Aujourd’hui, c’est journée de repos. En ce moment, Noam est inspiré, il passe son temps à écrire et exige d’être seul pour ça. Et je ne vais pas m’en plaindre. Je pourrais lire un bouquin génial dans pas longtemps et je suis débarrassée de lui pour un temps au moins. Mais le problème, c’est que, quand je ne bosse pas, je n’ai pas grand-chose d’autre à faire. Je n’ai pas eu le temps de me faire beaucoup d’amis depuis mon arrivée à Montsimpa et les quelques-uns que j’ai travaillent en général. Je pense à aller me promener mais je ne veux pas laisser mon esprit vagabonder au hasard, ça risquerait de me mener dans des coins de ma mémoire que je préfère oublier. Alors je me souviens de quelque chose. Le bénévolat ça s’appelle. A peu près tout le temps, l’hôpital a besoin de volontaires pour aider. Et quoi de mieux qu’occuper mon temps en aidant mon prochain ? En plus, je rencontrerais peut-être des gens, qui sait ? J’appelle d’abord pour être sûre que j’aurais des occupations là-bas et je prends le métro et le bus pour arriver jusqu’à l’hôpital qui se situe à Bridgeport. Arrivée à destination, on me fait aller me changer. Un ensemble bleu, tout simple, fait pour les bénévoles. Et je commence à travailler, faisant ce que la chef de service me dit de faire. « Vous savez, vous êtes aussi jolie que ma femme quand elle était jeune, paix à son âme. » Je souris à ce vieux monsieur qui est à l’hôpital pour des contrôles de routine. « C’est gentil ça monsieur Martin. » Heureusement qu’il n’a pas Alzheimer, il m’aurait sûrement prise pour sa femme sinon. Non pas que ça ne soit pas flatteur mais ç’aurait été triste pour lui. Alzheimer, c’est sûrement la pire des maladies à mon avis. Ne se souvenir de rien, sauf de quelques moments de votre vie alors que celle-ci a été remplie de bonheur, ça doit être dur. Enfin il y a aussi des moments qu’on préférerait oublier. Mais ils font partie de nous, on n’y peut rien. Et ce sont ces moments difficiles qui font de nous ce que nous sommes. Je finis de remplir quelques papiers pour le vieux monsieur et je sors de la chambre sans lever les yeux de mon bloc. Et quand je les relève enfin, je crois voir un fantôme. Une chevelure blonde, un air enfantin. Il m’est trop familier pour que ce ne soit pas lui. Je devrais sûrement être contente de le revoir et pourtant, je me colle contre le mur, essayant tant bien que mal de me cacher derrière le bloc que je tiens entre les mains. On sait jamais, il ne va peut-être pas me voir. Parce que, même si Aeron reste un de meilleurs souvenirs, il ne doit pas me reconnaître, il ne doit pas savoir que je suis ici. Je baisse un peu le bloc au bout d’un moment, pensant qu’il sera parti mais mon regard croise le sien et je n’ai qu’une envie : fuir. Mais mes jambes ne semblent pas décidées à bouger. Il ne se souvient peut-être pas de moi après tout. L’espoir fait vivre non ?

Une semaine que Kirby était à la maison qu'elle me rendait déjà dingue. Cette fille avait beau être mon double, je ne voyais pas ce qu'on avait de proche mise à part le physique. J'étais tranquillement en train de faire une nouvelle planche pour la suite des aventures d'Atomic Heroes quand soudainement elle poussa un cri strident. Dans un premier temps je voulu l'ignorer, elle criait pour un tout et un rien même quand elle voit un mec qu'elle trouve beau dans un de ses magazines débiles, mais elle hurle mon prénom et je me sens obligé de bouger mon derrière. C'est d'un pas nonchalant que je me dirige vers la petite peste diabolique qui me servait de soeur. « Qu'es-ce qu'il y a encore... Kirby t'abuse ! » Elle se trouvait sous le meuble de la cuisine, meuble qui pesait au moins une tonne et surtout que j'avais rangé la veille pour les beaux yeux d'Olive. Heureusement pour elle j'étais fort et musclé. Je soulève d'une main -bon de deux mains- le meuble qui l'a retenait prisonnière et la libère en deux temps trois mouvement. Elle se relève avec difficulté, je m'imagine le pire. Pas pour elle, pour moi. « Aeron tu veux bien m'accompagner à l'hôpital ? Je crois que j'ai quelque chose de foulé. » L'hôpital, je détestais cet endroit. J'en est toujours été traumatisé depuis le jour où je me suis cassé le bras en skateboard. Un médecin incompétent voulait me couper le bras heureusement que superpapa était venu à la rescousse sinon je vous laisse imaginer ce qui me serait arrivé. On vient pour une fracture et on repart avec un membre en moins. En plus je détestais l'odeur des hôpitaux, voir tous ces blesser qui pourraient être sauver par un super-héro et... Je devais sauver Kirby. Je ne possède pas de super pouvoir de réparation parce que je n'étais pas un "être de lumière", alors je dois me comporter en super grand-frère. « C'est bien parce que c'est toi. » Un sourire s'affiche sur le visage de la blonde, je l'aide à marcher en passant mon bras sous le sien et la retiens comme je peux. Son corps doit surement être en état de choc. « T'a vue je suis de plus en plus fort hein, tu peux toucher c'est gratuit. » dis-je tout souriant et fière de lui montrer l’évolution de ma masse musculaire. Elle se moque naturellement de moi, elle était trop jeune pour comprendre l'importance que j'avais dans ce monde et les sacrifices que je devais faire. Une bonne dizaine de minutes plus tard, nous étions arrivés à destination à bord de la batmobile. J'aimais l'appeler ainsi ça lui donnait un genre classe, en plus elle était noire et brillait même à l'ombre. C'était mon petit bijou, ma pouf et selon ma soeur la seule que je n'est jamais eu. Qu'elle rigole pendant qu'elle a encore des dents. Je n'autorisais personne à rire de ma voiture, elle était parfaite sous tous les angles et jamais au grand jamais elle ne me brisera le coeur. Je me dirige vers l'accueil toujours avec Kirby qui s'aidait de moi pour avancer. « Bonjour, nous aimerions voir un médecin assez rapidement, un meuble de cuisine est tombé sur ma soeur, elle a du mal à se déplacer et