Persuadée que la malchance nous suivait dès que l'on se retrouvait ensemble, Danaé et moi, je restais angoissée à l'idée de ce qu'il nous arriverait durant ce séjour au village Takemizu. Danaé était d'excellente humeur, tout comme Pépie malgré son mal des transports qui la rendait malade, et moi aussi par la même occasion. On avait beau prendre des précautions, et porter pleins de gri-gris qui devaient détourner la malchance, celle-ci nous collait à la peau systématiquement, quoique nous fassions, quand on était ensemble. Malgré tout, les moments passés en compagnie de la jolie blonde restaient mes meilleurs souvenirs parce que l'on riait toujours ensemble, même si la moitié du temps nous nous retrouvions par terre à cause de notre maladresse commune et légendaire. Assise sur un banc en pierre, la tête reposant dans mes mains, je regardais le chauffeur qui essayait de régler le problème du pneu crevé. Il n'était pas très doué et j'avais dans l'idée de le rejoindre pour l'aider, mais à tous les coups le bus tomberait à la renverse ou pire encore, il me roulerait sur le pied. Lorsque Danaé me donna un cachet et une bouteille d'eau, je sentis Pépie qui s'agitait, heureuse. « Remercie Danaé ! » ; « Pépie te remercie. » dis-je avant de lâcher un soupire, blasée. Pépie reprenait peu à peu sa place dans ma tête, et reparlait avidement et sans relâche. C'était Pépie, une véritable pile électrique, dynamique le jour comme la nuit. J'avais réellement du mal à me concentrer sur ce qui pouvait bien se passer autour de moi. Mon attention était systématiquement accaparée par Pépie à partir du moment où elle se mettait à faire la conversation. J'avalais le cachet et bu une gorgée d'eau pour faire passer le médicament. Ignorant si c'était l'effet médicamenteux ou la joie de se retrouver ici, quoiqu'il en soit, Pépie était tellement joyeuse que j'hésitais entre rire ou sauter partout. Sa joie était toujours beaucoup trop communicative. « Ou on lève le pouce ? » proposa Danaé, prise d'une folle idée qu'était de faire du stop alors que j'avais simplement proposé qu'on regagne le village à pieds. « Tu imagines bien qu'avec notre chance on risque de tomber sur un sérial-killer n'est-ce-pas ? » Si Pépie trouvait qu'il s'agissait là d'une excellente idée de faire du stop, je n'étais pas du même avis. Au contraire, j'imaginais déjà des psychopathes tueurs en série qui viendraient nous tuer et cacher nos corps dans la forêt proche d'ici. On était déjà paumée au milieu de nulle part, alors qui viendrait nous chercher ici si on disparaissait ? « Micah, peut-être. » avoua Pépie, penaude. Pas certaine qu'il se mettrait à notre recherche non plus. Je ne faisais que l'éviter depuis notre séparation, il penserait sans doute que je l'ai juste définitivement fuis si il ne me voyait pas réapparaitre un jour. Debout sur le côté de la route Danaé commença à essayer d'attirer l'attention vers elle lorsqu'un camion passa sur la route, et hormis les passagers de notre bus, personne ne s'intéressait à nous. « Lève-toi Juno, je suis chaude là, on peut partir à pieds. » Hors de question que j'aille faire une randonnée même pour un trajet assez court. On allait devoir passer dans des chemins rocheux ou dans la forêt et franchement, je sentais que cette journée allait une nouvelle fois tourner à la catastrophe. Du coup je restais assise sur mon petit banc en pierre et souriait en voyant Danaé s'énerver contre le chauffeur du camion qui lui avait renversé un seau d'eau sur la tête, me mouillant aussi par la même occasion. J'étais tellement blasée que je n'y prêtais pas attention. « Pauvre taré ! » Pépie qui s'égosillait avec Danaé. N'ayant pas la moindre envie de faire la messagère, je ne transmettais pas les pensées de Pépie à Danaé. Cette dernière pris un rocher, probablement pour le jeter mais je n'eus pas le temps de voir que je me retrouvais les fesses par terre, le banc s'étant écroulé suite au caillou pris par la journaliste. J'éclatais de rire en même temps que Pépie, décidément, nos colliers vaudou n'avaient aucun effet contre la malchance. Je devenais peut-être hystérique cela dit parce que j'étais prise d'un fou rire incontrôlable. Ou alors c'était l'effet d'avoir Pépie dans ma tête qui riait aussi. « Restons zen, on va pas se laisser abattre. » Je hochais mollement la tête avant d'accepter l'aide proposait par Danaé lorsqu'elle me tendit gentiment sa main, bien que je continuais doucement à rire. On allait sûrement y laisser notre peau durant le trajet jusqu'au village mais j'aimais croire à l'idée que nos colliers vaudou feraient enfin effet à un moment ou à un autre. « Aller monte sur mon dos, fille. » Cette fois-ci c'est Pépie qui refusait l'idée de Danaé. Elle trouvait cela trop dangereux et en plus de ça, elle souhaitait marcher et partir gambader dans la forêt. « Tu es certaine que tu peux me porter ? » demandai-je tout de même pour m'assurer que Danaé s'en sentait effectivement capable. Néanmoins le sport n'étant pas du tout mon domaine, j'acceptais joyeusement la proposition de Danaé, fière d'embêter Pépie par la même occasion. Je grimpais sur son dos et posais mes mains sur ses épaules alors que Danaé commençait à marcher sur le côté de la route, en direction, cette fois-ci du village Takemizu. « Tagada, tagada, voilà les daltons ! » chantonna Pépie dans ma tête alors que je souriais, heureuse finalement de voir qu'aucune maladresse ne se pointait. Peut-être qu'on arrivera à atteindre le village s'en encombre. C'est seulement lorsqu'on prit un virage que Danaé marcha probablement sur la pierre qu'elle avait lancé quelques minutes plutôt. Elle perdit l'équilibre et tandis que Pépie me soufflait dans la tête un « attention au trou » que Danaé chuta. On dégringola dans le fossé, à côté de la route, pour tomber plus loin dans des fougères et autres plantes étranges. La chute fut assez violente et perturbante car on avait fait des espèces de tonneaux dans un fossé. A l'arrivée je me retrouvais au dessus de Danaé et trouvant la situation comique puisque quelques instants avant c'était l'inverse je me mis à éclater de rire une nouvelle fois. Pépie semblait sonnée et ne réagissait pas trop à mon fou rire, mais je sentais toujours sa présence. « Danaé, ça va ? » Je me relevais difficilement, commençant à sentir des pointes de douleur aux endroits où j'avais probablement roulé sur des pierres durant notre chute. Gentiment je tendis ma main à Danaé afin de l'aider à se relever avant de me retourner vers la pente sur laquelle nous venions de tomber. Bien trop raide pour qu'on puisse ainsi la remonter à pieds, l'évidence me frappa de plein fouet. « On va devoir passer par la forêt. » constata Pépie à son tour. « Donne ta main, on va prendre un raccourcit par la forêt. » lançai-je à Danaé, bien que nous sachions l'une comme l'autre que c'était dorénavant notre seul chemin possible pour arriver au village.