Cela faisait déjà quelques semaines que je n'avais pas mis les pieds à Montsimpa. Je n'étais certes pas partie de mon plein gré, mais cela ne signifiait pas pour autant que je ne pouvais plus revenir de temps en temps à cette ville si proche de Bridgeport. Ce n'était pas évident d'être loin de mes vieilles connaissances, mais je m'y était fait assez vite. Car maintenant que je faisais partie de l'espèce vampirique, les choses étaient plus compliquées que jamais. D'ailleurs je croyais avoir traversé le pire dès ma transformation et la torture de Sixtine, mais j'étais loin de m'imaginer qu'il existait plus pire quelque part. D'autant plus que j'avais fait ce choix sans savoir que j'allais devenir un vampire. Je n'avais pas clairement exprimé mon véritable choix. Bref, en cette soirée je me promenais dans les rues de Montsimpa. J'étais d'humeur à planter mes crocs dans le cou d'une quelconque personne. Après avoir sauver une humaine il y a quelques jours, c'était fini je n'avais plus aucune pitié pour les humains. Qu'ils meurent tous autant qu'ils sont, à moi de prendre le relais de ma vraie nature. Et tant pis si je recommençais à vider l'intégralité du sang d'un humain. Tout ce qu'il fallait c'était éviter Sixtine le mieux que je pouvais. Arrachée par mes pensées par des pleurs, je revins peu à peu sur terre, le regard perdu. Ne bougeant pas pour causer davantage de bruit, je me contentais d'esquisser un sourire avant de passer une main dans ma chevelure blonde. J'utilisais mon hyper-vitesse et tombais nez-à-nez avec une humaine qui versait toutes les larmes de son corps. Une bonne frousse, et le dîner était servi.

Je regardais cette fille brune, cette fille dont je pouvais distinguer ses yeux et sa coiffure avachie, comme son humeur. Sous ses mèches folles, je pouvais apercevoir deux yeux brillants, mais rien de plus car la silhouette de cette jeune femme voltigeait d'avant en arrière ; étant sur une balançoire. Elle se balançait si vite que j'aurais pu jurer l'avoir vue pleurer. Pourtant, c'était le cas. Pas des grosses larmes de crocodile, non, mais ses yeux étaient si embués qu'elle devait avoir vécu quelque chose qui la terrifiait. Ça faisait longtemps - combien de temps au juste ? - que je n'avais pas versé de larmes. Et je comptais bien perdurer dans cette tradition. J'étais une femme forte, pas une de ces geignardes qui déblatéraient les malheurs de leur vie à qui veut l'entendre... A cet instant, une bourrasque acheva de défaire ma coiffure. Le vent frais continuait de jouer avec ma chevelure d'or mais je n'y prêtais pas attention, trop attentive en observant la brunette. Je jetais un regard aux étoiles et, soudain, elle me demanda si je voulais sa photo. J'esquissais un sourire, tandis que mes yeux s'écarquillaient devant la beauté du ciel nocturne. « C'est beau l'obscurité n'est-ce pas ? » disais-je en me créant mon propre plan d'attaque, dont moi seule connaissait les règles. « Tu sais, il paraîtrait que c'est dangereux de rester seule à une heure tardive à Bridgeport. » disais-je en m'approchant d'elle. Je faisais glisser mes doigts le long des chaînes que retenaient savamment la balançoire, et me penchais légèrement en avant pour découvrir son visage. Si elle venait ici pour se réfugier, elle était mal tombée la petite. « Oh quelle malpolie, je ne me suis pas présentée. Je suis Sansa et toi tu es ? » disais-je en lui tendant ma main. Ça y est je sortais enfin le grand jeu, en faisant en sorte à ce que cette soirée lui reste mémorable.

J'étais là où il le fallait, en compagnie de la pire des peines pour cette jeune femme, qui ne semblait pas aller bien. Non pas que je me concoctais un plan pour pouvoir boire son sang, mais j'avais d'autres choses en tête. Si je voulais m'abreuver d'elle, je l'aurais fait depuis longtemps ce qui était logique. Judas, s'appellait-elle. Cette dernière m'accordait sa poignée de main et sans plus attendre frissonnait à mon contact. Aussitôt elle me demandait si j'étais malade et qu'elle était un médecin. Intéressant. J'éclatais de rire en caressant mes cheveux puis je me calmais en affichant un sourire narquois. « Non je suis en pleine forme figure-toi, Judas. Médecin tu dis ? Tout ce sang ne t'affole pas parfois ? » disais-je amusée. J'en venais subitement au sang pour pouvoir avancer ma stratégie. Je lui réservais quelque chose que je ne faisais pas souvent, mais également je voulais savoir si elle était tant dépressive de la vie pour en avoir le coeur net. « Judas je sais que quelque chose ne va pas. Tu trouves en tête-à-tête avec tes doutes, tes craintes et tes remords, avec pour seul arbitre la clarté candide des étoiles. J'ai raison, n'est-ce pas ? » Si elle jugeait mes propos exacts, alors je n'avais plus qu'à lui donner une vie meilleure. Et je pouvais enfin savoir quel effet ça faisait d'avoir une progéniture. Mais je savais que « manipulatrice » et « intransigeante » pouvaient être ces nouveaux traits de caractères qui feraient - une fois en vampire - partie de ses gènes. Tout comme moi. En quelque sorte je me projetais déjà dans l'avenir pour savoir à qui j'avais à faire. Je passais mon bras autour de ses épaules voûtées, puis le cou - cette zone dont je planterai d'abord mes crocs. Par envie soudaine, j'avais changer d'avis. Son sang à travers sa peau m'interpellait de seconde en seconde, je n'en pouvais plus. Avec ma force physique je la tirais des balançoires et la plaquais violemment par terre. « Dis-moi si tu souffres Judas, il suffit de répéter ces mots magiques pour que je t'offre une vie bien meilleure... » disais-je en sentant ses pulsations. Néanmoins avant que je ne fasse d'elle d'un vampire, il fallait tout d'abord que je m'abreuve. Je restais un moment immobile, puis avec vélocité je plantais férocement mes crocs dans son cou.