son poignet est amoché. » je donne tous les renseignements dont l’infirmière à besoin. « Veuillez patienter dans la salle d'attente, un médecin viendra vous chercher. » Nous allons nous installer dans la fameuse salle d'attente et malheureusement nous étions pas les seuls bras cassés. Kirby savait à quel point je maudissais les hôpitaux, je supportais la vue du sang, mais je détestais voir les personnes autour de moi souffrir. Pour m'occuper j'imagine ce qui est arrivé à chacune des personnes, je trouve des raisons toutes plus étonnantes que les autres. Un petit garçon semble m'avoir reconnu et je le vois tenir dans ses mains ma bande dessinée. Je lui fais un sourire, je me sens d'âme généreuse aujourd'hui et je sors un stylo de ma poche. Je vins à sa hauteur puis me penche vers lui et je lui dédicasse sa bande-dessinée sous les yeux touchés de ma soeur. Lorsque je reviens à côté d'elle, elle me donne une tape dans le dos fière de ma bonne action. Je reste modeste et me contente de garder le sourire qui était scotché à mon visage. Une heure plus tard, cette situation commence à moins m'amuser qu'au départ. Des personnes qui étaient arrivés après nous étaient pris en charge, j'avais beau aller à l'accueil me plaindre, mais la bonne femme ne voulait rien entendre. Je détourne mon regard de salle d'attente pour poser mes yeux sur la fontaine à eau. Une subite envie de boire me pris et je laisse Kirby qui était en train de jouer sur son portable à moitié en train de somnoler. Je prend un verre et boit une gorgée d'eau tout en observant ce qui se passait autour de moi. Mes yeux balayent la pièce, afin de trouver une infirmière compétente qui serait capable de nous diriger vers un médecin. Mes yeux s'arrêtent sur une fille vêtue de bleue qui se cachait derrière un bloc note. Elle est sans doute mon dernier espoir de sortir avant la tombé de la nuit de cet endroit. Je m'avance alors jusqu'à elle. « Excusez-moi, euh excusez-moi. Es-ce qu'il serait possible que ma petite soeur voit un médecin parce que ça fait une heure qu'on attend et... » dis-je en essayant de voir le visage de la jeune femme, je fini par lui prendre son bloc note des mains et tombe nez à nez avec... Non c'était impossible tellement impossible que je fis tomber mon gobelet sur le sol. Mon visage est en décomposition tellement que j'ai l'impression de me prendre une claque en pleine figure. Elle devait certainement être un de ces zombies qui reviennent à la vie, j'avais imaginé le pire à son sujet et la thèse de l’assassinat était placé tout en haut ma liste. Ma respiration était coupé, j'avais l'air d'un idiot, je ne savais même si mon visage avait une quelconque expression et au fond je m'en contrefichais. « Au...Aur...Auro...Ra.. Aurora ?! » Je bégaie bêtement son prénom, elle était toujours aussi belle qu'autrefois, je suis sur et certains que c'est bel et bien elle. Elle avait ce regard, ces yeux marrons, ils avaient beau être semblable à d'autres, ils avaient toujours été différents à mon goût. C'était comme Juno personne n'avait la même façon de me regarder et de me faire fondre comme elle le faisait. Mon coeur avait envie de prendre ses jambes à son cou et me lâcher ainsi devant elle. Elle m'avais manqué tellement manqué, j'avais souffert de n'avoir jamais connu les raisons de sa disparition, mais je ne sentais aucune rancune à son sujet. J'étais simplement heureux qu'elle soit saine et sauve devant moi. Les miracles se produisait tous les jours, je m'en voulais presque d'avoir arrêté d'y croire. « Comment es-ce possible... Je veux dire qu'es-ce que tu fais là ? »

Son visage est un de ceux que je m'attendais le moins à revoir un jour. Non pas que je ne le voulais pas. Au contraire. Il a été une de mes plus belles rencontres, avant. Mais c'était avant. Avant tout ce qui m'est arrivé, avant que je devienne une autre, avant tout. Et pourtant, je n'arrive pas à décider si je suis heureuse de revoir le visage d'Aeron ou pas. Alors je choisis la solution facile : je me cache. Parce que, même si je voudrais le retrouver, ce serait trop de danger. Parce que j'ignore si on me recherche toujours. Ma couverture en tant que Téo n'a aucune faille. Même moi, je pourrais y croire par moments, croire que je suis cette Téo. Mais la faille est devant moi. Et il vient me voir. « Excusez-moi, euh excusez-moi. Es-ce qu'il serait possible que ma petite sœur voit un médecin parce que ça fait une heure qu'on attend et... » Toujours cachée derrière mon bloc, je comprends qu'il ne m'a pas reconnue, qu'il pense encore que je suis une simple infirmière. Mais il veut voir mon visage. A-t-il déjà des doutes ? Je ne saurais dire si j'ai beaucoup changé physiquement par rapport à l'époque où il me connaissait ou pas. Bien sûr, mon caractère est tellement différent que j'ai l'impression de ne plus être la même. Mais à part les traits de l'expérience, de la vie sur mon visage, ai-je vraiment changé ? C'est en assistant à la réaction d'Aeron en voyant mon visage que je comprends que non. Parce qu'il me reconnaît, c'est évident. Le gobelet qu'il tenait vient s'écraser au sol, mouiller nos pieds mais aucun de nous ne s'en soucie vraiment. « Au...Aur...Auro...Ra.. Aurora ?! » Je suis paniquée comme je l'ai rarement été et pourtant, je n'en montre rien, gardant le visage impassible. Si Aeron ne me souriait pas, on pourrait croire que je suis en train de faire un cauchemar. Je suis partie loin de l'Italie, loin de l'Europe pour éviter à tout prix de tomber sur quelqu'un qui me connaissait et voilà que dans une ville comme Montsimpa, je tombe sur lui. Je le savais américain mais au moment de décider où j'allais vivre, ce garçon avec lequel j'avais passé un été il y a de ça une éternité avait disparu de mes souvenirs. « Comment es-ce possible... Je veux dire qu'es-ce que tu fais là ? » Je ne me suis même pas rendue compte que je suis restée silencieuse. Il faut que je trouve quelque chose à faire ou à dire. Je