« Mamaaaaaaaaaan au secours, Mina veut me noyer ! » Il était exactement 12H22, sur une plage de la côte Ouest des Etats Unis. Tess venait de hurler, si fort que jusqu’à Chicago, voire New York, on avait dû l’entendre. Sa sœur aînée, Mina, une petite blonde parfaite avait voulu la noyer. Les deux petites filles avaient toujours été en compétition. Leurs caractères opposés n’avaient jamais pu s’accorder. Mais l’eau était chaude, le soleil dorait leur peau, on entendait le chant des mouettes au loin. C’était le temps de l’enfance, des glaces à la fraise, du bonheur en somme. Avec les années, tout avait empiré. Bien sûr, elles s’étaient beaucoup chamaillées. Tess avait toujours eu une certaine rancœur avec sa sœur. Qu’elle eut été la première à naître, qu’elle soit si parfaite en toute circonstance, qu’elle ne pleure jamais, qu’elle ait d’excellentes notes à l’école. Oui, Tess était le vilain petit canard de la famille Bright. Ses parents lui avaient toujours prêté moins d’attention, bien qu’ils affirment le contraire, et ce, aujourd’hui encore. Elle avait de longs cheveux bruns toujours emmêlés, des notes plus que moyennes à l'école primaire, était d’une timidité maladive et éclatait en sanglots dès qu’on osait lui faire un reproche. Avec Mina, la compétition faisait rage. Mais la victoire était toujours attribuée à Miss Parfaite. Finalement, la journée s’était bien terminée, autour d’une limonade maison, sous le regard attendri de la mère des deux petites filles. La famille Bright ne roulait pas sur l’or. John, le père, était ouvrier dans le bâtiment. Andrea, la mère, était serveuse dans un restaurant. Leurs salaires étaient minces, mais grande leur affection pour leurs enfants. Quoiqu’ils en disent, ils avaient toujours privilégié la prétendue prodige de la famille, Mina.

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Le soleil était tombé sur Montsimpa. Dans sa maison ultra moderne et épurée, Tess avait ressorti un vieux carton, plein de photographies ternies par le temps. Sa sœur, Mina, toujours aussi blonde, était assise à ses côtés, sur le canapé blanc immaculé. La brunette prit une photo au hasard. On y voyait deux enfants, dans l’eau, des bouées autour d’elles. Elle tourna la photo, on pouvait y lire 'Carpinteria, Juillet 1995'. Elle regarda un instant sa sœur, et lui dit : « Tu avais voulu me noyer ! Ce que le temps passe vite, bordel. » Elle poussa un petit soupir. Elle sentait ses yeux s’embuer. Mina répliqua : « Oui…Mais certaines choses n’ont pas changé. Tu jures toujours autant. » Un petit sourire triste s’afficha sur les lèvres de Tess, qui surenchérit : « Je sais, je sais. Quand on est gosse, on n’a qu’une envie, c’est de grandir, de faire sa vie. Sauf qu’on ne sait pas toutes les emmerdes qu’on va avoir. Les impôts, un patron, un voisin libidineux, S Club 7 qui n’existe plus. Je crois que je ferai tout pour revenir à cette époque, tu sais. » Voyant bien que sa sœur était affectée, Mina lui dit :
« Attends, souviens toi à quel point on s’engueulait. Tu me trouvais parfaite. Naïve. Si tu savais toutes les conneries que je faisais. Et maintenant, regarde. Je suis une ratée. ». Tess la prit dans ses bras, et lui dit : « On est deux. »

Les relations entre les deux sœurs se sont nettement améliorées. Le temps est assassin. Mais il n’est jamais trop tard pour rattraper le temps perdu.

