Temps glacial, hiver insolite et retardé. Temps de merde. Comme une envie de rester cloitrée chez soit, simplement. La couette, un chocolat chaud, un téléfilm stupide et le chauffage à fond, admirant les quelques flocons de neige tomber et venir recouvrir le sol d'un beau manteau blanc. Cette douce rêverie coupa court lorsque Swann se souvint d'un rendez-vous de prévu. C'était noté sur le calendrier, c'était prévu depuis des semaines. Voir, ou même revoir son amie ne lui donnait pas envie, encore moins aller mettre les pieds à la patinoire. Chausser des patins et voir ses fesses claquer inlassablement sur la glace, mais elle lui avait promis, elle ne pouvait se décider à annuler à la dernière minute. A vrai dire, Swann détestait ça et avait de nombreux principes. Ne pas annuler un rendez-vous à la dernière minute en faisait parti. Soupirant, trainant presque les pieds, elle se rendit dans son immense placard, elle choisit des boots rembourrées, des collants, une jupe et un pull à col roulé. Elle serait de ces femmes restant féminine par tous les temps. Swann en avait presque assez de devoir faire attention à son look chaque jour, parfois, elle aimerait pouvoir trainer chez elle en survêtement, mais l'image de son entreprise en prendrait un coup, c'était inimaginable et son argent faisait tout ... Jusqu'à son fort caractère et ses crises à répétition.

Vêtue chaudement, Swann attrapa son sac à main, son téléphone portable dernier cri en main, elle espéra y trouver un message annulant sa sortie, c'était mort, rien, le néant, Swann devrait se bouger les fesses et se rendre à la patinoire. Jetant le sac sur son épaule, elle attrapa sa paire de patins et claqua la porte derrière elle. Une voiture luxueuse l'attendait dans l'allée du jardin, la sienne. Rouge étincelante, elle criait au monde entier que sa propriétaire était patronne, riche patronne. Swann s'en fichait. Elle rêvait d'une autre vie, au fond d'elle, cette vie de famille modeste, les enfants, les sentiments, les sensations, tout cela lui échappait et à trente ans, Swann se retrouvait toute seule, avec une poignée d'or en poche.

La voiture décéléra rapidement, se garant sur le parking de la patinoire, Swann ne prit même pas la peine d'éviter de grignoter sur la place à côté, empêchant alors quelqu'un se s'y garer à son tour. Une femme au volant, elle était le stéréotype même de l'imperfection stupide. Claquant la porte, la jeune femme entra dans la patinoire, se calant au bar, elle y commanda une boisson bien chaude tout en attendant son amie. Cinq minutes, vingt minutes, trente minutes ... Swann se rendit compte rapidement qu'elle serait seule. Fouillant dans son sac, elle empoigna son téléphone et composa le dernier numéro.

« C'est Swann, je t'attends là ! »

Des excuses, l'amie de Swann venait de lui poser un lapin, annulant son invitation et leur sortie par la même occasion. Enervée, la jeune femme jeta son téléphone dans son sac, tapant du poing contre le bar et ne pu s'empêcher de laisser échapper un juron lorsqu'elle se rendit compte qu'elle venait plus de se faire mal qu'autre chose.

Le vent glacial n'était pas bon pour les affaires. A priori, on aurait pu croire que vendre un peu de chaleur corporelle à des hommes en manque de contact pouvait s'avérer très rentable, surtout par un temps pareil. Mais que nenni. Tout le monde devait préférer le cocon familial, et ne surtout pas s'aventurer dehors, même si c'était pour rejoindre la maison aux bonheurs de notre Léon. En bon chef d'entreprise -comme il aimait se considérer-, il se traina tout de même jusqu'à cette dernière et y passa quelques heures. Quelques heures à compter des billets, renvoyer les filles chez elles, appeler une trentaine de fois la nouvelle baby-sitter, vérifier autant de fois les caméras qu'il avait placé chez lui. Paranoïaque ? A peine. Il faut avouer qu'avec un métier comme le sien, à fréquenter du monde plus que louche, il y avait de quoi se méfier. Entre les femmes mariées et leur jalousie frénétique, les mauvais perdants aux jeux, et importants business man que le jeune homme pouvait faire tomber avec quelques bonnes photos, il y avait beaucoup de raisons qui pouvaient justifier sa méfiance quasi maladive. Malheureusement on ne peut enfermer un enfant dans un coffre-fort, aussi précieux soit-il.

