C'était vraiment la merde. Plus rien dans les placards, plus rien dans le frigo. Cela commençait à être préoccupant. Bien évidemment, Bradley attendait le dernier moment pour se préoccuper de ce genre de choses. Pas qu'il ne s'intéressait pas à la nourriture, bien au contraire, il adorait ça. Mais il faut avouer qu'en ce moment, il préférait manger en dehors de chez lui, et de préférence accompagné.
Pour ne pas changer, il faisait gris. Un gris triste qui ne vous donne qu'une seule envie : vous blottir devant un bon film ou une bonne série avec une bonne poignée de pop-corn. Ouais, mais .. Brad n'a pas de pop-corn, ni d'M&M's, ni de Malteser, ni rien à grignoter. L'heure était grave pour un gourmand comme lui. Il avait donc contacté d'urgence All' pour qu'elle l'accompagne dans cette si dure épreuve qu'est d'aller acheter des tonnes de sucreries. Elle était la seule personne avec qui il avait envie de partager ces courses. Allia était toujours partante pour toutes sortes de gamineries et de délires loufoques, ce qui provoquait chez Bradley des fous rires incontrôlables mais parfaits.
Il était 15h55, Brad avait 5 minutes d'avance ; il alluma une cigarette, s'appuya contre sa Citroen et regarda le parking du supermarché se remplir, puis se vider. Vivement qu'Allia arrive, le froid s'engouffrait dans sa veste en cuir. « Pourquoi j'ai encore oublié cette foutue écharpe ?! » Un bruit de klaxon énergique sorti Brad de ses pensées ..

Je n'étais pas insomniaque mais peut-être bien folle. J'avais appris que la vie appartenait à ceux qui se levaient tôt. C'était peut-être également la force de l'habitude. Parce que oui, quand on vit dans une ferme et que l'on doit s'occuper des ses quatre petits frères, on doit se lever très tôt. Le fait est qu'à six heures et demi, j'étais levée, tous les jours, avec ou sans réveil. C'était une sorte d'automatisme même si je détestais au plus haut point ce genre de pratique, là c'était insconcient et je ne pouvais rien y faire. Même en restant coucher jusque midi dans mon lit, je ne me rendormais pas alors autant ne pas perdre de temps ! Le temps, c'est de l'argent ! Ce matin, j'avais décidé de commencer par un déjeuner bien gourmand. J'attrapais les premières choses qui me tombèrent sous la main et les mis ensemble dans une poëlle. Ce qui donna : du chocolat blanc avec de oeufs et des morceaux de tomates pas très nets. Peu m'importe, j'avais un estomac d'acier et la tendance à trouver tout ce qui était bizarre, délicieux et incroyablement original. Au final, c'était excellent, comme prévu. Je pris ensuite une bonne douche en prenant le soin d'éteindre celle-ci pour me savonner. Toute économie est bonne à prendre et si en plus c'est bon pour l'environnement, ben tant mieux ! Ca me fait une excuse pour ne pas passer pour une radine finie. La panne d'électricité ne m'affectait pas du tout, j'aimais beaucoup vivre à la bougie, je trouvais ça drôle et surtout insolite, encore une manière de me différencier des autres même si dans le cas présent, ce n'était pas vraiment l'argument puisque tout le monde, ou presque était condamner au moyen-age. Cette perspective ne m'enchanta guère et je décidai qu'il serait peut-être nécessaire de m'acheter un groupe electrogène histoire de ne pas faire comme tout le monde. Quoi que, en y réfléchissant, la plupart des gens n'aimaient pas cette situation alors que je l'adorais. J'étais donc déjà dans la contradiction. Parfait ! Pas besoin de groupe électrogène ! Quand il fut temps d'aller travailler, je sortis habillé de rose fushia et de vert pomme. Avec mes bottes militaires, je n'eus pas vraiment froid seulement, j'avais peut-être oublié de mettre une petite écharpe. Pas grave, j'en acheterai une en route, de toute façon celle que j'avais à la maison ne me plaisait plus. Il faudrait que je songe à la donner d'ailleurs... J'entrai dans un magasin de vêtement au hasard et trouvai une écharpe multicolore. J'en achetai deux, j'ignore pourquoi puis continuai mon chemin avec l'une d'entre elle à mon coup. Au funérarium, je reçus un coup de fil de Bradley, je souris et décrochai, il m'invitai à faire les courses... Original, j'acceptai de suite et quittai le boulot sans prévenir. J'empruntai le corbillard de la morgue et me dirigeai vers le supermarché. Bradley était appuyé contre sa voiture et semblait rêveur, pour lui faire peur, je klaxonnai. Puis, je sortis de la voiture et lui sauta dans les bras. « Bonjour mon chou ! Alors, c'est quoi le programme ? »

Pas de temps de comprendre qui klaxonnait et pourquoi : Allia était déjà affalée dans ses bras. Brad sourit, elle le mettait toujours de bonne humeur avec son air enjoué systématique. Il remarqua une fois de plus sa tenue plus qu'originale et décalée de la jeune fille : des couleurs, encore et encore. C'était une des particularité d'Allia, elle vivait décalée, et il adorait ça. « Salut beauté ! » dit-il avec un faux air de lover. Il adorait jouer des airs qui ne ressemblaient pas à ses habitudes et à son comportement. Et c'était d'ailleurs ce petit détail qui rendait sa relation avec Allia plutôt unique : avec elle, il déconnait pour tout et rien.
« Le programme, c'est remplir notre futur caddie qui est juste là » en montrant du doigt la longue file de caddies se trouvant une dizaine de mètres plus loin. Jusque là, il avait dans l'idée de ne s'acheter uniquement des friandises et du chocolat. Mais plus le temps passait, plus son estomac grondait. Il fallait donc remettre en cause sa décision antérieure : acheter aussi des produits réellement nourrissants, qui tiennent au corps. Sinon, il n'allait pas survivre bien longtemps. Le problème étant que Bradley était assez difficile en terme de nourriture. Il chassa cette pensée de son esprit, préférant profiter de l'instant présent : il aurait le temps de penser à son frigo une fois à l'intérieur du supermarché. Il s'avança en direction de la file de caddie, Allia sur les talons.

