Il fait chaud. Merde, j’ai l’impression que je vais crever sur place, sans déconner. Ça fait trois fois que je m’asperge d’eau froide, mais rien à faire, je fonds littéralement. Quelle idée de garder le pc allumé toute la journée aussi, tout ça pour voir évoluer ces foutus sims qui n’en font qu’à leur tête. Ces p’tits cons sans avenir qui font chier du matin au soir – pour peu qu’ils réussissent à avoir un rythme de vie à peu près ‘normal’. Ceci étant, ils m’ont rappelé l’existence d’un super endroit, un lieu magnifique et absolument génial, puis parfaitement en accord avec mon humeur du moment : ouais, je remercie mes sims de m’avoir fait penser… A la plage. Un peu plus et j’me ferais pitié.

Je soupire en voyant le monde. Merde, on dirait qu’on a tous eux la même idée – y’a tant d’monde que ça à jouer aux sims ? Non, je sais, ils sont pas tous aussi timbrés que moi, leurs sims ne leurs indiquent pas ce qu’ils doivent faire… Je soupire en cherchant une place plus ou moins éloignée des autres ; j’aime pas ça, être entassé, et surtout, cette impression d’être perdu au beau milieu de la foule, c’est super gênant, même pour moi, j’vous jure.
Me semble que j’ai trouvé un petit coin tranquille, y’a un peu de monde mais ils sont pas si nombreux que les moutons entassés de l’autre côté du rocher que je viens de passer. Je souris, j’sais même pas pourquoi, ça me fait plaisir en fait. J’suis là, sur le sable et… Bordel, il fait toujours aussi chaud. Non en fait, ici c’est pire qu’à la maison, parce que là-bas j’étais pas directement en contact avec monsieur le grand soleil. Bon, tant pis ; je retire un à un mes vêtements, ne gardant sur moi qu’un magnifique petit slip moulant. Je l’adore celui-là, non sérieux, il a la super classe, j’trouve qu’il déchire. J’me rassois sur ma petite serviette, tranquillement, avant de remarquer que… Merde, il fait quoi lui ? Ses yeux dansent encore vers moi, ça m’énerve, depuis que j’suis arrivé, il me matte ouvertement ! Encore, il le ferait discrètement, mais là… Je profite d’un bref moment où il baisse les yeux pour m’approcher de lui et limite lui sauter dessus. Verbalement parlant, évidemment. Gardons le reste pour plus tard. « Faites pas l’innocent. J’vous vois me mater ouvertement depuis tout à l’heure, et c’est super désagréable. J’sais pas, vous pourriez au moins être discret quoi, j’suis sur que vous n’avez même pas remarqué que moi j’le fais depuis presque aussi longtemps que vous… ! » La subtilité dans la peau. Amen.

Il me fixe, mais croyez-moi j’en fais tout autant. Le regard planté dans le sien, j’attends ses explications, qui ne tardent pas à venir et qui sont, pour le moins… Bah, ma foi, assez bancales en fait. Genre, il prétend ne pas savoir de quoi je parle, alors même que j’ai tout expliqué dans ma phrase : il me matte, il se fait coincer, il assume, bordel ! J’esquisse un léger sourire en coin alors qu’il prononce le mot « gêné ». Moi, gêné ? Ahah, on aura tout vu, vraiment. D’accord, je suis conscient que certaines personnes peuvent être un minimum dérangé par le regard des autres, mais sérieux, c’est absolument pas mon cas. Je hausse un sourcil alors qu’il prend les filles pour excuse, et me retourne peu discrètement pour observer… Plusieurs jeunes filles qui, effectivement, sont bel et bien là. Je soupire, j’ai l’impression d’avoir été discret mais ce n’est absolument pas le cas. Ouais, bon, ça va ! J’avoue, il m’arrive d’avoir tendance à oublier que TOUS les mecs ne sont pas nécessairement attirés par d’autres mecs. Allez Kenny, ressaisis-toi, c’est pas si grave. Au pire, tu deviendras son pote gay qui le conseillera quand il devra aller draguer une nana.

