La chambre semblait désespérément vide, aucun bruit ni aucun éclats de rires ne perçaient ma solitude. Je posais avec un soupire l'ouvrage que je venais de terminer, sortant de l'univers fantastique des récits épiques et autres aventures je retrouvais une vie et un quotidien chargé de regrets. Le luxe n'avait pas sa place dans ce petit hôtel malgré tout confortable, l'ameublement certes peu quantitatif ne manquait pas de charme et cette endroit aurait pu être un havre de paix pour une âme normale. Malheureusement j'étais loin de cette description, j'étais en perdition, troublée dans un océan de possibilité et d'angoisse. L'inaction me donnais des douleurs d'estomac mais imaginer le futur ne faisait que me plonger un peu plus dans le désespoir. J'avais toujours été préparé à tout. Malgré une naissance dans une des familles riches de la capitale Londonienne, pourvue de tout ce qu'un enfant peu rêver, j'étais née pour succéder et réussir ma vie, j'avais pourtant très vite compris qu'il me faudrait toujours un plan B. Peu douée pour les études et ce et ce en dépit de toutes les leçons particulières fournies par mes géniteurs. Choyée, adulée même je restais la jolie petite demoiselle pas très vive d'esprit mais débrouillarde tout de même. C'est avec un sourire que je repensais à mes très jeunes années, à mes jeux et mes disputes avec le seul frère qu'il m'ait été donné d'avoir. Un peu plus âgé que moi il faisait figure de modèle et de héros, il me défendait contre les parents et ne manquait jamais de me remonter le moral. Songeuse je traversais l'espace vide pour me poser sur le lit moelleux, un peu trop même et je m'enfonçais sans le vouloir dans la mare de couverture. Riant telle une enfant je m'amusais de cette situation si banale et qui me déclenchait une hilarité. Après un petit combat je sortais de sa pochette un vieil album d'un rouge carmin.

Le cuir qui enrobait le trésor était usé, craquelé par le temps et les nombreuses utilisations. Sur certaines pages on pouvait y voir des traces de pleurs qui avaient sans le désirer marquer les différentes époques de la vie de Miss Brisbane. Tout commençait avec une phrase, en lettres dorées qui marquait la maxime qui avait rythmé ma vie. "Aide toi car le ciel ne le fera pas pour toi." Cela annonçait la couleur, tout du moins c'était mon avis, en tournant délicatement les pages je pouvais clairement voir défiler mon enfance parfaite de petite gosse de riche. Envoyée dans un lycée assez côté je fus enrôlée dans l'équipe des pompoms girls, un sport qui je dois dire me plaisais beaucoup et il fallait avouer que j'étais à cette époque très prisée. Sur une des photographies je posais dans cette fameuse mini-jupe d'un rouge éclatant. Les souvenirs refaisaient surface comme un douloureux film rayé et grippé. Je ne connaissais que trop bien la mélodie de mon malheur. Malgré tout je ne me lassais pas de voir ces images, ces rappels d'un bonheur qui fut mien. Le jour de cette photographie je ne me serais pas doutée que dans l'après-midi même j'aurais donné ma virginité sans même me soucier des conséquences. En effet je m'en souvenais comme si c'était hier. Je ne sais plus exactement dans quels conséquences je me suis retrouvée en tête à tête avec Iann Buckley, ce si sexy garçon de ma classe. Il était si mignon que je ne pouvais m'empêcher de le regarder chaque fois qu'il était dans les parages. J'avais jusqu'à présent jouer les filles secrètes et mystérieuse, de ces demoiselles que l'on ne peut espérer conquérir. Je pense que cela l'avait fait fondre puisque quelques minutes plus tard nous nous étions retrouvés dans un vestiaire. Pas très glamour me direz-vous ? Ce n'était pas le soucis pour moi en ces secondes juvéniles. Je n'avais que l'excitation du moment et la douceur de ses caresses en tête. Je n'avais pas du tout l'envie de briser ce moment pas même pour la prudence et la sécurité. J'avais pourtant toujours été une fille raisonnable et étant élevée dans une ambiance assez catholique je n'étais pas du tout de ces traînées qui s'offrent pour rien. Je ne savais pas si c'était l'amour ou l'attirance physique trop intense qui me fit perdre la tête. Toujours est-il que j'avais céder sans mot dire. La douleur n'avait pas été traumatisante, l'orgasme par contre était une découverte que j'avais eu dans ses bras. Ces sensations furent unique et cela scella nos existences à jamais bien que je n'en avais aucune idée alors. Je ne pensais qu'au plaisir et non à l'impact que cet acte de passion déchainerait sur nos vies qui en finiraient brisées.

