"Some say the world will end in fire, some say in ice. From what I've tasted of desire, I hold with those who favour fire, But if it had to perish twice, I think I knew enough of hate to say that for destruction ice is also great and would suffice.” Robert Frost

Aurais-je pu croire un jour que tout se déroulerait de cette manière ? Alors que les souvenirs m'accablent et me désarçonne, je songe à elle, encore et toujours. O, comme j'aimerais pouvoir m'enivrer de nouveau de ton délicat parfum, comme j'aimerais pouvoir déposer une fois encore mes mains sur ton ravissant minois. Je désire plus que tout au monde gouter au délice de tes lèvres une dernière fois et pourtant, je ne le peux. Cela fait de nombreuses années déjà que tu es partie. Une décennie pour être tout a fait exacte et pourtant, tous ses instants que nous avons passés tous deux, semblent s'être passé la veille. Le chagrin et la douleur me gagnent chaque fois que je songe à ton nom mon Eden. Des larmes envahissent mes énormes prunelles émeraude alors que les intempéries ont fait de ta nouvelle bâtisse un champ de ruine. Je ne peux tolérer que ta tombe soit ainsi souillée mon amour, toi qui avais une peur effroyable de l'eau, voilà qu'à présent tu y es immergé. Ses traitresses dévalent mes joues alors que mes jambes se dérobent, à genoux, mes mains posées sur ta tombe, je me sens fléchir comme jamais. La colère grandit en moi, lentement elle ronge chaque parcelle de mon corps. Mes poings se serrent, un cri de rage effroyable déchire l'air. La souffrance est telle que je n'ai la force de me relever et pourtant, je dois m'en aller. M'éloigner de toi, de ce sinistre endroit où tu reposes à présent. De nombreux hommes arrivent, tout un service de remise en état du cimetière que j'ai employé afin que ta nouvelle maison soit digne de t'accueillir encore et toujours. « Je t'aime mon amour. Pour toujours et à jamais. » Mes lèvres trempées par les larmes dévalant mes joues se déposent contre le marbre de ta tombe pour y écraser un furtif baiser. « Je reviendrais, chaque jour, jusqu'à ma mort. » Me redressant, je dépose mon regard empli de souffrance une nouvelle fois sur ta demeure avant de m'en aller sans me retourner. La limousine m'attend devant le cimetière depuis un petit temps déjà, mon ami aussi. « Rendez-vous au manoir de Bridgeport je vous prie. Nous nous rendrons par la suite au Verseau. » Ma voix est dévorée par mes sanglots alors que je tente vainement de les arrêter en mordant avec fureur le poing de ma main. Je ne peux me montrer sous ce jour alors que je suis censé effrayer toutes les personnes m'entourant. Pourtant, tu es la seule mon Eden pour qui je verserais toutes les larmes de mon corps.

Une fois tâche faite, je me rends dans l'une des immenses pièces de mon manoir afin de prendre une douche brulante. Chaque parcelle de ma peau doit être purifiée. Me déchargeant de toutes mes peines, mon visage se perd sous le jet d'eau ardent dévorant mon visage. Après quelques minutes ainsi sous l'eau chaude dévalant mon corps nu, couleur craie, je m'empare d'une serviette et je m'essuie promptement afin de rejoindre mon dressing. Immense, s'étendant sur plusieurs mètres, j'y prends un costume bleu, anthracite, la couleur s'harmonisant le mieux avec mon teint selon ses dires. « Le bleu te va toujours mon amour, n'en doute jamais. D'ailleurs la chambre de notre futur enfant sera bleue, comme celui de tes yeux. » « Que veux-tu dire par là ? » « Nous attendons un fils. » Mon poing s'écrase sur l'immense miroir me surplombant de toute sa hauteur. « Monsieur ... » J'entends, une voix timide, frappant délicatement à la porte. « JE NE SUIS PAS D'HUMEUR. » J'hurle alors pour que mes servantes s'en aillent alors que je m'abandonne à glisser sur le sol, épuisé par cette longue et épuisante journée. Nu, je fixe le plafond, sans faire attention à la douleur qui me gagne lentement la main. Une odeur acre mêlée de fer retient tout de même mon attention, celle de mon sang. Fixant lentement ma blessure, je m'énerve contre moi-même, mettant en pièce tout mon dressing, hurlant, brisant et déchirant tout ce qui se trouve sur mon passage. Seul mon costume bleu n'a pas fait les frais de ma colère, je l'enfile donc, avant de ressortir de la pièce, glacial. « Arrangez-moi le dressing. N'omettez pas de me trouver les mêmes costumes, des mêmes marques, ils connaissent mes mensurations. Dépêchez-vous. » Sans lui accorder le moindre crédit et après lui avoir craché mon venin au visage je me rends à la limousine. « Le Verseau. Immédiatement. » Descendant de l'habitacle surchauffé, l'air me fouette le visage lorsque je lis « Partiellement inondé ». Un rictus se fend sur mes lèvres alors que je murmure les poings serrés : « Qu'as-tu épargné stupide tempête. » Pénétrant le club je recherche hagard, mon meilleur-ami avec qui j'ai rendez-vous. Par chance, il n'est encore arrivé, j'ai le temps de souffler et d'avaler quelques verres afin d'apaiser mon esprit. Massant délicatement mes tempes je m'adresse au serveur : « Un whisky, sans glace. Remplissez bien le verre. » Je l'avale d'une traire et rouvrant les yeux, je les encre dans celui de l'homme se tenant devant moi derrière le bar. « Un autre. » Il s'exécute sans poser de questions et je le termine une nouvelle fois en exigeant un troisième verre de ce poison.

