Il faut bien commencer quelque part. Une nouvelle année pour une nouvelle vie ; après que mon jeune frère Nolan m’ait appris qu’il avait décidé de s’installer dans une petite ville sympa du nom de Montsimpa, l’idée avait beaucoup travaillé dans ma tête. La nuit, après avoir démontré mes talents irréprochables auprès d’une belle blonde à forte poitrine (et malheureusement très stupide), je restais pendant des heures les yeux ouverts, fixant le plafond de la chambre, en me demandant s’il n’était pas temps pour moi de changer aussi d’air. Au lendemain du réveillon de cette nouvelle année, j’avais donc fait mes bagages pendant que tout le monde décuvait. Un post-it « J’suis désolé, mais j’te quitte » collé sur le tube de mascara de la belle blonde – on était dans une relation exclusive pas vraiment exclusive pour moi depuis seulement un mois, elle s’en remettrait vite – et j’avais quitté Los Angeles. Je sais, impulsif le garçon.

Je n’étais dans le coin que depuis une journée. Le moins que l’on puisse dire c’est que mon frère ne m’avait pas menti, c’était vraiment une petite ville agréable et la population était vraiment amicale. J’avais d’ailleurs pris mes quartiers la nuit dernière dans le grenier de la grange d’une petite grand-mère. C’était évidemment une situation plus que provisoire, je n’avais pas l’intention de me cailler les miches et de dormir dans la paille plus d’une semaine.
D’humeur joyeuse, je décidais de visiter le centre-ville à la recherche de nouvelles rencontres. Lorsque je vis une patinoire, il me sembla évidemment qu’il s’agissait là du lieu parfait. Je chaussais donc les patins fraichement loués, et je me lançais sur la glace. Après avoir remarqué une charmante blonde, je glissais vers elle puis posais mes mains sur ses hanches comme le ferait un petit-ami prévoyant et aimant. Il ne lui fallut qu’une demi-seconde avant de se retourner, me toisant d’un regard interrogateur. « Ohh je suis désolé ! M’exclamais-je, faussement navré. Je vous ai pris pour ma sœur ». Et hop, le tour était joué.

Pendant un bref instant, je m’attendais à une gifle bien placée, voyant bien qu’elle n’était pas dupe. Pourtant elle se contenta de sourire et repris ses glissades avec beaucoup de grâce. Un sourire satisfait se dessina sur mes lèvres, non heureux qu’elle se la joue fille inaccessible. Je repris donc mon chemin, me dirigeant à toute vitesse vers elle. Arrivé à sa hauteur, je fis un demi tour bien exécuté – une chance que j’étais plutôt doué sur des patins – et continuais à patiner en « citron » devant elle, autrement dit en face d’elle et allant en arrière. Je lui fis mon plus beau sourire avant de reprendre la parole.

« Ceci dit, heureusement que vous n’êtes pas ma sœur, ce serait du gâchi. Une si belle jeune femme… » Je lui souris une nouvelle fois. Je ne faisais absolument pas attention à ce qui se passait derrière moi, ni aux pauvres enfants ou couples d’amoureux qui devaient m’éviter tant bien que mal. Une adolescente dérapa même, se retrouvant sur les fesses. Je me mis à rire devant le spectacle, sans réaliser que c’était de ma faute. « Alala… Les débutants, hein ? »

Croyez-le ou non, mais Artie n’a jamais réalisé qu’il avait des techniques de drague vraiment très lourdes. Ce qui est bien dommage pour lui, il aurait surement vite compris pourquoi il a autant de mal à mettre une belle femme dans son lit. M’enfin, la remise en question n’a jamais été une qualité chez Artie. Toutefois, il sentait bien qu’avec celle-là, il avait marqué des points. Son père lui avait toujours dit que si on arrive à faire sourire une femme, la moitié du travail est déjà fait.

Et quand on vous fait un clin d’œil, elle est déjà presque dans votre lit. Ca, son père ne l’avait jamais dit, mais Artie aimait bien le croire. Alors lorsqu’elle lui fit un clin d’œil, il s’emmêla les pieds et trébucha. Les lames de ses patins se mirent à sautiller tandis qu’il tentait de retrouver son équilibre, tel une ballerine – pour la virilité, on repassera. Il agita ses bras, manqua de gifler involontairement l’adolescente de toute à l’heure qui avait décidément pas de chance, puis finit par se stabiliser.
« Héhé. On est un pro ou on ne l’est pas hein ! » S’exclamait-il, pas peu fier de sa prouesse. « Dommage que vous ne soyez pas une débutante, je vous aurais donné quelques conseils avec grands plaisirs, mais de toute évidence c’est moi qui en aurait le plus besoin… Vous avez un conseil à me demander pour garder son équilibre quand on se retrouve complètement déboussolé par une belle jeune fille comme vous ? »

Artie la trouvait vraiment charmante mais il se gardait bien de lui dire pour ne pas passer pour un gros lourd qui se serait exclamé "Hé vous êtes charmante mad'moizelle" en la croisant dans la rue.

