Ne donnant aucun signe de vie, il est rare qu'une quelconque personne obtienne de mes nouvelles. Plus j'avance, plus je me renferme. Prise par un désespoir que je ne contrôle plus, j'ai failli perdre la vie il y a quelques jours. Personne n'est au courant, pas par peur, mais tout simplement parce que je suis très bien consciente qu'il sera difficile de me croire. Je ne me rappelle pas exactement de ce qu'il s'est passé, je me souviens juste de cette femme... son visage... l'angoisse qu'elle me remémore. Il faut même avouer qu'il est difficile de faire un pas sans regarder autour de moi, de ne pas sursauter quand j'entends un bruit différent de ce que je devrais entendre. Et ce cou qui me fait tant mal, ces deux points qui me rappellent la morsure qu'elle s'est amusée à me faire à l'aide de ses dents. Pendant quelques jours, je me suis même amenée à croire en l'existence des vampires, mais bien vite la stupidité de ma pensée avait repris le dessus. Les vampires ça n'existent pas. Il fallait que j'arrête le délire. C'est donc tout simplement que j'essaye maintenant d'oublier, quoi qu'il se soit passé, je préfère éviter d'y penser. Ce qui avait été étonnant c'est que cette femme m'avait demandé la permission de me tuer, j'avoue avoir été effrayé. Peut-être le pire dans tout ça, c'est que l'espace de quelques minutes j'aurais bien voulu en finir avec cette vie qui m'échappe un peu plus chaque jour.

Interne. Pas médecin. Juste une étudiante qui apprend avec la pratique, mais que l'on appelle tout de même docteur. Comme un quotidien, j'ai enchaîné deux nuits de garde et deux journées sans prendre le temps de dormir. Et même si j'avais pu, le sommeil ne veut pas de moi. Pourtant, il est temps pour moi de quitter l'hôpital et de rentrer chez moi. Ça ne me plaît pas, je ne veux pas, mais mon mentor insiste. Il a besoin que son interne soit en forme pour ne pas avoir de risque de perdre de patient. Je suis consciente qu'il a raison, mais pourtant ça ne m'empêche pas d'en être mécontente. Dans les vestiaires, après m'être changé, je jette un dernier coup d’œil dans le reflet du miroir de mon casier. Veillant à ne pas avoir le regard des autres internes sur moi, je retire discrètement le pansement qui collait sur mon cou, pour très vite le remplacer par une écharpe. Personne n'est au courant pour l'agression, j'avais tout simplement fait croire que j'avais eu un chat bien trop félin pour moi. Tout le monde n'y a vu que du feu. Une tête en dehors de l'hôpital, quelques collègues me proposent de boire un verre. Refus catégorique. Je ne veux voir personne, peut-être dans une autre vie, mais pas pour le moment.

Ma voiture étant en réparation, je suis obligée de prendre le métro. Tout de même je profite que l'un de mes collègues est un intérêt pour moi, pour lui demander de m'accompagner au métro le plus proche. Pendant se cour trajet, il ne fait que parler, pour ma part je reste silencieuse et je l'écoute. Je ris quand c'est nécessaire, à savoir pas tout le temps. Enfin, nous arrivons au métro du panorama, il insiste pour me déposer chez moi, j'insiste pour refuser. Dehors, il fait froid. Bonnet, écharpe, gant, j'ai la totale et pourtant je sens tout de même ce froid me passer au travers. Un à un au pas de course, je parcours les escaliers pour finalement arriver sur le quai. Le train se trouvant déjà à la station, je me faufile rapidement à l'intérieur de la rame. D'un coup d’œil, je repère une place sur laquelle je me trouve rapidement assise. Soudain, je ne sais pas vraiment pourquoi, je me retrouve à relever ma tête, à la recherche d'une ombre, d'une odeur, d'une présence que je ne connais que trop bien. Dajan. Comme si tu n'étais déjà pas au plus bas, il fallait que je tombe sur mon ex petit ami, que soit dit en passant j'avais du mal à oublier. C'est lui qui avait mis fin à cette relation à laquelle je m'attachais, lui qui m'a quitté, qui m'a tout simplement laissé tomber quand je ne m'y attendais pas. Pourquoi ? Je ne l'ai jamais su et je n'ai pas essayé de le savoir. Pour moi, il était parti et je tentais de l'oublier depuis. Je me rends compte subitement que mes yeux sont rivés sur lui, sans pour autant oser l'approcher. Je ne comprends pas trop pourquoi, mais il m'effraie légèrement et sa manière de me regarder me surprend d'autant plus. Enfermer dans notre bulle, on ne se rend même pas compte que les gens autour de nous sont ébahis par cette tension qui de l'extérieur peut-paraître évidente. L'arrêt suivant arrive enfin, mon arrêt, mais je ne descends pas. Au contraire, je reste et profite de la place qui libère à ses côtés pour m'installer. « Ça faisait longtemps... » Soufflais-je en retirant mes gants.