voudrais le serrer dans mes bras mais quelque chose me retient. Un instinct de sécurité, de survie. Je ne dois prendre aucun risque. « Bonjour monsieur. Vous devez faire erreur, je m'appelle Téodora. Enfin Téo plutôt. C'est écrit sur mon badge. » Et je désigne le bout de plastique sur ma poitrine, comme si c'était une preuve irréfutable. Si je suis persuadée d'être Téo, il devrait y croire aussi non ? De toute façon, il y a bien longtemps que je ne suis plus Aurora. Du moins, celle qu'il a connu. « Vous vous êtes enfui de l'étage réservé à l'asile, c'est ça ? Je ne suis qu'une bénévole ici, je vais aller vous chercher un médecin qui vous ramènera là-bas. » Je me déteste de lui faire ça, de lui faire penser que je le crois fou. Mais c'est la meilleure solution qui me vient à l'esprit. « Tout va bien se passer, je peux vous l'assurer. Pourriez-vous juste me dire votre nom ? » Je joue le rôle jusqu'au bout, espérant être assez bonne actrice pour qu'il y croit. Il ne peut pas se souvenir si bien de moi alors que nous avions passé seulement quelques semaines ensemble il y a des années. D'ailleurs, qui irait aborder une étrangère dans un hôpital en pensant qu'il s'agit d'une amie de vacances. Même s'il avait raison, il ferait mieux d'oublier m'avoir vue aujourd'hui, d'oublier m'avoir connue tout court. Tout serait bien plus simple pour lui.

Aurora. Le prénom de la belle brune, c'était comme son visage jamais je n'avais pu l'oublier. Je l'avais longtemps cherché et parfois je l'a cherchai encore. Notre fin avait été bâclé trop vite à mon goût. Je revoyais encore dans mes yeux la scène de son "enlèvement". Je supposais qu'il s'agissait d'un enlèvement tout portait à croire que ça l'était. je m'en voulais encore d'avoir été impuissant face à ce qui s'était passé, si j'avais été là quelques minutes plus tôt... j’avais beau avoir tous les remords du monde, rien ne pouvait changer le cour des évènements. J'avais mis longtemps à l'accepter et j'avais mis encore plus de temps a digérer le fait qu'elle soit morte. Toutes ces années sans elle et nous revoilà réuni grâce à la chute de ce meuble sur Kirby. Je prononce son prénom avec difficulté, ces retrouvailles étaient brutale si l'on pouvait appeler cette rencontre ainsi. Je ne fais pas attention au gobelet qui avaient mouillés nos pieds, j'essaye de déceler la moindre expression sur son visage ne serait-ce qu'un clignement, mais rien elle était impassible. Je ne comprend pas pourquoi il y avait ce silence, elle me regardais et ne disais rien. Je ne savais pas comment me comporter, mon corps est encore en état de choc. « Bonjour monsieur. Vous devez faire erreur, je m'appelle Téodora. Enfin Téo plutôt. C'est écrit sur mon badge. » mes yeux se dirige vers le badge qu'elle me désigne du bout de son doigt, pourtant je n'y crois pas. C'était écrit noire sur blanc, Téodora Carter-Lawson. C'était une caméra caché, ça ne pouvait être que cela. J'étais tellement heureux de la retrouver que je ne savais même plus quoi ressentir. Depuis tout à l'heure aucun sourire ne s'était affiché sur mon visage, ni sur le sien. « Aurora, c'est quoi cette blague ? Tu t'souviens pas de qui je suis ? On s'est rencontré un été en Sicile. » J'étais convaincu qu'il s'agissait d'elle. Cela était impossible, je savais que les sosies existaient, mais à ce point-là je trouvais cela tiré par les cheveux. Elle est Aurora, je le sais, j'en suis convaincu. Accepter qu'elle soit cette Téodora m'étais inconcevable, c'est comme si on me confirmais qu'Aurora se trouvais six pieds sous terre. Je serais capable de m'effondrer tellement cette pensée me faisais mal au coeur. Lorsque j'ai quitté la Sicile, j'étais perdu et n'arrivais pas a me mettre en tête que j'avais perdu Aurora pour toujours. Heureusement Kirby avait été là pour me soutenir et me relever dignement, ne posant aucune question sachant d'avance dans l'état dans lequel je me trouvais, elle n'obtiendrait aucune réponses. J'avais essayer d'en parler à ma mère qui est une très grande avocate réputée pour s'occuper des histoires les plus sogrenue, mais à l'époque elle déjà préoccupée par une très grande affaire. « Vous vous êtes enfui de l'étage réservé à l'asile, c'est ça ? Je ne suis qu'une bénévole ici, je vais aller vous chercher un médecin qui vous ramènera là-bas. » Je me met à rire, j'espérais sincèrement qu'elle me jouais un mauvais tour. Quitte à passer pour un fou je m'en fiche, c'était elle. Je n'aurai jamais pu oublier ce regard qui autrefois me faisais complètement perdre la tête. Elle était toujours aussi belle. « Qu'es-ce que tu racontes ? Non, non je suis pas fou, j'ai toute ma tête. » Je suis confus, je l'a scrute dans tout son ensemble et restait sur ma première idée. Sans doute elle ne se souvenait pas de moi et préférait pour ne pas me faire du mal. Si c'était le cas, j'allais lui remémorer quelques souvenirs. J'étais persuadé qu'elle serait capable de me faire enfermer, elle était d'un sérieux déconcertant. « Tout va bien se passer, je peux vous l'assurer. Pourriez-vous juste me dire votre nom ? » je m'arrête de rire visiblement elle était une très bonne actrice. J'étais impressionné par son talent pour l'improvisation. « C'est Aeron, Aeron Carlyle. » dis-je bêtement en répondant à sa question. Je secoue ma tête abasourdit par ce qu'elle me disais, je met mes mains sur ses épaules et essaye de lui faire entendre raison. « Je t'en supplie dis-moi que tu fais ça juste pour me faire peur, je sais que c'est toi Aurora. » je commençai sérieusement à paniqué, j'étais capable de me couper une main tellement j'étais certains de mes propos. Je ne sais pas si je suis aveuglé par ce que mon cerveau voulait voir, mais au pire je m'en fiche. Je l'a regardai intensément cherchant à obtenir son attention, il n'était pas question qu'elle me file entre les doigts encore une fois. Elle était vivante, je réalisai petit à petit qu'elle était en vie saine et sauve, en chair et en os.

