très sérieux, les mains sur les hanches. Elle fit ensuite le tour de la moto, très lentement. Non, non, non : Ce n'était pas sa moto. Comment était-ce possible de se tromper à ce point ? Suite à la confirmation du garagiste au téléphone, il y avait bien eu une moto identique au contrôle technique lorsqu'elle était venue chercher sa moto. Au fond, Roxane avait un peu honte d'être repartie en première avec une moto qui n'était pas la sienne : comment avait-elle fait pour ne pas s'en rendre compte ? Elle qui devait toujours prouver à ses amis qu'elle avait un attachement fort à cette grosse bestiole qui au fond lui faisait toujours un peu peur. En fait, elle avait un peu honte. Heureusement qu'elle s'en était rendue compte assez rapidement, et que le garagiste lui avait donné le numéro du propriétaire dans la foulée. La seule chose qui la rassurait était qu'elle avait été la première a appelée, selon les dires du garagistes, et que l'autre propriétaire était également repartit avec la mauvaise moto sans s'en rendre compte ; ou du moins sans protester.
  Prenant son courage à deux mains, elle avait appelé le second propriétaire, un certain Morgan. Le rendez vous était fixé à proximité de la caserne de pompiers, car Roxane savait que cet endroit n'était jamais désert, tout en évitant la foule. De puis, venir ici permettait de prendre une route plutôt sympa et facile, permettant à Roxane d'avoir confiance. En effet, c'était encore pire maintenant qu'elle savait que ce n'était pas la sienne. Arrivée sur place dix minutes en avance, Roxane éteignit le moteur et enleva son casque lorsqu'elle aperçut un homme brun d'environ trente ans s'approcher, un casque sous le bras. Plus il s'approchait, plus elle rougissait. Se sentant de plus en plus embarassée de la couleur de ses joues, elle voulut reculer d'un pas, et c'est ainsi qu'elle percuta le bord du trottoir du pied gauche et se retrouva les deux fesses pas terre. Relevant la tête, cette fois ci morte de honte, Roxane tenta de parler : " Oh, bonjour. Je suis Roxane. " Quelle foutue histoire.

Ce satané garagiste avec ses yeux pas du tout en face des trous ! Avait pensé Morgan en réalisant, après avoir récupérer une moto qu'il pensait être la sienne au contrôle technique, que l'engin n'avait de comparable à son bolide que l'apparence au premier coup d’œil. Mais pour tout bon motard qui se respecte, chaque moto est unique, d'autant plus lorsqu'il s'agit de la sienne, ce qui ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose : qu'il était particulièrement mal réveillé ou que son esprit était particulièrement préoccupé le jour où il avait ramené chez lui, sans s'en apercevoir, cette bécane étrangère. Dès qu'il s'en était rendu compte, son premier réflexe - qui n'avait rien de banal, on vous l'accorde, mais qui était fortement influencé par la nature de son métier - avait été de rechercher sur le fichier central de la police le numéro d’immatriculation de la plaque vissée aux fesses du véhicule. Il avait alors relevé l'identité et le numéro de la propriétaire mais n'avait pas eu le temps de rentrer chez lui que cette dernière l'appelait déjà, lui coupant l'herbe sous le pied, et confirmant ce que tous deux soupçonnaient jusqu'alors chacun de leur côté : il y avait bel et bien eu méprise lors de la restitution des biens.

Respectueux et coopératif quand un premier temps, il avait accepté le rendez-vous de Roxane sans sourciller et s'était dépêché, à peine avait-elle raccroché, d'appeler le garagiste pour lui faire comprendre sa façon de penser (à savoir qu'il était le dernier des abrutis et qu'il ne devait désormais plus le compter parmi ses clients). Enfin, il s'était préparé et avait enfourché la moto étrangère pour se rendre au lieu de rendez-vous. Étrangement mal à l'aise sur cet engin qui n'était pas le sien, il arriva un poil en retard car il avait préféré jouer la carte de la sécurité en ne roulant pas trop vite (l'impression irritante de ne pas connaître cette moto pourtant de la même marque et de la même couleur que la sienne y était pour beaucoup). Garé au coin de la rue, il termina le chemin à pieds, casque sous le bras et devina bien assez tôt que la silhouette féminine qui attendait devant la sortie de la caserne était la Roxane avec laquelle il avait rendez-vous. De son pas toujours ferme, il s'était approché mais n'avait pas su tendre le bras assez vite pour arrêter la chute de la jeune femme. Aussi se retrouva-t-il debout face à elle, le regard tourné vers le sol où elle gisait honteusement, les joues plus rouges que des pivoines. Habile dans l'art de camoufler ses sentiments derrière un masque d'impassibilité bien utile dans son métier, Morgan ravala son amusement presque attendri face à tant de maladresse et mit fin au calvaire de la jeune femme en lui tendant la main, de façon à lui proposer son aide pour la remettre sur pieds. « Morgan, enchanté. » Répondit-il tendit qu'il parvenait à la relever d'un simple mouvement de son bras musculeux. « Alors comme ça on essaye de s'approprier ma bécane ? » L'humour restait, à ses yeux, le meilleur moyen de redonner à cette fille une couleur de peau normale (et non plus rouge vif comme elle l'était pour l'instant) ...