« Salut beauté ! ». Je le regardai d'un drôle d'air, ce n'était pas dans ses habitude de se donner un genre dom juan. A vrai dire, il était plus proche du bad boys que de l'homme parfait mais honnêtement, ça ne me dérangeais pas, au contraire. Je préférais les types dans son style que les petits minets qui se regardent toutes les cinq minutes dans le miroir et qui gueulent comme des filles quand ils voient une araignée. J'esquissai un sourire, ses faux semblants me faisaient rire, ça le rendait sympathique ! J'aimais quand il faisait l'imbécile pour me faire rire, cela me faisait du bien. Les gens comme lui étaient des perles rares et il était l'une des seules personnes sur cette terre que je pouvais dire apprécier. Il pouvait s'estimer heureux d'ailleurs ! « Arrête ça, tu me fais peur ! ». Je ris. « Le programme, c'est remplir notre futur caddie qui est juste là ». Du moment que je pouvais manger les crasses avec lui et qu'il passait à la caisse, j'étais partante ! « Oula, tu me prends par les sentiments ! Qu'est ce qu'on fera de tout ça ensuite ? Une orgie ? ». J'en avais déjà l'eau à la bouche, rien que d'y penser. Faire des mélanges ça me connaissait et je sentais que ce soir j'allais m'endormir l'estomac lourd et les yeux exorbités d'avoir trop regarder la télévision. Pourtant, d'habitude, ce n'était pas tellement mon truc. Seulement, avec lui c'était différent. Je m'amusais bien, je riais de nos commentaires sur ces films souvent débiles. Oui, parce qu'il était rare qu'on ne tombe sur quelque chose de fabuleux ! J'entrepris de le suivre jusqu'au caddies quand je ne sais pourquoi, je me mis à courir histoire d'être là avant lui, je le poussai au passage en tirant la langue. Il me suivit mais j'avais pris de l'avance. Si bien que j'arrivai avant lui ! Ma première victoire de la journée ! Je lui souris juste pour le narguer et lui tirai une balle dans la tête de mon pistolet imaginaire j'ai nommé mon index. Puis je soufflai au dessus comme pour dire : trop facile.

Bradley admettait sa défaite sans broncher, il n'était donc pas mauvais perdant, contrairement à moi... D'un côté c'était bien même si j'avais une fâcheuse tendance à préférer les chiants. Attention, ce n'était pas pour autant qu'il ne pouvait pas l'être... Bien que, je l'avais toujours connu drôle et sympathique. Enfin, les choses peuvent changer mais en ce qui concernait Bradley, c'était différent. J'ignorais pourquoi. Peut-être parce qu'il était le seul mec avec qui j'avais couché et garder de bons contacts par la suite. Certes, il y avait toujours eu une certaine ambiguïté entre nous mais la partie de jambe en l'air n'avait eut lieu qu'une seule petite fois et seulement parce qu'on était légèrement bourré. N'empêche, recommencer ne m'aurait pas déplu ! A seule condition qu'il ne se mette pas à tomber amoureux ! Ou pire à vouloir quelque chose de stable. Très peu pour moi, j'avais horreur de ce genre de... chose ? Bref, il reçut un sms de sa mère que je lu par dessus son épaule. Ok, ce fut laborieux parce qu'il était plus grand que moi mais j'y parviens tout de même ! Pour Allia West, rien n'est impossible ! C'est comme Kim... « On dirait bien qu'on ne fera rien du tout ce soir... Ma mère veut passer manger. ». Et merde, quelle emmerdeuse ! J'avais envie de passer la soirée avec lui moi ! Une idée me traversa l'esprit, un peu farfelue certes mais qui ne tente rien, n'a rien. « Je peux venir ? ». Je le regardai avec mon air de chien battu en espérant que ça marche. J'étais capable de me farcir cette chiante sans broncher... Enfin peut-être. Nous entrâmes dans le supermarché et le changement de température fut radicale. Nous passâmes d'un air frais à une ambiance plutôt tiède, agréable. « Qu'est ce que je vais bien pouvoir cuisiner à ma mère bon sang ?! ». Tilt ! « Je peux même cuisiner si tu veux... Qu'aime-t-elle ? ». Cuisiner pour une famille de cinq enfants dont moi sans compter ma mère et mon père, ça n'a pas que des désavantages. A force, on attrape le tour de main ! J'étais capable de cuisiner des plats simple au goût simple. Oui parce que mes goûts à moi n'était pas ceux du commun des mortelles et qu'en général, ce genre de repas ne me faisait ni chaud ni froid alors que du poisson avec du chocolat, ça c'était mon trip ! Je fis rouler le caddie jusqu'à l'entrée même de la grande surface. Nous étions à présent devant les rayons.