Une coïncidence, le destin, une mauvaise surprise… On peut donner toute sorte de nom à une rencontre comme celle-ci mais elle est rarement agréable. Ce n’est pas le fait de revoir le visage d’Aeron qui me gêne, c’est le fait qu’il me reconnaisse. Si quelqu’un ici sait qui je suis, c’est un danger. Pour moi parce que personne ne doit savoir que je suis encore en vie. Pour Aeron parce qu’on pourrait le prendre pour mon complice. Alors qu’il n’est victime que de la malchance. Malchance de m’avoir connue avant mon enlèvement, malchance de me retrouver aujourd’hui. Alors j’espère qu’il me croit quand je lui dis que je ne suis pas celle qu’il croit. « Aurora, c'est quoi cette blague ? Tu t'souviens pas de qui je suis ? On s'est rencontré un été en Sicile. » Et le pire, c’est de lire sur son visage à quel point il a l’air heureux de me revoir mais à la fois perturbé par mes paroles. Notre été passé ensemble en Sicile a été un des plus beaux de ma vie et le fait qu’il se souvienne de moi prouve que ça a été le cas pour lui aussi, j’aimerais pouvoir partager ces souvenirs avec lui mais ça m’est impossible. « Vous devez me confondre avec quelqu’un, je n’ai jamais quitté le continent américain. » Je n’ai aucune idée de ce qu’il a fait pendant ces longues années de séparation, qui il est devenu, s’il a beaucoup changé. Pour moi, il reste l’adolescent timide qui pouvait pourtant me parler de tout et n’importe quoi pendant des journées entières. Mais peut-être est-il plus sûr de lui maintenant. Pour le savoir, il faudrait que je lui demande, que je lui confirme que je suis Aurora. Alors tant pis, je ne saurais pas ce qui s’est passé dans sa vie depuis que j’en suis sortie. C’est le prix à payer pour la sécurité. J’essaye de le faire passer pour un fou, espérant qu’il comprenne que je ne suis pas Aurora, que je suis bien Téo et que je commence à avoir peur de son comportement. Mais il est tellement sûr de lui qu’il va falloir bien plus que ça pour le convaincre. « Qu'est-ce que tu racontes ? Non, non je suis pas fou, j'ai toute ma tête. » Il n’a vraiment l’air de rien comprendre. Je voudrais fuir, là maintenant. Mais partir en plein milieu de la conversation reviendrait à avouer qui je suis. Alors je vais rester forte, lui faire face et être le plus convaincante possible. « Et vous ne croyez pas que c’est exactement ce qu’un fou dirait ? » Me souvenir que je dois le vouvoyer avant chaque phrase est assez compliqué. Mais mieux vaut être professionnelle si je veux avoir une chance qu’il me croit. On vouvoie les patients dans l’hôpital, à moins qu’il ne demande à être tutoyé, c’est la règle. Ça offre une certaine distance, une sécurité entre le personnel et les gens de passage ici. « C'est Aeron, Aeron Carlyle. » Aeron man comme il aimait se surnommer. Est-ce qu’il le fait toujours ? Mais encore une fois, je ne peux pas poser la question tout simplement. « Très original comme prénom, vous devez sûrement être le seul non ? En tout cas, vous êtes le premier que je croise. » Et ce n’est même pas un vrai mensonge. Car, même si nos chemins se sont déjà croisés il y a quelques années, il est le seul Aeron que je connaisse. Je me suis d’ailleurs toujours demandé où ses parents avaient trouvé son prénom. « Je t'en supplie dis-moi que tu fais ça juste pour me faire peur, je sais que c'est toi Aurora. » Et il semble vraiment avoir peur. Il est passé de la joie de me revoir à la peur que ce ne soit pas moi. Et j’ai mal pour lui. Mais je ne peux rien y changer, il faut que je reste forte jusqu’au bout. Ses mains encadrent mes épaules, son regard plongé dans le mien. Même si je voulais détourner le regard, je ne le pourrais pas. Et ça serait une faiblesse, il ne le faut pas. « Ecoutez-moi, je vous dis que je suis pas votre Aurora. Je ne sors pas d’un conte de Disney, je suis réelle. J’ai peut-être un visage commun mais je ne crois pas ressembler à la Belle au bois dormant. » Tourner mon vrai prénom en ridicule, c’est assez compliqué pour moi. Parce que j’en ai toujours été fière de ce prénom, il faisait partie de mon originalité. Et la Belle au bois dormant était mon Disney préféré quand j’étais gamine. « Je vais vous demander de me lâcher sinon j’appelle la sécurité monsieur Carlyle. » Je conserve une expression on ne peut plus sérieuse, me décevant moi-même d’en venir à de telles menaces. Mais je n’ai pas le choix, je ne veux pas céder face à lui. Je ne veux pas que les souvenirs continuent d’affluer dans mon esprit alors que je regarde ses yeux. Je veux partir, rentrer chez moi et serrer ce médaillon qu’il m’avait offert contre mon cœur. « S’il vous plaît Monsieur. » Il n’a pas l’air de comprendre alors j’insiste. Je ne veux pas appeler la sécurité, ça lui attirerait trop de problèmes et je m’en voudrais encore plus.

