Le cap était passé. Je n’en revenais toujours pas. Je ne regrettais pas mon geste même si au fond de moi, j’en payais le prix tous les jours. Avoir un enfant de Clide, il y a un an, je ne pouvais pas le supporter. Cela voudrait dire que je devais me forcer à le revoir même après ce qu’il m’avait fait. Je refusais. Je ne l’avais toujours pas croisé à Montsimpa, peut-être même qu’il avait déménagé et je ne le savais pas. J’avais refait ma vie. Du moins, c’est ce que je pensais. Je repensais toujours à ce geste désespéré que fût l’avortement. Primrose, une amie interne qui travaillait à l’hôpital de la rate sacrée avait assisté à cet avortement. A chaque fois que je l’a voyais, je ne pouvais pas m’empêcher de lui en parler c’était bien plus fort que moi. Mais aujourd’hui, le cap de cette date était passé. J’essayais de penser à autre chose, de me vider la tête. Je me réfugiais dans le travail, comme toujours. A croire qu’il n’y avait que le travail pour m’éviter de penser. Aujourd’hui, j’attendais la visite de Primrose. Elle venait souvent me voir pour prendre de mes nouvelles, pour parler du boulot. On travaillait dans la même branche, médecine alors… Mais au fond, on savait que la conversation allait dériver sur « ce » moment. Mes parents étaient sortis chez Hogan pour prendre un verre. J’étais donc seule, devant la télé, attendant que mon amie arrive. Un peu de visite ne me ferait sûrement pas de mal.

J'avais réussi à me libérer quelques heures aujourd'hui. J'avais l'intention d'aller voir une de mes plus chères amies depuis mon arrivée ici : Lane. Malgré que notre relation avait pris une autre direction dernièrement, et cela à cause d'un événement particulier : le fameux avortement. Ça me détruisait de la voir si déprimée à la suite de cette décision. Je n'osais pas lui dire "je te l'avais dis". Tout d'abord, c'était complètement déplacé. Et puis, cela ne servirait à rien, à part remuer le couteau dans la plaie, ce qui n'était pas du tout mon genre. J'essayais alors de souvent la voir pour lui remonter le moral. C'était difficile mais bon, je ne perdais pas espoir. Lane était une fille superbe et il fallait qu'elle aille de l'avant. Mais comment l'en persuader ? Surtout quand on a été complice de ce dont la personne regrette ? J'avais rangé mes affaires dans mon casier de la salle des internes puis je m'en allai prendre ma voiture pour aller rue du trèfle, là où se trouvait mademoiselle Cunnings.
Arrivée devant la maison, je pris une grande inspiration. Je savais qu'elle allait essayer de parler boulot, de combattre cette envie de parler de son bébé, et il fallait que je sois forte pour l'aider à en parler encore si elle en avait besoin. J'ai toujours été quelqu'un de sensible, mais dans ces moments-là, il faut savoir oublier cette faiblesse pour aider ses proches. Je sonnai à la porte jusqu'à ce qu'une tête blonde vienne m'ouvrir. Saluuuut ! dis-je avec enthousiasme.

Je continuais à zapper sur la télécommande lorsque j’entendais ma porte ou plutôt la sonnette retentir dans la maison familiale des Cunnings. Prim devait être sur le pas de ma porte, toute enthousiaste comme à son habitude. Je m’étais habituée à sa bonne humeur. Je devais l’avouer, ça me faisait du bien. Puis maintenant que le cap de cette date était passé, je pouvais enfin penser à autre chose. Enfin en ce moment, j’avais du mal à m’en sortir. Prim devait m’aider à penser à autre chose. Mes parents étaient partis en croisière, et ma sœur je ne savais pas ce qu’elle faisait. A croire qu’elle m’évitait en ce moment pour éviter justement que je parle de ça. Je gonflais tellement mon entourage de mes histoires, qu’ils finissaient tous par partir pour m’éviter. Tant pis. Au moins, je pouvais me contenter de mes véritables amis comme Primrose. Je me levais difficilement de mon canapé puis, ouvrais la porte. « Salut Prim ! Entre, je t’en prie ! » disais-je, avec un semblant de sourire forcé. Allez, c’était le moment de parler. Je me pensais à moi-même, parler de l’hôpital, parler du boulot mais certainement pas du bébé et surtout pas de Clide. Je prenais sa veste, pour la déposer sur le porte manteau. Oui, je m’occupais bien de mes invités. « Alors qu’est-ce que tu me racontes d’intéressant ? Fais comme chez toi, tu commences à connaître la maison ! » disais-je, gentiment. Depuis le temps qu’elle venait ici, elle connaissait les moindres recoins de la maison de mes parents.