La vie amoureuse de Tess a frôlé celle de Bridget Jones, souvent atteint celle de Scarlett O'Hara et envié celle de Juliette Capulet. Elle se souvient particulièrement bien de son premier amour. Il s'appelait Ben et jouait au foot - ce qui impressionnait beaucoup l'enfant de 9 ans. Elle restait dans les gradins, à le regarder, avec des yeux de merlan frits. A la fin du match, elle venait déposer un petit baiser sur ses lèvres, toujours hésitant. Elle avait trop peur de mêler sa langue à la sienne. Ce soir là, ils rentraient chez eux, main dans la main. Ils étaient amoureux, mais d'un amour naïf, asexué, pur. « J’aimerais être heureuse pour toujours. » dit Tess, un grand sourire aux lèvres. Ben lui répondit alors : « On le sera. Moi j’dis qu’on pourra même se marier et habiter à Tahiti » Enjouée, Tess commença à sautiller sur place et répondit : « Oh oui ! Trop bien ! Je serai une vahiné, avec des fleurs dans les cheveux. Et j’élèverai des iguanes. Ca sera cool. » Évidemment, tous ces plans candides ne se réalisèrent jamais. Quand Tess repense à cet événement, elle se dit qu’elle a bien changé. Que son romantisme s’est en partie envolé. Elle ne fait plus de projet avec les hommes. Et cette fois-ci, elle ne s’intéresse plus aux sportifs idiots. Ses techniques de drague sont aussi vraiment...loufoques.

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Aujourd'hui, sa vie amoureuse se limite à l'espace de son lit. Ou contre un mur. Sur le parquet, c'est pas mal aussi. Bref, vous l'aurez compris, Tess se tape qui elle veut, et surtout, où elle veut. Elle n'a absolument pas honte de tant d'inconstance. Au contraire, elle se prend pour une femme libérée (non pitié, ne chantez pas la chanson!), qui ne se laisse pas contrôler par les hommes. Mais comme Scarlett O'Hara, elle se retrouve toujours avec ceux qui ne lui conviennent pas. Ce jour là, sa conquête ne faisait pas exception à la règle. Il était brun (un point), grand (deux points), français (un milliard de points). Voilà un peu près comment marchait le barème de Tess. Ensuite, il suffisait de laisser les corps parler. La brunette a toujours fui toute relation sérieuse. Elle a bien trop peur de se lasser, et de toute façon, elle a tellement d'amis qu'elle n'aurait pas de temps à consacrer à un homme. Quant à tomber amoureuse, ce n'est pas au programme. Bref, ce soir là, elle était assise, sagement, dans un taxi, avec l'inconnu au fort accent français à ses côtés. Elle avait pas mal bu, une chanson des Stones passait à la radio, il faisait entièrement nuit sur Montsimpa. C'était suffisant pour qu'il y ait un peu d'action dans les minutes à suivre. Alors, elle ne se fit pas prier, et retira sa culotte. Un peu étonné, l'inconnu la regarda, les yeux écarquillés. Ahurie par sa réaction, Tess dit : « Ben quoi, vous ne faites jamais ça, en France ? Ce que vous êtes coincés. Une petite baise dans une voiture, c’est tout à fait courant chez nous. Je dirais même que c’est un rite initiatique ». Elle commençait à raconter n’importe quoi. Finalement, elle baissa la vitre de la fenêtre, l’ouvrit en grand et elle balança sa culotte au vent. C’était la première fois qu’elle faisait cela. Aussitôt, elle entendit un cri au loin. Elle passa la tête hors de la voiture et vit un motard avec le bout de dentelle en plein visage, sur le bord de la route. PUTAIN DE MERDE. Il venait presque d'avoir un accident à cause de ses conneries. Tess demanda au chauffeur de s'arrêter. Elle sortit dans la précipitation du taxi, complètement paniquée. Sa libido était descendue sous terre, là. Elle se rua sur le motard et lui dit: « Je suis atrocement désolée Monsieur. Excusez moi. Ca va ? Vous voulez que j’appelle les urgences ? Raaaa mais quelle conne, quelle conne ! » Il eut un petit sourire amusé, se releva doucement, et lui dit : « Ma jolie, c’est bien la première fois qu’une femme m’envoie ça à la figure. Ce n'était pas déplaisant, à part que j'ai failli y passer. Enfin...je peux la garder ? » Tess hocha la tête, s'assura qu'il n'avait pas de blessures puis remonta dans le taxi, morte de honte. Viedemerde.tess.com.

