Sale journée pour les paresseux

Il pleuvait. Encore une sale journée qui s'annonçait. Syena était une petite fille très capricieuse, et les jours de pluie comme celui-ci, elle restait enfermée dans sa chambre, à se plaindre et à bouder. Elle n'adressait la parole à personne, de mauvaise humeur et surtout de mauvaise fois. Elle était là, sur son lit, à ruminer toute la colère du monde, alors qu'elle était loin d'être la plus malheureuse. Lorsque son frère adoptif tentait de passer la porte de la pièce, elle lui lançait en pleine figure une peluche qu'elle avait sous la main, une façon comme une autre de lui dire de déguerpir. Pourtant, celui-ci insista, et la troisième fois, Syena le laissa entrer, le regard noir, prête à lui hurler dessus si ce qu'il avait à dire n'était pas une affaire d'État. Gentiment, il lui proposa d'aller au théâtre, tout sourire, comme si sa sœur était ce qu'il y avait de plus adorable, les deux billets dans la main droite et tendant le bras pour les lui montrer. « Tu ne veux tout de même pas que j'y aille avec toi ? » demanda-t-elle, d'un ton moqueur, et lui arrachant un des tickets. Elle fixa la bout de papier, haussa les sourcils et déclara : « Cette pièce est nulle, il y a de mauvaises critiques, non merci. » Déçu, son frère sortit de la pièce, d'un pas lent. A peine fût-il parti, que la petite fille enfila des chaussures de pluie et un imperméable, mit la place dans sa poche et tout doucement, sans faire de bruit, s'éclipsa de la maison pour se rendre au théâtre. La pluie tombait toujours, enfilant sa capuche, elle courut jusqu'à l'arrêt de bus.

Syena contemplait l'édifice, il était grand, majestueux, et s'élevait comme un roi. La demoiselle adorait les pièces de théâtre. Elle aimait toutes sortes d'arts, la peinture, la musique et le cinéma; d'ailleurs, pour une fillette de son âge, elle passait beaucoup de temps au musée et cela étonnait toujours le gardien, qui commençait à présent à bien la connaître. En sautillant, elle pénétra dans le théâtre, un vrai sourire enfin sur les lèvres et se dirigea sans plus attendre dans la grande salle. Cela fourmillait de partout, on entendait des voix, par ci, par là, sans réellement pouvoir distinguer les mots et paroles. La jeune fille, du haut de ses quinze ans, s'avança vers le rang du milieu, une place pour une vision parfaite de la scène, ravie. Elle enleva son manteau trempé et dégoulinant d'eau, le jeta au sol et s'installa confortablement dans le siège rouge. A sa droite se trouvait une dame, plutôt âgée, qui lui souriait niaisement, ou remettait son dentier en place pour être plus juste, bruit un peu dérangeant. A sa gauche, était assis un jeune homme, au physique plutôt avantageux. La pièce allait bientôt commencer, les lumières furent éteintes et la salle fût alors plongée dans le noir. Syena émit un petit soupire de soulagement, constatant que personne n'était assis devant elle, l'empêchant alors d'apprécier le spectacle. Elle cala le paquet de pop-corn entre ses cuisses, certaine que celui-ci ne tomberait pas et s'assoupit un instant, avant que le rideau ne se lève.