Le silence s’installe doucement alors que je cherche quel comportement adopter. Disons qu’il n’est peut-être pas habitué aux mecs de mon genre, surtout s’il est un hétéro perdu dans un monde d’hétéro. Ouais, bah, tant pis, j’veux bien le faire entrer dans mon monde, moi. « Et donc, à quoi tu pensais pour être perdu si loin ? » J’lui souris doucement, genre ça me regarde quoi. Je comprendrais qu’il se braque, même si, entre nous, ce serait dommage. Parfois, c’est mieux de s’adresser à des inconnus, c’est plus simple... Une, deux, trois secondes, ouais, c’est le temps qu’il me faut pour réaliser que j’suis allé un peu trop loin. Alors, j’m’assois à côté de lui, comme s’il m’avait invité – à l’exception près qu’il ne l’a pas fait… Je fixe les demoiselles et lance d’un air amusé. « A elle peut-être ? Celle avec le bikini jaune… J’avoue qu’elle est pas mal. Bon, c’est pas du tout mon style mais… Pour un mec comme toi, j’imagine qu’elle est vraiment pas mal. » Je souris et me tourne dans sa direction, j’ai presque envie de lui faire un clin d’œil. J’ai presque l’impression d’en faire trop, aussi.

C’est drôle, parce que, si je pouvais lire dans ses pensés, j’aurais peu de mal à m’apercevoir que je suis à des kilomètres de la réalité. Il m’a ouvertement avoué être en train de mater des filles, précisément celles qui sont là-bas, donc, comment je fais pour savoir qu’il les regardait juste ‘comme ça’ et qu’il était pas en train de les mater tout en se léchant les babines ? Non, sérieux, allez quoi, j’ai aucun moyen d’savoir la vérité. Alors, je commence à faire des suppositions, ouvertement évidemment. Pourquoi se cacher, hein ? J’suis tellement persuadé qu’il est hétéro, que j’me fais presque plaisir à l’énoncer fièrement.
Mon regard se perd alors sur les demoiselles face à nous, et je les matte à mon tour. Bah, pourquoi pas, hein ? Si c’est presque affiché sur ma face que je suis le genre de mec qui tient la main à un autre gars dans la rue, ça m’empêche pas de passer quelques soirées, et optionnellement quelques nuits avec des filles, aussi. Bah, à quoi bon se limiter, hein ? Aucun intérêt, sans déconner. Fille, garçon, tant qu’y’a du plaisir, je prends.
Mais, c’est marrant parce que celle-là – et là j’parle de celle que ce vilain pervers à côté de moi était en train de mater, donc en l’occurrence, celle au bikini jaune – elle est vraiment pas du tout mon genre. Blonde déjà. Enfin j’ai rien contre les blondes hein, mais les blondes au bikini jaune, j’sais pas, c’est un peu trop pour moi. J’aime bien le jaune, mais faudrait pas faire une overdose non plus. J’vous l’accorde, mon raisonnement est complètement débile. Et j’vous emmerde. De toute façon, je préfère les BLONDS.C’est E à la fin. Et les bruns, et là je m’en fous du E final.

C’est mon nouveau pote – ou pas en fait, ça ça dépend que de lui – qui vient me sortir hors de mes songes et qui, avec un sourire curieux, me demande quel genre de gars il est. Elle est marrante cette question, franchement. Mais comme je suis du genre à pas hésiter à parler, j’lui réponds sérieusement, sans quitter la blonde des yeux. « Bah, le genre de mec qui matte ouvertement les blondes sur la plage, quoi. » Je tourne alors la tête vers le jeune homme et lui sourit, presque amusé par ma propre réplique, et surtout, à des kilomètres d’imaginer qu’il n’est absolument pas ce genre de mecs. Et puis, va savoir pourquoi, je continue. « Bon, j’irai pas jusque là hein, mais je pourrais même ajouter que tu dois être le genre de gars qui ramène ce genre de fille dans son lit tous les soirs. En tout bien tout honneur, évidemment ! » Je lui souris, pour lui montrer que bah, je ne condamne pas ce genre d’attitude. De toute façon, j’fais la même chose, alors. Je réalise pas, mais franchement, j’suis tellement bavard que des fois, j’suis un vrai Seth Cohen.