Je crois que je suis content, mon visage ne peut s'empêcher de lui faire comprendre à quel point je suis soulagé de la retrouver. C'est normal, après toutes ces années. J'espère qu'elle me fait une blague, c'est vrai qu'après tout ce temps elle aurait pu oublier qui je suis. Peut-être qu'on lui avait lobotimisé le cerveau, le soir où j'ai cru à un enlèvement, ce sont les extraterrestres qui sont venu l'a capturer pour faire tout un tas de test bioniques qu'aucun humain n'était en mesure de comprendre. On lui a sans doute dit que Teodora serait sa nouvelle identité sur terre et qu'elle était en mission pour venir nous espionner maintenant qu'elle était des leurs. Je commence à sérieusement délirer, mais j'ai de quoi m'inquiéter. « Vous devez me confondre avec quelqu’un, je n’ai jamais quitté le continent américain. » Je ne peux rien dire, je deviens même muet l'espace de quelques secondes. Le sang-froid de la jeune femme fait presque peur, je ne sais pas si je dois réellement l'a croire et accepter qu'elle n'est pas Aurora -ce qui me briserais plus qu'autre chose- ou soit je continue encore à m'accrocher afin qu'elle me crache le morceau. Je pense que mon choix est déjà fait, elle a beau me traiter de fou ou encore vouloir m'enfermer à l'asile, s'il y a une chance infime que ce soit bien elle en chair et en os, je ne peux pas laisser filer cet incroyable occasion. « Peut-être que tu ne t'en souviens plus, peut-être qu'on t'a fait oublier cette partie, ce qui expliquerais que tu ne me reconnais pas. » Je faisais subtilement allusion aux aliens, je n'allais pas lui demander de but en blanc si ma supposition était bonne parce que j'étais certain que ça lui donnerait un argument de plus pour m'envoyer à l'asile. Imaginez un peu la réputation de super-héros que ça me ferais. En plus de bousiller mon super CV, je perdrais toute ma crédibilité envers "mon" peuple. J'ai mal au coeur, mal au coeur à la simple idée qu'on est pu lui faire du mal. J'ai beau me monter toute une bêtise avec cette histoire de bonhomme verts venus capturer Aurora en Sicile, je suis malade de m'avouer qu'on est pu lui faire quelque chose. J'espère sincèrement qu'en réalité j'ai eu des hallucinations, genre que ma grand-mère m'aurais mis une sorte de drogue dans mon verre et qu'elle est partie vers une vie meilleure, qu'elle a été heureuse malgré tout. Mise à part mes scénarios digne des experts, il m'arrive parfois de croire qu'elle a tout simplement eu besoin de fuir le pays et qu'elle est hors de danger. Je ne peut m'empêcher de l'observer intensément, revoyant l'ancienne Aurora, mon Aurora avec son sourire qui m'a longuement fait tourner la tête ; comme un fou, comme un soldat, comme une star de cinéma. « Et vous ne croyez pas que c’est exactement ce qu’un fou dirait ? » Elle n'a pas tord et c'est ça le vrai fond du problème. J'ai souvent le chic de faire penser aux autres que je suis "différent" et complètement dérangé. D'un autre côté ça me blesse que ce soit elle qui me traite de fou, alors que la plus part du temps ce sont des gens auxquels j'accorde peu d'importance qui en font la remarque, j'essaye vraiment de montrer que cela ne m'atteint pas plus que cela. « Non. Il n'y a pas de mal à dire qu'on est pas mentalement dérangé n'est-ce pas ? Je veux dire que si toutes les personnes coupable n'avaient pas le droit de se défendre un minimum, où irait le monde ? Donc, je maintiens je ne suis pas fou. » je me laisse aller dans un spitch digne d'Aeron Carlyle, le grand, le seul, l'unique. Le terme fou, me rendais complètement fou. Je déteste ce jeu auquel elle est en train de jouer avec moi, je lui dis même mon prénom lorsqu'elle me le demande, une raison de plus pour qu'elle aille m'enfermer avec les youpis. Elle est très forte en tout cas, j'ai juste envie de déclarer forfait, mais je n'en est pas le droit. Je suis fort aussi, elle m'a filé d'une telle facilité entre les doigts, je me pose toujours une tonne de questions à son sujet. Encore plus maintenant que pendant toutes ces années passé loin d'elle. Je ne peux m'empêcher de repenser aux moments que nous avions passé ensemble, des instants gravés dans ma mémoire et que même le temps n'avait pas réussi à effacer. « Très original comme prénom, vous devez sûrement être le seul non ? En tout cas, vous êtes le premier que je croise. » Je ne comprend pas, je ne comprend rien. Aeron est un prénom vraiment très atypique, moi-même je me considérais unique dans tous les sens du terme. « Content d'apprendre que je suis le seul que tu as croisé, comme tu es la seule Aurora que je connaisse. » dis-je simplement. Je ne sais pas si sur mon visage elle lit encore à quel point je suis heureux qu'elle soit ici, mes doutes doivent donner l'impression que je ne suis plus aussi certain de mes propos. Pourtant j'essaye de ne pas me laisser atteindre, j'espère qu'elle a un talent d'actrice caché dont elle a omis de parler autrefois. « J'ai oublié de mentionner que c'est Aeron Man mon vrai pseudonyme, ça devrait peut-être te rafraîchir la mémoire. » Je voulais que "Aeron Man" fasse tilt dans sa