Juste en dessous de ce passé d'étudiante venait une image prise quelques mois plus tard, dans l'ancienne maison que je partageais avec lui... Nous étions alors sûr que j'étais enceinte, j'avais d'ailleurs même essayé plusieurs tests de grossesses avant d'être certaine de ce nouvel état. J'avais dû traîner Iann dans une pharmacie car trop timide pour me présenter seule j'avais fini par le convaincre d'en demander pour moi. A ce moment là notre relation n'était qu'à son début. Nous n'en étions qu'à envisager de sortir ensemble, la nouvelle nous a donné un électrochoc dont je ressent encore la puissance aujourd'hui. Pessimiste de nature j'avais d'abord envisagée qu'il me quitterait mais contre tout attente il devait vraiment tenir à moi pour me proposer qu'on le garde. En effet j'avais tout d'abord eu dans l'idée un avortement puisque la maternité à mon âge - 17 ans - ne me semblait pas envisageable. C'est en voyant son incertitude que j'ai flanché sous son regard tendre. C'est alors profilé un avenir incertain qui me terrorisais. Ses parents n'ont pas bien réagit mais mieux que les miens. Ma famille m'a reniée, jetée dehors pour ne plus faire partie de ma vie me laissant enceinte dans le froid. Ainsi cette année là j'ai fêté mes 18 ans chez lui. Finalement au bout de la neuvième semaine je ne pouvais plus me séparer de cet être faisant désormais entièrement partie de moi. Je sentais cette vie se construire en moi et décidément le rôle de mère ne me semblait plus alors si inaccessible. C'était avec sérieux et angoisse que j'annonçais ça à Iann, d'ailleurs une nouvelle image illustrait le moment où la décision avait enfin était arrêtée. Elle nous représentait, tout les deux avec sur les lèvres l'expression d'un bonheur pur et sans tâche. Il avait absolument tenu à nous prendre dans nos premiers instants, une sorte de pulsion qui le rendait si attendrissant. Il m'avait laissé cette photo plus tard et n'ayant pu me résoudre à la jeter et à oublier ces émotions de joies intenses je l'avais rangé dans cet album en hommage à mon heureux passé perdu. La suite comme vous pouvez vous en douter présage une fin digne des contes de fée. Ce qui n'était au départ qu'une histoire de fesse et d'un premier amour d'adolescent s'est transformé en véritable couple et en tendresse infinie. Les neufs mois qui suivirent furent les plus beaux de toute mon existence. Cette complicité fut terriblement fantasque et j'aurais pu croire pendant cette période que Iann était mon seul et véritable grand amour... A vrai dire il l'est encore aujourd'hui... Tout du moins c'est avec cela que je me berce.

Malheureusement il n'y eu pas de "happy end", le prince ne sauva pas la princesse des griffes de la sorcière. Dans cette partie le mal réussi son œuvre. Iann avait arrêté les études pour moi, il travaillait durement pour subvenir à nos futurs besoins et j'avais décidé d'en faire autant une fois l'enfant venu au monde. Je pensais que ma belle-famille avait fini par accepter l'idée et je me sentais acceptée parmi eux. Grosse erreur de ma part... Lorsque je perdis les eaux mon petit-ami n'était pas présent et c'est avec angoisse que je commençais à paniquer quant ma belle-mère me proposa de m'emmener en voiture. J'étais naïve, si innocente dans les premiers instants de ma vie d'adulte. Je ne mesurais pas le poids de tout ces choix ni même les véritables intentions des personnes qui m'entouraient. Cette mère m'a fait un discours assez choquant pendant tout le trajet. Elle n'aimait pas mon attitude, me trouvait irresponsable, me traitant de traînée et d’inconsciente elle m'ordonnait presque de quitter son fils qui de toute façon méritait beaucoup mieux qu'une fille facile dans mon genre. Je la foudroyais du regard mais les douleurs de l'enfantement me donnaient la nausée et m'embrumais l'esprit, elle ne le savait que trop. J'étais une créature faible et malléable qu'on pouvait manipuler à sa guise. J'avais déchiré toutes les photos que j'avais d'elle au moment même où je sortais de la maternité. J'ai accouchée après des heures de travail épuisant. Pourtant le dernier choix et le plus important que j'eus à faire fut pris à la légère. Épuisée et terriblement fragile nerveusement j'aurais signé tout les papiers du monde. Malheureusement se ne fut que lorsque j'appris la nouvelle à Iann que je réalisais la pleine mesure de mon erreur. Une engueulade énorme éclata dans la salle de travail alors que je lui racontais que notre petite fille serait adoptée, que je ne me sentais pas prête à être mère alors que je n'en pensais pas un mot. J'aurais voulu garder ce petit trésor que la vie m'avait offert, mais je pensais bien plus à son bien à lui et à son bonheur. Il méritait comme sa mère l'avait dit bien mieux que ma petite personne qui n'était d'aucun soutient. Il me gifla et me cracha sa haine au visage avait de partir telle une furie. Les larmes ne purent à partir de ce jour plus jamais se tarir. Allongée dans la sueur et l'épuisement ils ne me déposèrent même pas mon bébé sur le ventre. J'avais donné mon accord pour un accouchement sous X et donc l'enfant ne me connaitrait jamais, j'avais même spécifiée que le père ne reconnaissait pas l'enfant, dans la folle pensée qu'ainsi il n'aurait pas à se sentir responsable. Je ne pouvais plus me rétracter ni même appeler à l'aide, cette diablesse avait fait son œuvre. Seule dans le désespoir je pleurais toutes les larmes de mon corps pendant 3 jours.

