L'air était pur. La bise faisait flotter les longues chevelures dans une caresse d'une douceur exquise. Le silence. La paix qui régnait. Colleen aimait rarement ce genre de situation, mais elle se laissa parfois dire que quoi qu'on dise, cette ambiance pouvait permettre de se ressourcer. Elle soufflait, désespérée par le silence, même si les grandes inspirations qu'elle prenait lui faisait enfin sentir l'air passer dans ses poumons. Elle se sentait bizarre depuis quelques jours. Elle avait compris qu'elle était amoureuse, et son dégoût envers elle faisait que cette ballade était plus que nécessaire. Elle avait tenté de continuer son train de vie comme elle l'avait toujours fait, mais tout changeait. Même draguer un homme l'avait une fois poussé au dégoût, le visage de Chuck apparaissant dans ses pensées. Bon, heureusement, cela n'avait été qu'une seule fois, car elle n'aurait pu supporter de se passer de bonnes petites soirées ni même de se laisser contrôler par des sentiments qui lui semblaient puérils. Elle finit par s'asseoir sur le sable, et ne regarda même pas cette étendue d'eau face à elle qui montrait l'immensité du monde. Son regard se perdait plutôt entre les grains de sable. Elle finit par s'asseoir, et mettre la tête entre ses genoux. Elle ne voyait plus rien. Le temps n'était vraiment pas fait pour être à la plage. Elle ne sentait même plus le vent. Pour ne pas trop penser à cette histoire assez bizarre que devenait cette sorte de triangle amoureux entre elle, Chuck et Eliott, Chuck étant le centre de l'intérêt des deux autres, elle essaya de penser à son compte en banque. Oui, l'argent était toujours le meilleur moyen de se sentir mieux. Puis, une goutte de pluie s'écrasa sur sa main, elle leva la tête vers le ciel et finit par s'allonger, comme pour mieux sentir la méchanceté du ciel s'effondrer sur elle. Pourtant, plus une goutte ne tomba. Le silence était toujours là. Elle avait l'impression d'être dans un monde opposé au sien. Le calme, pas de tempête, le silence, la réflexion, et rien de plus. La solitude d'un esprit se reflétait sur cette plage où personne ne semblait mettre les pieds à cette heure de la journée. Enfin, personne ou presque. Après tout, il y avait Colleen. Mais aussi quelqu'un d'autre. Mais elle n'entendit rien, et de plus, son regard était figé sur le ciel qui s'éclaircissait.

Le silence régnait, mais pour une fois, ne l'oppressait pas. La jeune femme était oppressée par une autre force qu'elle n'avait jamais connu auparavant. L'immensité lui faisait du bien pour une fois. Elle qui aimait être vue, qui aimait le monde de la fête, pour une fois aimait ce vide complet. Elle essayait d'avoir le même dans sa tête. Elle se sentait différente, et pourtant, elle avait envie d'envoyer cette nouvelle manière de pensée. Ce n'était pas elle. Elle ne pouvait pas s'accrocher à un homme au point de changer du tout au tout. C'était inacceptable. Impossible. La seule pensée de cette idée lui faisait mal à la tête. Elle soupira, mais son soupir ne fut rien au milieu de la bise dont le souffle s'abattait sur elle avec douceur et rage à la fois. Quelques grains de sables venaient embrasser sa peau, lui faisant fermer les yeux et rentrer dans un monde de pensées. Puis, elle ouvrit à nouveau les yeux, plongeant son regard dans ce ciel qui, bien couvert, semblait quand même s'ouvrir à une perspective de liberté. Le silence régnait, mais pour une fois, ne l'oppressait pas. Elle se sentait mieux. Quelques minutes, et elle se sentait déjà mieux. Il lui avait suffi de respirer, de sentir la vie au creux d'elle en n'ayant pour bruit environnant que celui de son souffle se renouvelant. Elle n'avait rien entendu de cette personne qui s'approchait. Absolument rien. Avait-ce été le sable qui avait tu le bruit de ses pas, ou était-ce plutôt la bulle de réflexion entourant la jeune blonde qui taisait toute partie du monde externe à son asile éphémère. Le silence régnait, mais pour une fois, ne l'oppressait pas. Elle semblait découvrir un monde qui lui était étranger. Elle était venue déjà à la plage de la ville, des dizaines et des dizaines de fois même, mais pas dans cet état d'esprit. Non, jamais elle n'avait tenté de penser. Jamais elle n'avait eu besoin de faire le point. Les autres fois n'avaient été que les marques d'une superficialité ambiante, pour bronzer ou découvrir la fraîcheur de l'eau touchant sa peau telle une caresse tendre. Puis, elle entendit une voix. Elle leva la tête pour voir d'où cela venait. On lui parlait. Aussitôt, le nuage de pensées disparut et elle sourit au jeune homme. De la politesse. Mais un tutoiement. Une question. Et un accent espagnol. Ses yeux s'allumèrent, la véritable Colleen réapparaissait, celle qui préférait le feu d'un briquet à celui de l'amour. Elle sortit son paquet et tendit une cigarette au jeune homme avant d'en prendre une elle-même. Elle alluma sa cigarette et tendit le briquet, proposant ainsi au jeune homme de lui allumer également sa cigarette au passage. "- Rien de tel qu'une cigarette, hein ?" Elle lui souriait. Elle était presque étrangement calme. Mais soit, cela ne l'empêchait pas de lui parler normalement.