tête, si je suis le seul Aeron de sa vie, je devais être le seul à me prendre pour Tony Stark et par conséquent si elle a perdue des fragments de sa mémoire ça devrait lui revenir au cerveau, aussi vite qu'un boomerang. Néanmoins, je fini par perdre tous mes moyens. Aurora, Téodora, Téodora, Aurora, quand mes yeux font des aller-retour entre son visage et son badge, je fini par complètement douter. J'ai peur de la perdre une seconde fois, car si elle est vraiment ce qu'elle me dis, cela me laisse imaginer le pire. Je pose donc mes mains sur ses épaules et l'a supplie de mettre un terme à cette mascarade étant trop faible contre une telle adversaire. Mes yeux ne quitte pas les siens et j'espère qu'elle fasse quelque chose qui me prouverai que j'ai raison. Une clignement de cil suffirai pour me redonner espoir. « Ecoutez-moi, je vous dis que je suis pas votre Aurora. Je ne sors pas d’un conte de Disney, je suis réelle. J’ai peut-être un visage commun mais je ne crois pas ressembler à la Belle au bois dormant. » Rien. Elle n'a pas bouger d'un centimètre, elle n'a pas détourné son regard, elle s'est juste contenté de me dire ça. Aurodora m'achève sous tous les points. Les deux questions qui me vienne à l'esprit pour essayer d'être objectifs sont : Es-ce qu'elle est plus Aurora que Téodora ou est-elle plus Téodora qu'Aurora ? Deux questions sans queue ni tête qui ne m'aideraient même pas pour trancher tellement j'étais buté sur son regard. C'est le même qu'Aurora et elle a beau me dire qu'elle n'est pas la belle au bois dormant, je m'en fiche. On ne change pas ce genre de chose même un mensonge ne peut pas combler une telle preuve que je ne peut malheureusement pas mentionner. D'ailleurs je suis surpris qu'elle parle ainsi de la belle au bois dormant, j'en est presque des frissons tellement ça pourrai faire tout basculer dans mon esprit. Jamais, jamais au grand jamais, elle n'a parlé de ce disney de cette façon. Dans mes souvenirs, c'était son disney favoris. Je me contente encore de la regarder, je ne répond même pas à ce qu'elle vient de me cracher à la figure, je suis tellement perdu que je me contente simplement de la regarder. « Je vais vous demander de me lâcher sinon j’appelle la sécurité monsieur Carlyle. » Les paroles de belle brune me passe outre, je suis complètement déconnecté. Un instant je suis certain d'avoir retrouvé cette fille qui avait bousculé mon été de manière inconsidérable, l'une de mes plus belles rencontres dans toute ma pitoyable existence et un autre, j'ai l'impression de l'a perdre une seconde fois ; ce qui est d'autant plus difficile à digérer. J'ai une boule au ventre, je me suis sans doute un peu trop emballé. Elle est plus Téodora qu'Aurora. « S’il vous plaît Monsieur. » Je me reconnecte sur la planète terre, malheureusement elle était on ne peut plus sérieuse. Elle est vraiment une très bonne actrice, si jamais j'ai raison, je me dis qu'elle ne veut plus que je sois dans sa vie. Notre histoire est trop ancienne même si je l'avoue encore elle me manque terriblement. Je relâche mes mains de ses épaules comme demandé et je fini m'excuser de l'avoir maintenue ainsi. « Je me suis fait avoir par cette ressemblance quasiment copiée/collée. Je suis vraiment désolé... Téodora pour ce dérangement, ce n'est pas dans mon habitude d'insister autant. » Je baisse les bras. Elle en vaux la peine, mais je laisse tombé ou tout du moins j'aimerai lui faire croire que c'est le cas. « Je tenais beaucoup à mon amie alors quand je vous ait vue, vous comprenez, automatiquement j'ai cru à une mauvaise blague. » dis-je en baissant les yeux, je me surprend à la vouvoyer aussi facilement que je l'a tutoyai un peu plus tôt. Je suis perdu comme je ne l'est jamais été. Les sosies existent. Apparemment les extraterrestres l'on autant apprécié que moi, normal elle était géniale mon Aurora. J'essaye de lui accorder un dernier regard, j'essaye de m'en aller, j'en est réellement envie, je veux la laisser tranquille, mais non. C'est plus fort que moi. J'en suis incapable. Après tout de nos jours changer de vie de nos jours c'était aussi simple que de changer de chemise. Je suis têtu, buté, tout ce que vous voulez. Je sais que je risque gros, qu'elle sera capable de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que je sorte de sa vie. Je ne sais pas ce qu'elle cache pour vouloir m'éloigner ainsi. Alors je prend ses mains, autrefois nous passions nos journées allongées par terre main dans la main à parler de tout et n'importe quoi, c'est comme un rappel. « Me dis pas que tu as oublié ça. »

