La nuit était tombée à Mont-simpa, offrant à Sid des retrouvailles temporaires avec les traits du jeune homme qu'il avait été. Il se serait presque sentit normal, pour quelques heures. Bien sûr, il n'en était pas devenu un corps et il demeurait transparent pour toujours, mais il était visible. On pouvait distinguer dans la pénombre les traits fins de son visage, ceux de son polo et la lueur de ses yeux, cette lueur qui aurait presque permit d'affirmer qu'il y avait encore quelque chose de vivant, un vestige de ce corps pourtant mort et enterré. Sid aurait peu être dut être anxieux. Non, il ne l'était guère. C'était une première fois étrange cependant: il allait retrouver Lullaby de nuit. Elle allait a nouveau avoir un aperçu de son physique que lui même estimait absolument inchangé. Il ne ressemblait a personne d'autre. Il était Sid, bien simplement. Il se tenait devant la chambre de son amie d'enfance. La fenêtre était entrouverte à son attention. Il plissa les yeux et reconnut la jeune femme, assise au centre de la pièce, sur le coin du matelas. Doucement, Sid se glissa dans la chambre. Il se sentait irradier. Comme si soudainement, il était mit a nu devant elle, une sensation ridicule songea t'il brusquement. Qu'importe, elle était bien là, grandissante en lui. Salut souffla t'il en se glissant dans la pièce par la baie vitrée, appréhendant soudain qu'elle le revoit vraiment.

Il en avait, des souvenirs avec elle: des dizaines, des moments qui lui semblaient dépassés. Les traces d'une enfance sereine. A l'époque de ce camp d'éveil musicale, Sid avait encore une mère et un père. C'était bien avant tous ses évènements qui avaient finis par avoir raison de lui et de sa vie. Des dizaines de moments partagés, et pourtant rien ne s'approchait de ce qu'ils pouvaient bien ressentir en ce moment précis. Lullaby semblait au bord des larmes. Sid se sentit brûlé par le regard de la jeune femme, posé sur lui. Il ne voulait pas paraître gêné, et pourtant c'était bien a ce sentiment qu'il apparentait son ressentit: une gêne cuisante de se présenter ainsi. Un spectre. Elle semblait trouver difficilement ses mots. Il ne pouvait guère le lui reprocher. Ce doit être désarmant de se retrouver devant le fantome du garçon que vous pourchassiez quand vous aviez six ans pour lui voler un bisous songea t'il. C'était étrange. Elle reconnut la bizarrerie de la situation. Comme un tic gardé de la vie à la mort, Sid fourra une main dans sa chevelure. Autrefois, il reproduisait ce geste avec exactitude quand le rouge menaçait de monter à ses joues. Je comprends répondit t'il. Je ne sais pas si je m'habituerais un jour à cette apparence, il m'est plus simple de ne pas être vu tout simplement car il trouvait dérangeant d'être ainsi. Il réalisa soudain qu'il était probable qu'il ne soit guère la personne la plus embarrassée. Si tu veux que je parte car c'est..trop déconcertant, dis le moi questionna Sid. Il voulait être fixé.

Bien des fois Sid avait eu le regard fuyant. Lullaby n'était pas ainsi. Elle riait joyeusement face à sa timidité, l'embrassait sans apporter d'importance à la couleur pivoine de ses joues quand ses lèvres effleuraient sa peau. Aujourd'hui, la gêne se ressentait à nouveau. Il y en avait des raisons. Car Sid n'était plus. Un fantôme, un esprit, un vague vestige de ce que fut ce garçon de sa vie. Il préféra poser la question. Si elle avait voulu qu'il parte, il se serait exécuté. Il n'était guère nécessaire de faire de cette soirée un mauvais moment. La jeune femme le rassura de ses paroles. Elle lui posa ensuite une question qui le laissa légèrement perplexe. Un petit sourire triste étira ses lèvres. J'essaie de ne pas me concentrer là dessus, je préfère cette allure étrange au fait d'être invisible. C'est stupide, mais même dans la mort, j'ai besoin de sentir que les gens me regarde il baissa la tête, gêné par son besoin d'attention. Il repoussait les gens de son vivant et aujourd'hui, il ne souhaitait plus repousser personne. Il releva la tête vers Lullaby quand elle reprit la parole. Il se mordit l'intérieur de la joue et d'une démarche plutôt hésitante il alla s'asseoir près de son amie. Leurs genoux se frôlèrent sans se frôler. Car elle ne le sentait pas. Ils ne pouvaient qu'observer. Tu te souviens de ma petite soeur? Enfin, sûrement pas. Elle était venue me chercher avec mes parents à la fin de ce camp de musique quand on étaient gamins commença Sid. Il émit un soupire tant cette période lui sembla soudain lointaine. Alors, tout était différent. Il reprit la parole, une note de nostalgie dans la voix. C'est pour elle que je suis là. J'ai passé ma vie à la repousser de toutes mes forces. Je regrette juste, de ne pas avoir été là pour elle comme elle l'aurait voulu.