J’ai jamais été bon pour juger les gens. Mais, en même temps, j’ai jamais été mauvais non plus… Oui, je sais, c’est assez contradictoire. Disons simplement que, bah, j’attends généralement de connaitre une personne avant de me faire une opinion d’elle et, dans les rares cas où ça se passe différemment, j’essaie de ne pas trop faire attention à mes premières impressions, histoire de n’pas passer à côté de quelque chose, ou plutôt de quelqu’un. En fait, j’crois que j’suis un mec assez ouvert – facile à dire, surtout pour moi, j’vous l’accorde. Et pourtant, allez savoir pourquoi, là j’viens carrément de mettre mes premières impressions en avant : il matte une fille bien foutue = il est hétéro. Non, pire en fait : il matte ouvertement une blondasse en bikini = plus hétéro que lui, tu crèves.
J’hausse légèrement les sourcils alors qu’il m’avoue que cette fameuse blonde n’est pas vraiment – ou du tout, apparemment – son style. D’accord, bon, ça fait rien, j’me suis planté, peut-être qu’il était finalement pas en train de la mater. Ouais, peut-être que c’était sa copine, à côté, qu’il matait. Mais apparemment, non, c’est pas ça non plus.

Je sens son regard scruter mon visage et, comme pour le titiller un peu, le mien ne quitte pas le corps de la demoiselle qui, mine de rien, est plus ou moins la raison de cette discussion. Ça veut rien dire « elle est pas du tout mon style ». Enfin, rien de plus que : j’suis pas vraiment blondes en fait, tu vas peut-être me trouver bizarre hein, mais j’adore les brunes mignonnes et les rousses sensuelles. J’sais pas mais, enfin, moi c’est comme ça que j’l’ai compris. Pourtant, il n’m’en faut pas plus pour réaliser que, bordel, j’me suis planté en beauté. Quoi que, non, allez, on s’fait pas de faux espoir, ça sert à rien. Après tout, il vient seulement de dire qu’elle n’était pas son genre, avant d’ajouter que j’étais, mignon… ? Merde, si, ça veut tout dire ça, non ? J’aime pas être indécis comme ça, et, en même temps, j’dois bien avouer que cette part de mystère m’amuse assez. Je me mordille doucement la lèvre inférieure, à la recherche d’une réponse potable, avant de me retourner doucement, de plonger mes yeux dans les siens, et de déclarer, calmement. « Bien… Dans ce cas-là, j’me tais et je te laisse corriger toutes mes erreurs… » Je souris doucement, amusé par la situation. Allez, il va bien relever le défi, non ?!

J’avais pas remarqué. Non, je vous jure, j’avais pas vu qu’il semblait si, joueur. Disons que, je me suis plus ou moins incrusté, j’ai même carrément imposé ma présence, je me suis installé à ses côtés sans lui poser la moindre question, alors bon pour le coup, j’avoue que je pouvais pas trop voir qu’il était si joueur. Et pourtant, force est de constater que je me suis planté, et carrément en beauté, pour le coup ! Il n’est absolument pas difficile de s’apercevoir qu’il me fait tourner en bourrique, et j’peux le voir, en fait, j’le vois même précisément au moment où il m’explique un peu qui il est. J’ai dit un peu ? Ouais ouais, juste un peu hein : il semble prendre son pied là, genre ça lui procure un malin plaisir de tourner autour du pot comme ça. Alors je l’observe silencieusement, attendant ce petit détail qui m’indiquera le déroulement des choses, si j’ai le droit ou pas, si j’peux me lancer ou si je dois aller faire un tour vers ce blond qui, là-bas, vient de s’installer… En fait, bordel, j’attends juste qu’il me parle de sa putain d’orientation sexuelle… !
Mais non. Y’a pas moyen, il enchaine les phrases et j’ai l’impression que ça sortira jamais. J’ai aussi l’impression de trop en avoir fait et, surtout, de trop en faire. En fait, j’crois bien que j’me suis planté sur toute la ligne. Merde, putain, mais j’ai merdé en fait ! C’est absolument pas dans mes habitudes de me dire que c’est mort donc, je rends pas les armes mais, j’vais essayer d’être un peu moins... Un peu moins moi, en fait. Je vais pas interpréter le moindre de ses mots, puisqu’il a l’air d’avoir un véritable don pour embrouiller les gens !