Tess a vite quitté la maison familiale, à l'âge de 18 ans. Elle avait obtenu une bourse, dans une grande université, la Cornell University, dans l'Etat de New York. Elle y a étudié l'architecture. Tess était une élève brillante. Ses talents en matière d'études furent révélés au lycée, où elle excellait dans tous les domaines.
C'était surtout une scientifique pure et dure, qui s'amusait à résoudre des équations hyper complexes pour s'occuper - ce qu'elle fait toujours. La famille n'avait pas assez d'argent pour lui payer de grandes études. Elle avait donc dû se battre, être la meilleure, pour obtenir une bourse. Quand elle entra dans son école d'architecture, elle se sentit très fière. Ses parents ne se rendaient pas vraiment compte de l'exploit qu'elle venait de réaliser. Jusqu'à ce qu'elle finisse ses études. Ce jour là, on allait lui remettre son diplôme. Tess était montée sur l'estrade, où le proviseur lui donna ce papier, ce laisser-passer qui lui permettrait de trouver un boulot, elle voulait ce diplôme depuis si longtemps. Un sourire radieux aux lèvres, elle ne put s'empêcher de prendre le proviseur dans ses bras. Étonné, il se recula très vite, fit une grimace. Cela dit, il connaissait les manières peu orthodoxes de l'étudiante, qui était réputée dans toute l'université pour sa folie et son manque d'éducation. Des rires retentirent dans la foule. Pas de la moquerie, mais une certaine affection pour la jeune diplômée. Tess fit un petit salut à la foule en délire (allez, laissez la rêver !) puis alla retrouver ses parents. Ils avaient les larmes aux yeux. Son père lui dit quelques mots, si simples et qui pourtant la touchèrent droit au cœur : « Je suis fier de toi, Tess ». Cette phrase l’acheva. Tess fondit en larmes, et serra fort ses parents dans ses bras. Puis, elle vit, derrière eux, Mina, qui se faisait toute discrète, mais qui était elle aussi touchée par la réussite de sa sœur. Elle s’avança et dit, la voix tremblante : « J’ai un cadeau pour toi. J’espère que ça va te plaire. » Tess avait peur. En général, sa sœur lui faisait des cadeaux pour déconner : elle avait déjà eu droit à un vibromasseur, un oreiller boyfriend, un plumeau. Cette fois-ci, elle s’attendait au pire. Mina partit quelques minutes chercher le cadeau en question. Elle revint avec un Jack Russel terrier, tout jeune encore, avec un petit collier noir autour du cou. Tess se rua sur le petit chien, le prit dans ses bras, et dit à sa sœur : « T’es la meilleure ! Il est trop mignon ! » Elle serra le chiot contre elle. Tess ne se doutait pas, à cet instant, qu’il allait devenir le témoin de sa vie hautement rocambolesque.

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La vie d’adulte commençait. Tess avait emménagé dans une maison, à Montsimpa. Bien sûr, elle était bien trop grande pour elle. Mais il était important qu’elle habite là. C’était un peu sa « vitrine » en tant qu’architecte. Elle pouvait ainsi montrer à ses futurs clients le style de maison qu’elle pouvait leur concocter. Son intérieur est ultra moderne, épuré, assez zen. Tess avait besoin de cela. Elle était toujours autant surexcitée. D’ailleurs, petite, on l’avait diagnostiquée hyperactive. Pour calmer ce tempérament survolté, elle faisait du yoga, passait ses journées dans son jardin à se prélasser et à faire des plans de maison, écoutait les pink floyd. La journée, Tess est une fille un peu près normale. Elle travaille, carbure au café, va parler avec ses voisins et voisines, joue avec son chien Marley. Rien de bien palpitant. Mais une fois la nuit tombée, elle redevient une adolescente survoltée. Elle fait un nombre incroyable de connerie : elle a déjà volé une voiture (oui oui!), dansé sur un bar devant un public enflammé, joué à cache cache dans le cimetière. Tess profite de la vie. Elle se fait énormément d'amis. Depuis toujours, elle a besoin d'être aimée, d'affection, tant elle a été délaissée quand elle était petite. Aujourd'hui, elle vit au jour le jour, profite de sa jeunesse et tente de réussir sa vie professionnelle. Quant à ses amours, ils sont rocambolesques. Tess ne s'attache pas pour le moment. Mais elle devrait prendre garde à certaines de ses fréquentations...Heureusement, il y en a un qui est toujours fidèle et pas chiant pour un sous. C'est Marley.