never get rid of me ∂ shake.

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blake + shade = shake.

J'avais une routine, et je m'y tenais. Comme une bonne grosse majorité des êtres humains. Certes, une part de cette tranche regroupe tous les malheureux de la planète, mais certains s'y font bien, à la routine. Quand t'es ado tu vas à l'école, tu vois tes potes, tu te mets à jour sur facebook, c'est sympathique, puis tu grandis et l'école se transforme en un job, un petit peu différent pour tout le monde – sauf ceux qui travaillent dans des usines pour faire des pots de gel ou quoi, là ça reste assez semblable – puis tu rentres chez toi, tu vois tes potes, si t'es chanceux tu niques un peu, tu te mets à jour sur facebook.

Mon job, à moi, c'était de bosser avec des aveugles. Des gens super sensibles de tous leurs sens sauf qu'ils y voyaient que dalle. Je m'occupe de faire des « jeux d'éveil » avec eux, de former les récents aveugles à savoir utiliser un chien, une canne, je leur donne des conseils de style sur leurs nouvelles lunettes noirs, parfois je fais visiter le centre à des familles qui cherchent à se débarrasser d'un de leurs fardeaux. Je m'occupe d'eux. Je leur fait la lecture – par contre je connais pas le braie, mais ils ont des cours si ils veulent l'apprendre. En général, pendant la journée, on s'assied dans l’espèce de « salon » pour papoter, écouter la TV – ben oui, ici on l'écoute, on la regarde pas – et parfois il y en a un ou l'autre qui se met au piano. On est un peu comme une grande famille, j'vois qu'ils se supportent tous, c'est assez chouette, parce que comme ça, quand on a un nouveau pensionnaire ou membre, ben ça aide à faire passer la pilule de voir qu'on vit bien avec. On fait des sorties, aussi, parfois, genre parc d'attractions et tout. Ils sont tous sympas, ils ont des histoires à raconter. Ils sont touchants. J'aime bien mon métier.

Puis il y a Shade. Shade, c'est la nouvelle rebelle du groupe. Elle est fraichement aveugle, quoi qu'elle était là avant moi. Elle ne traîne jamais avec nous, elle ne parle pas beaucoup, parfois elle crie des trucs sans intérêts. Elle vit tout seule dans un appartement, en ville, avec son chien et personne d'autre, à ce que j'ai compris. Bien qu'elle ne parle pas beaucoup, elle savait faire parler d'elle. Les potins de mes copains aveugles tournaient bien souvent autour de sa vie, ils faisaient des suggestions sur comment elle aurait pu perdre la vue, ils me demandaient de la décrire. J'suis sûre qu'ils la voyaient tous très moche dans leurs têtes tant elle était désagréable. Mais ils comprenaient, tous, parce qu'ils étaient tous passés par ce stade, apparemment. Moi, par contre, j'arrivais pas à m'y faire. Qu'elle ne passe pas son temps libre avec nous, c'était son choix. Mais le vendredi, on était censés bosser la psychomotricité – ce qui n'est pas simple pour tout le monde – et le développement des sens. En gros, une activité pour laquelle elle faisait partie de notre centre. Un truc indispensable pour elle – elle ne s'en rendait pas compte maintenant parce qu'elle était souple et tout, mais dans quelques années il lui sera de plus en plus difficile de se mouvoir correctement. On s'était déjà gueulés dessus plusieurs fois, tous les deux. Elle n'avait aucun respect pour moi, et ça m'agaçait, évidemment. Mais là, elle n'était pas là, et je trouvais ça incorrect. Elle séchait bien trop souvent.

Quand j'ai pris ma veste au porte-manteaux avant de sortir direction son appartement, je n'ai même pas pensé qu'elle puisse avoir eu un accident. C'est vrai qu'elle était aveugle et qu'elle vivait seul, mais elle avait l'air de plutôt bien se débrouiller. Je suis arrivé devant sa porte, et j'étais pas très content. J'ai frappé assez fort, suffisemment pour qu'elle puisse m'entendre – elle n'aurait pas cette excuse. Pas de réponse, alors je frappe un peu plus fort. - Shade ! C'est Blake. Viens ouvrir. Aboiement de son chien, puis Shade qui ouvre la porte.