"Some say the world will end in fire, some say in ice. From what I've tasted of desire, I hold with those who favour fire, But if it had to perish twice, I think I knew enough of hate to say that for destruction ice is also great and would suffice.” Robert Frost

Lassitude. Je ne connaissais ce ressenti avant de rencontrer mon cher ami Neven. Sa capacité à être en retard en partant même largement en avance m'a toujours incroyablement fasciné. Il est incompréhensible pour moi d'y parvenir et pourtant, il en a toujours été capable. Cela doit être sa signature chromosomique sans nul doute. Auparavant, à notre rencontre, j'étais exaspéré par ces nombreux retards, par la suite la colère m'avait gagnée. Fort heureusement pour lui, notre amitié comptait trop pour que je lui ôte la vie, à présent j'en suis lassé. Chaque fois que nous nous donnons rendez-vous quelque part je sais que je peux me permettre de partir en retard, j'arriverais toujours avant lui. Pour cette fois, je lui fais exception. Aux vues de mon humeur particulièrement exécrable, de ma haine et de ma tristesse, je lui ai gré d'arriver avec du retard. Je préfère qu'il ne me voie guère dans cette position de torture personnelle où peu de personnes ont déjà assisté. Toutes y ont perdus la vie, sans exception aucune. Les paupières lourdes, se fermant lentement, j'essaye vainement de recouvrer le calme dans ma tête. Faire le vide, cesser de penser, se couper du monde autour de moi, du serveur, des bruits incessants de pas dans la pièce, du brouhaha affligé par ses humains piaillant comme des oiseaux, des cris stridents, des rires et des instruments jouer, dont la mélodie qui en résultent à la fâcheuse tendance à me faire naître une migraine inqualifiable. Massant péniblement mes tempes, je m'imagine loin de cette foule. La villa, recluse donnant sur la plage. L'immense manoir pour être exact, havre de paix où j'aime vivre durant une bonne partie de l'année. Personne ne m'accable, j'y réside seul, ou presque. Les personnes tâchées de l'entretenir sont aussi discrètes que des souris. Je n'ai pas à me plaindre du petit personnel, fidèle, qui travaille pour moi depuis tant d'années. Je me plais même à parler avec certains d'autres eux, les invitant même parfois à dîner, ou à regarder un match de foot. Cela arrive peu de fois, j'ai commencé à avoir des interactions avec le genre humain grâce à Neven, mon meilleur ami. Ces mots ont été durant un certain laps de temps assez difficile à prononcer. « Ami » ou plutôt « meilleur-ami » qu'est-ce que ça veut dire dans le fond ? Un humain qui plus est ! Quelques années auparavant cela aurait tout simplement été improbable. J'ai encore parfois du mal à y croire, comme si je « rêvais » en quelque sorte. Je pense qu'il me manquerait si je ne le voyais plus, pourtant, un jour il devra mourir, ce sera bien avant moi et je devrais me faire à son absence. Mais n'y pensons pas, du moins pour le moment, à moins qu'il lui soit arrivé quelque chose. M'emparant de mon téléphone, je commence à composer machinalement son numéro quand je sens que l'on dérobe mon verre. Déposant mon regard assassin sur cette dite personne je soupire. Neven est enfin arrivé et ses habitudes singulières sont toujours aussi exaspérantes. Le fixant avec colère mêlée de lassitude je lui fais remarquer avec colère : « Je devrais d'offrir une montre, peut-être serais-tu enfin à l'heure ou peut-être devrais-je t'apprendre les bonnes manières. » Je lui montre d'un signe de tête, le verre anciennement rempli de whisky avant de passer mes mains, sur mon visage. « Je suis d'une humeur exécrable comme tu as sans doute dû le remarquer. J'ai passé une journée particulièrement affligeante, j'ai besoin de me divertir. Et toi ? J'ai eu vent de tes travers concernant la drogue. » Je lui dis avec un léger sourire. Amuser, je lui rends la pareille en le taquinant sur ce qui l'énerve au plus haut point, les ragots qu'on invente sur sa petite personne.