« Merci pour le conseil! » Il patina vers elle, toujours en souriant ce qui lui donnait un petit côté malicieux et donc - il en était sûr - vraiment craquant. Une fois à sa hauteur, il prit une nouvelle fois la parole. « Dans ce cas je pense qu'il est préférable qu'on arrête de patiné pendant quelques secondes, au moins pour que j'ai le temps de vous dire que je m'appelle Artie Flannigan, que je suis nouveau dans cette charmante petite ville bien sympa. Et... Waouh! » S'exclama-t-il en clignant des yeux. « Et que vous avez vraiment de beaux yeux! »

Je fus content de la voir cesser ses tours de patins pour parler quelques minutes avec moi. Je la remerciais d’un sourire avant de reprendre la conversation de plus belle. « En voilà un joli prénom que voilà. Enchanté de faire votre connaissance miss ! » Il aimait bien se la jouer faussement bourgeois et bien élevé même si personne n’y croyait un seul instant. « Si l’envie vous prend de faire le tour de la ville avec moi ce n’est pas de refus, histoire que je m’y repère un peu mieux. Je compte y rester quelques temps. Je viens rendre visite à mon frère mais je crois que je pourrais bien m’y installer. Montsimpa est vraiment sympa. » Et sinon, blague à part, hein ? « Que faites-vous dans la vie ? Mannequin je suppose ! »

Et c'est ainsi que je me dénichais un guide pour mes premiers pas dans cette nouvelle vie. Pendant qu'elle acceptait de me montrer les alentours, je regardais avec attention son sourire et ses yeux, me disant que j'avais plutôt bien choisi. Je la remerciais d'un hochement de tête bienveillant avant de reprendre le cours de la conversation.

J'avais tapé dans le mile, comme quoi les compliments sont rarement inutiles. « Etudiante hein? Etudiante en quoi? » C'est ainsi que je réalisais que je devais avoir pas mal d'années de plus que toi. Je faisais parti de ses hommes qui ne se rendent pas compte qu'ils vieillissent et qui ont beaucoup de mal à comprendre qu'ils jouent de moins en moins dans la même ligues qu'il y a dix ans. « Je me disais bien que votre joli visage me disait quelque chose, je vous ai surement vu sur une page de magazine et votre image est restée encrée à me hanter dans mes rêves. » Mais quel charmeur!

« Actuellement pas grand chose. J'ai tenté ma chance à Los Angeles pendant pas mal d'années mais ça n'a pas été vraiment concluant. » Je fis une moue avant de poursuivre. « Je viens d'arriver ici mais je pense que je vais commencer une nouvelle étape de ma vie dans le quartier. Je pensais aller voir à la caserne de pompier s'ils n'ont pas besoin d'un homme supplémentaire. C'est une carrière qui m'a toujours bien intéressée. »

Je sentais bien que je me montrais trop curieux. Intérieurement, je me fis la remarque à moi-même, essayant de ralentir mon flux de questions. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire: quand je faisais la connaissance d'une jolie jeune femme, je me sentais toujours obligé de me montrer plus pressant et de brûler un peu les étapes.
Elle avait un rire des plus agréables, et je les entendais presque comme des encouragements à continuer avec elle mes tentatives remarquées mais pitoyables de dragues. Je sentais bien que j'avais marqué des points avec mon histoire de pompier. Comme quoi, le prestige de l'uniforme avait toujours la côte.

« Etudiante en médecine?! Et bien, un joli avenir prometteur que voilà. »

Je tâchais de l'imaginer vêtue d'une charmante (courte) blouse blanche. Je trouvais déjà que cette situation professionnelle lui allait comme un gant et j'espérerais surement bientôt avoir un problème lors d'une mission contre le feu et d'être envoyé dans son service afin qu'elle s'occupe de mes blessures.

« Je suis sûr que les malades se bousculeront aux urgences pour être oscultés par quelqu'un comme vous! »