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La ponctualité, ça n’a jamais été ton fort. Ni te rendre tout court aux rendez-vous. Tu n’aimes pas qu’on t’impose un horaire, qu’on t’impose quoique ce soit. Avant, tu notais certains rendez-vous sur des bouts de papier qui se perdaient souvent avant la date et, si jamais ils survivaient, tu oubliais de regarder le papier le bon jour. Pas la peine de dire que depuis que tu ne vois plus, tu t’en fiche complètement. Si les autres tiennent vraiment à te voir, ils lèvent leur derrière et viennent te voir à ton appartement. Mais ils sont rares ceux qui viennent te voir. Ce matin-là, tu as écouté un message sur ton répondeur. Blake qui te rappelait une réunion au centre. Les réunions de groupe entre aveugles, tu détestes ça. Tu te fais engueuler quand tu ne veux pas parler de tes avancées (inexistantes) et tu finis toujours par gueuler plus fort. Et tu n’apprends rien. Tu n’as pas envie d’apprendre. Tu n’as pas envie qu’on t’aide. A la base, tu vas juste dans ce centre parce qu’un médecin t’y a forcée. Alors en fait, tu y vas seulement quand tu as le courage. C’est-à-dire rarement. Ou bien pour les sessions privées que tu supportes plus facilement. Tout le monde te déteste là-bas de toute façon et tu les comprends. Tu te détesterais sûrement si tu te rencontrais aujourd’hui. D’ailleurs, tu te détestes souvent. Quoiqu’il en soit, quand tu écoutes ce message, il ne te reste déjà plus qu’une heure pour te rendre à la réunion et tu comptais prendre un bain ce matin. Ça fait passer le temps et tu es bien dedans. Mais pour le moment, tu laisses tomber le téléphone sur le lit et tu te rendors. Si on t’engueule pour ne pas être venue, tu pourras toujours dire que tu n’as pas eu le message et que tu dormais. Pas sûr que ça suffise à Blake. C’est un vrai chieur ce mec. Mais face à toi, il a de la compétition. Pourtant, il continue d’essayer, comme s’il avait encore un espoir pour toi. Ça doit bien être le seul. N’importe qui d’autre aurait arrêté depuis longtemps. Tu ne lui diras jamais mais tu as du respect pour lui. Parce qu’il n’abandonne pas. Et la détermination, tu trouves que c’est la meilleure des qualités. Mais il peut toujours crever avant de t’entendre le lui dire.

Quand tu te réveilles, tu entends quelqu’un frapper à la porte. Qui vient te déranger ? Ils ne savent donc pas que tu n’as envie de parler à personne ? Tu attends encore un moment, espérant que la personne, qui qu’elle soit, va abandonner et partir mais quand elle s’identifie, tu sais que ça ne sera pas le cas. « Shade ! C'est Blake. Viens ouvrir. » L’entendre te fait soupirer. Il ne peut pas rester au centre non ? Tu aurais dû donner une fausse adresse en t’inscrivant là-bas tiens. Sauf que ça t’avait semblé plus prudent de donner la vraie. Après tout, ces gens-là sont payés pour t’aider alors autant qu’ils le fassent bien. Mais heureusement que toi, tu ne payes rien. Sinon tu n’irais tout simplement pas. « C’est ouvert, ouvre toi-même ! » tu hurles à travers l’appartement. Il ne va pas te le reprocher quand même. Lui, ne risque pas de se cogner à tous les meubles de ton lit à la porte. Ta chienne n’arrête pas d’aboyer, elle aime bien Blake. Peut-être parce qu’il la caresse plus que tu ne le fais. Tu t’assieds sur ton lit, descends le t-shirt qui te sert de pyjama sur tes cuisses et écoutes les pas de Blake s’approcher. Tu n’as aucune idée de l’apparence que tu peux avoir mais tu t’en fiches. Il n’est pas là pour te draguer. Il est là pour te faire chier. « Que me vaut l’honneur de ta visite Blake ? Tu viens faire le ménage chez moi vu que je ne peux pas le faire ? » Tu sais bien pourquoi il est là. Tu sais aussi qu’il est parfaitement au courant que tu n’as pas oublié la réunion. Il sait que tu détestes ça. Et pourtant, il voudrait te faire changer. Il a de l’espoir. « Ou bien tu veux qu’on fasse autre chose ? » Tu te lèves et le trouve grâce au bruit de sa respiration. Ta main vient se déposer sur son torse et tu souris en la descendant lentement. « Je suis sûre que tu couches avec toutes les aveugles que tu trouves à ton goût. C’est pour ça que tu es là non ? » En fait, tu espères qu’il ne va pas entrer dans ton jeu parce que coucher avec cet homme lui donnerait un ascendant sur toi et tu détesterais ça. Mais tu t’en fiches, tu joues. Parce qu’il n’y a plus grand-chose d’autre pour te donner envie de vivre. Jouer, ça t’occupe au moins.

» Ken Φ Shake Shake Shake Your Body
» shake ton booty, babe ! ∆ jessie chérie.

never get rid of me ∂ shake.

never get rid of me ∂ shake.

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