Des fois, quand tu t’attends à passer une journée normale, à juste bosser et parler avec quelques collègues bénévoles, c’est vraiment le cas. Et puis des fois, tu tombes sur un fantôme. Pas un vrai bien sûr, tout le monde sait que ça n’existe pas. Mais une personne de votre passé. Une personne enterrée au fond de votre esprit. Pour moi, cette personne est Aeron. En fait, ça aurait pu être n’importe qui venant de ma vie italienne. Ma vie passée. Mais Aeron n’était pas non plus comme les autres. Nous avions partagé beaucoup en l’espace d’un été trop court. Il est un de mes derniers bons souvenirs avant que mon cauchemar n’ait commencé. Et c’est pour ça que c’est encore plus dur de le retrouver aujourd’hui. Quand je ne peux pas le serrer dans mes bras et simplement profiter de ces retrouvailles. « Peut-être que tu ne t'en souviens plus, peut-être qu'on t'a fait oublier cette partie, ce qui expliquerais que tu ne me reconnais pas. » Je fronce les sourcils, surprise de ce qui vient de sortir de sa bouche. Puis je me souviens que c’est Aeron. Il faut un petit temps avant de s’habituer à son brin de folie qui le rend unique. Et ne l’ayant pas vu depuis des années, je ne m’en souvenais plus si bien. Créer des théories incroyables pour la plus petite chose, se faire des films que personne n’imaginerait à part peut-être Spielberg. Aeron tout craché. L’amnésie, ça serait une bonne réponse à ses questions. Je ne le reconnais pas parce que j’ai perdu la mémoire. Enfin parce que quelqu’un me l’a fait perdre si j’ai bien suivi son histoire. En soit, qu’est-ce que ça a de plus surréaliste que se faire enlever par la mafia ? Il y a six ans, j’aurais sûrement ri si on m’avait parlé de cette possibilité. Pour moi comme pour tout le monde, la mafia, on en entendait parler dans les films, pas dans la réalité, ou presque pas. Et pouf, ça te tombe dessus sans prévenir un jour. « Vous en connaissez beaucoup des gens qui s’amusent à effacer la mémoire des autres ? » Reviens sur Terre Aeron, ça n’existe que dans les films de science-fiction ces histoires-là. Mais dans son esprit, tout peut exister. Et ça l’arrange sûrement de penser ça. Plutôt que de me croire, il continue de vivre dans un film. Parce que perdre Aurora, c’est pire que d’imaginer qu’on lui ait effacé la mémoire. Aurora. Aurora. Ça faisait longtemps que je n’avais plus pensé à ce prénom, tellement habituée à être Téo. Mais je suis toujours Aurora. Pas celle qu’il a connu, juste une nouvelle version. Aurora 2.0 rebaptisée Téo pour l’occasion. Un peu comme quand Apple sort un nouveau téléphone. « Non. Il n'y a pas de mal à dire qu'on est pas mentalement dérangé n'est-ce pas ? Je veux dire que si toutes les personnes coupable n'avaient pas le droit de se défendre un minimum, où irait le monde ? Donc, je maintiens je ne suis pas fou. » A n’y rien comprendre. Heureusement qu’Aeron ne devait pas défendre son cas devant un tribunal parce qu’avec son sens de la logique, il est foutu d’avance. Comme je ne sais même pas clairement ce qu’il a dit et que je ne vais pas lui demander de répéter, je ne réponds rien. Je sais bien qu’il n’est pas fou de toute façon. Enfin si mais à sa façon. Sa façon à lui d’être original. Enfin il ne le maîtrise même pas, c’est juste sa façon d’être. « Content d'apprendre que je suis le seul que tu as croisé, comme tu es la seule Aurora que je connaisse. » Il ne compte pas abandonner, ça se voit. Alors je sais que je vais devoir tenir jusqu’à ce qu’on se quitte encore une fois. J’ai réussi à fuir mon cauchemar, à arrêter la drogue, je peux très bien mentir à un ami d’été, non ? « Vous voulez sûrement dire Téo. » Téo, c’est original comme prénom aussi. C’est moi qui l’ais choisi et j’en suis fière. Même si j’aurais préféré rester Aurora pour ne pas avoir à trop changer. Mais ç’avait été nécessaire. « J'ai oublié de mentionner que c'est Aeron Man mon vrai pseudonyme, ça devrait peut-être te rafraîchir la mémoire. » Bien sûr que je m’en souviens. C’est dingue de voir qu’il ne doute pas une seule seconde que je puisse ne pas être Aurora. Son Aurora. Et sa détermination me met le moral au plus bas niveau. Parce que je n’ai pas envie de lui faire ça, pas envie de casser tous ses espoirs. Mais ais-je seulement le choix ? Je sais bien que non, je ne jouerais pas la comédie depuis dix minutes sinon. « Oh comme Iron man ! J’adore ce film, surtout la relation entre Tony et Pepper. » D’ailleurs, j’ai emprunté les deux dvd à une amie pour les regarder à nouveau. Sauf que maintenant, je vais sûrement penser à Aeron en regardant le film. Soirée films annulée. Enfin reportée parce que je me connais, je sais que je ne vais pas résister longtemps. Je finis par lui demander de me lâcher, jouant mon rôle d’inconnue jusqu’au bout. Après avoir insisté, il finit par comprendre. « Je me suis fait avoir par cette ressemblance quasiment copiée/collée. Je suis vraiment désolé... Téodora pour ce dérangement, ce n'est pas dans mon habitude d'insister autant. » Téodora. Prononcé par ses lèvres, j’ai l’impression qu’il parle à quelqu’un d’autre et cette sensation est terrible. J’étais Aurora pour lui. Mais je ne peux pas le rester, je le sais. Il abandonne enfin, il admet que je ne suis pas Aurora. Et je voudrais lui crier que c’est moi, lui sauter dans les bras – nous faisant très probablement chuter par la même occasion – et fêter cette journée comme celle qui nous a réunis. Sauf qu’il n’y a que moi qui peut savoir qu’on vient de se retrouver. Il doit continuer à me prendre pour une inconnue qui ressemblerait à Aurora. Avec toute sa folie, il doit bien croire aux sosies quand