Elle tremble un peu sous les feuilles de peupliers, elle tremble un peu assise sur ce banc tableau indolent de jeune danseuse souveraine elle observe les passants, les groupes, les habitants, les enfants de son miroir cassé Belle des embrumés. Elle tremble un peu par ce froid mordant, traversant ses monts de ravages, voix glaciale ployant sous les branches lourdes de mémoires aquatiques, de voiles noirs flottant dans ce vide gigantesque, ses mains enveloppées de tissus vermeils serrent placebo figé un stylo et les feuilles embrumées s’envolent dans ce lointain rêvé. Elle glisse, elle marche sur les braises rugissantes la petite brebis obéissante, rougissante par des regards levés, scrutateurs de marchands, de femmes et de guenilles dépareillés. Lullaby la berceuse étreinte dans son sommeil d’amour par la mère envolée, blessée, dissimulée, elle se terre souhaitant trouver un peu de paix dans les méandres de ses souvenirs brisés. Incompréhension, mémoires récalcitrantes, de mauvais rêves toute suintant d’une renaissance terrible de bruit de cœur souffreteux, elle se lève tous les matins, toutes ces aubes divines où l’éclat de la lune mordorée encore, soulève des jupons humains, révèle la beauté fragmentesque de quelques âmes déchues, perdues, errants entre les ruelles nauséabondes. Elle aime les histoires fabuleuses, de magie, de cap, de sortilèges, de fins heureuses ô petite féconde, jouvencelle dépossédée par le malin, ce guépard prédateur touchant, mordant, flatteur, violent, sa chair meurtrie, objet des plaisirs de certains. Trempées ses joues, son menton où flottant des rosées vespérales elle s’observe dans sa glace de lisse solitude, tourne la tête d’effroi d’entrapercevoir son frère aimé, la honte ignoble de son corps sans lendemain, sans avenir. Elle s’enfuie, ses pas résonnant sur le parquet usé par les talons incessant des invités, des propriétaires du manoir féroce, se couche dans son lit fleuri de rose et de jonquille. Elle pense alors les week-ends, les temples d’oisiveté elle essaie de composer quelques chants, quelques mémoires, quelques contes sur des piles de cahiers jaunis, bruissant, fragile, des soies vertueuses où elle appose tendrement, distraitement, des paillettes soufflantes, immortelles. De confiance elle n’obtient que cette tête continûment baissée par les hommes, les adultes, respects absolu de l’autorité factice, illusion démembré mais d’épouvante qu’on la touche, qu’on la frappe petit animal endoloris par les sévices grandioses de son passé absous, d’un héritage trompé par la famille russe, puissante, fière, illégale de véridiques pillages. La cloche sonne, le bus vient, son sac au travers du désert jeté sur ses frêles épaules de roseau bleuté, elle salut sa tante d’un baiser frivole sur sa joue piquante. Au loin elle traverse les montagnes, les rangs des camarades moqueurs, toute petite, minuscule elle s’assoit entre son sac des mèches fines de cheveux auburn.