« Brittany, garde la baraque au chaud, je m'absente une bonne heure. » glissa-t-il à une grande blonde plantureuse d'une vingtaine d'années. Léon avait toujours préféré les filles avec un peu de jugeote, et il y avait de ces perles comme Brittany, capable de faire de la compta comme d'exécuter avec le sourire tous les désirs les plus pervers de ses clients. Le patron referma sa longue veste et libéra sa tignasse jusqu'alors emprisonnée et plaquée en arrière. Dans un milieu où l'apparence prime, le jeune garçon avait prit l'habitude d'en rajouter des tonnes histoire d'aller contre la nature qui lui avait fournit un visage des plus juvéniles. C'est qu'on lui aurait donné le bon dieu sans confession si l'argent qui garnissait ses poches n'était pas aussi sale. Peu importe. Propres ou sales, ces billets garantissaient un avenir sur pour sa progéniture, et c'est bien là tout ce qui comptait.

Difficile de savoir où le bellâtre se rendait, lui qui n'avait à vrai dire aucune passion, et ne semblait pas enclin à s'en chercher une. Étonnant de le voir se diriger vers la patinoire de Montsimpa. Pourtant, la patinoire faisait parti de ces clichés qu'avait gardé en tête le père célibataire qu'il était désormais. Sauf qu'avant de pouvoir emmener sa fille sur la glace, il fallait qu'il gère la chose lui-même, et c'était loin d'être le cas. Après avoir récupéré une paire de patins empruntée pour l'occasion, il jeta un coup d'œil à l'espace glisse.. pour finalement se raviser et se diriger au bar. Un pauvre bar qui se prit un coup à l'instant. La jeune femme devait d'ailleurs s'être fait mal vu la vigueur de sa frappe. « Moi qui pensait que la glace était l'endroit le plus dangereux.. On ne devrait pas négliger le bar. » ponctua-t-il d'une virgule bien implantée dans sa joue gauche, son regard divaguant finissant par atterrir sur la silhouette féminine à qui ces mots étaient adressés.

Pourquoi s'était-elle énervée de la sorte? Cela ne lui ressemblait pas et Swann le savait. De nature à faire semblant, elle n'aimait pas transparaitre ses sentiments, aussi subtiles soient-ils. Colère, jalousie, tristesse, joie ou encore curiosité, elle évitait au maximum ces mesures humaines et préférait presque se contenter de devenir une statue de glace. Glace, l'endroit où elle se trouvait en était pourvue, elle avait dans l'idée de patiner et pourtant, elle venait de se faire poser un lapin, elle détestait ça et aimait être reine. La solitude avait ce quelque chose que Swann détestait, l'ennui tout autant. La jeune femme aimait se sentir entourée, désirée ou simplement admirée. Ce n'était visiblement pas le cas puisque même ses propres amies s'évertuaient à la distancer.

Le bar prit un coup mais il eut moins mal que sa main où une douleur virulente se mit à la lancer, elle ne put s'empêcher de faire une grimace alors qu'un individu s'approchait d'elle, lança tout bonnement « Moi qui pensait que la glace était l'endroit le plus dangereux.. On ne devrait pas négliger le bar. ». Il la fixait à présent du regard et Swann ne pu s'empêcher de lever les yeux vers lui, la silhouette élancée, il ne prit pas la peine de s'assoir, préférant la regarder de haut, chose que Swann n'aimait pas particulièrement. Elle haussa les épaules, soupira et se contenta de répondre « Le bar est l'endroit qui est toujours dangereux, on y trouve toute sorte d’énergumènes ... Il y a les types louches ou bien les femmes ... énervées? » Swann fit un signe au barman, lui commanda alors une boisson bien chaude et se tourna vers l'étranger « Je suis seule, vous m'accompagnez dans la dégustation d'un chocolat chaud? » Pourquoi s'entêtait-elle à vouloir échapper à la solitude? Quitte à proposer au premier venu n'importe quoi.

Attendant sa réponse, Swann se contenta de le fixer de haut en bas, tentant vainement de deviner quel genre de type il était. Riche, apparemment il faisait parti de ces hommes d'affaires cruels, son regard en disait également long sur sa peur de la glace, du moins, sa façon de porter ses patins ne laissait rien présager de bon. Elle rouvrit la bouche, peut être trop rapidement, pour lui assouvir sa curiosité « Vous attendez quelqu'un? » Peut être finalement avait-il un rendez vous avec une charmante jeune femme, ou même un type à l'allure féminine ... Qui sait après tout vers qui il aimait se tourner, ces questions, Swann se les gardait finalement pour elle, se contentant d'attendre d'en savoir plus, s'il était disposer à parler ...