même. C’est toujours moins invraisemblable que les extraterrestres. Alors pour une fois que ça m’arrange, il pourrait croire à quelque chose. « Je tenais beaucoup à mon amie alors quand je vous ait vue, vous comprenez, automatiquement j'ai cru à une mauvaise blague. » A croire qu’il sait déjà tout et qu’il dit ça pour me faire culpabiliser. Parce que c’est exactement l’effet que ça me fait. Bien sûr, s’il tenait à moi autant que je tenais à lui, le choc a dû être fort. Il l’aurait été pour moi si la situation avait été inversée. Et voilà que je lui dis que je ne suis pas celle qu’il croit, que je ne suis pas… moi. Je me sens horrible de lui faire ça. Je me déteste. Même si je n’ai pas le choix, j’ai envie de tout lui raconter. Il le mérite après tout. Après des années sans nouvelles de moi, sûrement à se faire des films incroyables. Parce qu’il ne m’avait apparemment pas oublié après ma disparition. Je me suis souvent demandé comment les gens avaient réagi à mon départ, comment ils l’avaient interprété. Je doute que mes parents aient dit la vérité aux habitants du village. Peut-être ont-ils dit que j’étais partie à l’université en avance. Ou bien suis-je portée disparue depuis cette date. Je ne le saurais sûrement jamais et ça ne me gêne pas tant que ça. Tellement perdue dans mes pensées, j’en oublie de répondre à Aeron et j’oublie même qu’il est là avant qu’il saisisse mes mains. Je baisse les yeux pour regarder nos mains entremêlées et une envie de pleurer me prend. Mais je ne peux pas me laisser aller. Pas maintenant. Ce soir une fois dans mon lit, cachée sous ma couette. « Me dis pas que tu as oublié ça. » Comment aurais-je seulement pu ? A l’époque, j’avais cru que nous étions des âmes sœurs. Qu’on attendait juste le moment parfait pour passer de l’amitié à l’amour. Naïveté de l’adolescence. Ou peut-être pas. Peut-être que dans une autre dimension, je serais restée et nous aurions été heureux. Mais qui pourrait le savoir ? Le destin s’était mis dans notre chemin. Et le destin est vraiment un salaud de nous faire nous retrouver quand tout est devenu impossible entre nous. Parce que ça ne sert plus à rien maintenant. Juste à nous faire souffrir. Tous les deux. Moi plus lui car il ne sait pas la vérité. A moins que ça ne soit pire pour lui. Comment pourrais-je le savoir de toute façon ? Après un long moment de silence – bien trop long – je relève le regard vers Aeron et dans ses yeux, je retrouve le garçon de dix-sept ans qui aurait pu changer ma vie. Celui avec qui je voyais un futur. Et celui avec qui je n’ai, aujourd’hui, plus qu’un passé. Déprimante comme pensée. « Oublié quoi ? » Nous deux qui nous promenions dans la campagne, main dans la main comme un couple, à parler de tout et surtout de rien. On était jeunes, on ne connaissait pas la vie, on ne connaissait pas l’amour. Et pourtant, cet été avait tout changé. A mes yeux en tout cas. Le paradis avant de rester quelques années en enfer. Et aujourd’hui, le retrouver devrait être le paradis encore mais ça n’est pas le cas. Et je maudis mon père d’être la cause de tout ça. Parce que s’il n’avait pas fait de si mauvais choix, tout ça ne serait pas arrivé. « Je… je devrais sûrement vous laisser. » dis-je en dégageant ma main de la sienne. Je ne pourrais pas tenir encore longtemps. Il faut que je m’éloigne de lui au plus vite. Que je m’éloigne de ce passé qui n’aurait pas dû refaire surface. « Votre sœur doit vous attendre. Et j’ai du travail. » Ce n’est pas totalement vrai. Que j’aille aider les médecins ou patients ou pas, ça ne changera rien. Mais c’est une excuse comme une autre de fuir. Et là, je ne vois que ça comme solution si je ne veux pas avouer à Aeron que je suis bien Aurora. Et comme je ne peux pas me laisser faire ça, je dois partir. Fuir. Il va sûrement se poser des questions mais c’est toujours mieux que lui dire la vérité. Que des mensonges, encore des mensonges. J’en ai marre de mentir mais c’est ma vie maintenant. Aurora n’est plus depuis plus d’un an, si tant est qu’elle vivait encore réellement pendant ses années de captivité. « J’ai été ravie de vous connaître Aeron. Et… j’espère que vous trouverez votre amie. » Ou bien que vous l’oublierez pour toujours, ça sera sûrement la meilleure des solutions. Et sans un dernier regard pour mon ami sorti tout droit de mon passé, je reprends ma route dans le couloir. Je laisse tout ça derrière moi. Enfin c’est ce que je voudrais. Mais je sais très bien qu’il ne quittera pas mes pensées. Il ne l’a jamais vraiment fait. Tout ce que je peux espérer, c’est de ne pas tomber sur lui à nouveau à Montsimpa. Parce que je ne pense pas que je pourrais le supporter. Mentir à des inconnus est facile. Mentir à quelqu’un qu’on aurait pu aimer – ou qu’on a aimé – l’est beaucoup moins. Alors je préférerais ne pas avoir à recommencer. Surtout que j’ai épuisé mon stock de mensonges pour l’année. Marchant sans m’arrêter, je ne trouve réconfort que dans une salle de repos que je ferme à double tour. Sait-on jamais qu’il soit tellement entêté qu’il m’a suivi. Il faut s’attendre à tout après une telle journée.