Plus jamais je ne revis le visage si sexy de mon prince. Il disparut de sa maison où je logeais et ses parents m'en tenaient pour responsable. Mise sous pression, accablée de regrets et plongeant petite à petit dans la dépression j'atteignis le point de non retour lorsqu'un soir je découvris un mot à mon intention dans la chambre que nous partagions lui et moi. Il partait, il avait notre fille qu'il avait appelé Arizona, il ne pouvait pas me pardonner et je n'existais plus à ses yeux. Perdant l'amour de ma vie je m'écroulais aussi facilement qu'un château de carte. Ayant un futur radieux réduit en cendre par un acte stupide je décidais d'en finir. Je ne voyais plus l'utilité de ma vie. Tournant la page parmi les images de ma déchéance je trouvais un cliché pris peu avant ma tentative de suicide. On y lisait la mort sur mon visage. Pâle et terriblement maigre je ne donnais aucun signe d'une quelconque gaité. Prise dans l'étau de mes vêtements je ressemblais à une de ces poupées de chiffons. Le soir même je m'installais sur ce lit qui ne recelait même plus son odeur et avec une paire de ciseaux tranchaient avec un sang-froid incroyable mes deux poignets. Je me souvenais encore parfaitement du sang coulant sur les draps, de la sensation de vie qui me fuyais et de ma totale indifférence presque malsaine. Je ne me voyais plus vivre et mon vœux pendant quelques secondes a été exaucé. Tout du moins c'est ce que m'ont dis les médecins à mon réveil. J'avais sombré dans l'inconscience et pendant un temps mon cœur s'était arrêté. Heureusement d'après eux je m'étais battue et je m'étais accrochée à l'existence. Tout cela n'était absolument pas mon avis. Dans un premier temps je ne pensais qu'à réitérer ma tentative ratée. Le poids de mes actes et la réalité de mes amours perdus me heurtait avec beaucoup trop de force pour que je puisse lutter. J'ai intégré un hôpital de santé mental pendant une durée de deux ans. Terriblement perdue en moi-même j'ai dû apprendre à vivre avec mon fardeau. Je ne relaterais pas ici l'épreuve que cela fut, il n'y a d'ailleurs pas de mot pour décrire tout ça. Pauvre enfant devenue une âme adulte brisée et usée par l'existence je sortis cependant avec l'oubli du suicide. Ce n'était plus la solution, il y a selon moi un temps pour toute chose et cela était derrière moi à présent.

Que dire de plus ensuite ? L'album se termine avec des photos qui défile les 8 années après ce drame. On me voit sourire un peu plus mais la lueur d'espoir et de bonheur est complètement morte. J'ai essayé de vivre malgré tout. Me lançant dans la danse j'avais réussi à en faire mon métier, cela commençait tout juste à marcher mais il ne se passait pas un seul jour sans que les remords hantent mes moindre faits et gestes. Des visions de Iann et de notre enfant me poursuivent dans mes rêves et c'est une épreuve constante de respirer sans eux. Rejetant une mèche de cheveux bruns derrière mon oreille je fermais l'ouvrage tout en passant ma main sur la vieille couverture. Puis avec mélancolie je le rangeais pour prendre un ordinateur portable posé sur la petite table de nuit à côté du lit. Il ne mis pas longtemps à s'allumer et presque sans réfléchir je lançais Youtube. Ce site de vidéo m'avait offert bien plus que je n'aurais osé l'espérer et tout en lançant celle qui m'intéressait je sentis mon cœur littéralement bondir de ma poitrine. Il était là l'adolescent si attentionné qui m'avait fait rêvé. Bien entendu ses cheveux longs et leur couleur avaient disparu et il était devenu de ces hommes séduisants qui m'avaient toujours fait vibré. Une larme coula sur ma joue sans que je m'en aperçoive. Sur la mélodie douce sa voix grave me touchait du plus profond de mon âme. Dévastée j'avais tout quitté en voyant la provenance de la vidéo. Montsimpa; une petite ville sans histoire qui m'avait vu débarquée par le premier avion. Je m'étais installée dans cet hôtel. Cette chanson était la notre, celle qu'il me chantait parfois pour m'endormir ou me montrer la force de son amour. Je ne pouvais oublier son expression de tristesse sur cette vidéo, comme si une partie de lui-même lui manquait et j'osais, oui j'osais en ce jour penser que c'était moi. Il avait enlevé notre fille peut de temps après la naissance et j'étais persuadée qu'elle était avec lui. Je ne l'avais jamais vu, j'aurais tellement voulu pouvoir lui demander pardon, lui avouer mon amour inconditionnel. Le destin m'offrait une chance, et cette fois je ne ferais plus les mauvais choix, je saisirais cette occasion et réparerais mes erreurs. Je suis déterminée je retrouverais cette vie idyllique que j'aurais dû avoir...