J’me contente alors de sourire, un peu niaisement j’avoue, à son avant dernière phrase. Je vais donc pouvoir le découvrir, avec le temps ? Non mais allez, j’ai dit que j’interprétais pas mal ses phrases, celle là n’veut pas dire « je suis gay ». Allez Ken, respire, tu vas t’en sortir. Je repose alors mes yeux sur les deux filles qui, étrangement, ne m’intéressent absolument plus du tout – déjà qu’elles ne m’intéressaient pas, mais alors là…
« Chuck comme… » Je tourne la tête vers lui, les yeux brillants, une drôle d’idée en tête, mais je me ravise bien vite. Et je souris, le plus humblement du monde, lorsqu’il me tend sa main, que j’n’hésite pas une seconde à serrer. « Nan laisse tomber. Moi c’est Ken. » Les présentations sont faites, on peut passer aux choses sérieuses, nan ? Parce que, mine de rien, y’a une question qui me brûle les lèvres là et, franchement, au risque de me prendre le plus beau râteau de ma vie, je décide de tenter quand même ma chance. « Alors, tu dis que tu détestes mater ouvertement, j’imagine donc que tu détestes te faire mater ouvertement… » Ouais, comme quoi, il est pas le seul à pouvoir tourner autour du pot, hein. sauf que, je résiste bien moins longtemps que lui. « Mais il me semble que tu m’as avoué n’pas m’avoir remarqué que mes yeux se baladaient sur toi donc… J’ai encore toutes mes chances ? »

Il se fout d’moi. Franchement, il est clairement en train de se foutre de ma gueule, et c’est même pas drôle. Bon d’accord, si, un peu quand même, mais bon, en attendant, on se marre bien mais moi je sais toujours pas s’il est gay, ou pas du tout. Enfin bon, peut-être qu’il est bi, j’connais pleins de gens qui font pas de distinctions de sexe, je trouve ça tout à fait correct et… Ouais, okay, j’avoue, je suis carrément bi, et ce depuis presque toujours. Mais, moi franchement j’ai jamais compris comment un bi peut se déclarer plus d’un bord que d’un autre, genre quand t’es bi ça veut dire que t’es autant à l’aise avec un mec qu’avec une nana quoi. En fait, j’suis limite même pas bi, je dois être plus je-m’en-foutiste qu’autre chose moi.
Bref, enfin en attendant je l’observe exploser de rire, dans le silence le plus complet, et un sourcil hausé, j’avoue. Franchement, j’crois que si j’avais pas été si Ken, eh bah il m’aurait vexé. Parce que genre ça se fait pas : je suis ouvertement en train d’le draguer, pendant que lui, il se fout ouvertement de ma gueule. M’enfin, j’suis pas à ça près quoi : j’ai déjà honte de c’que je fais, depuis tout à l’heure, donc on n’est pas à deux éclats de rire près, c’est clair. Son « j’en sais rien » me glace le sang, genre en fait soit il s’en branle complètement, soit il est super sceptique. Quoi, j’suis pas un mec assez normal pour lui, c’est ça ? Ceci étant, il peut aussi se payer ma tête et, donc, sa réponse est clairement faite pour me faire tourner en bourrique ; possibilité que je n’exclue pas. Ça me laisse encore un petit espoir, dirons-nous. Mais de toute façon, tant qu’il l’a pas clairement dit, je lâche pas l’affaire : j’ai peut-être plus « qu’un peu » de chances, oui…
En fait, c’est super stressant de pas savoir. Parce que là je sens que ça bouillonne dans ma tête : je lui plais, je lui plais pas ? Il est gay, il l’est pas ? Il se fout de moi, je suis juste une distraction passagère ? Fuck, j’en sais rien. Là pour le coup, j’ai un peu envie de me lever et de retourner vers ma serviette. Ou, limite, d’aller draguer les deux nanas là-bas, juste pour voir quel effet ça lui fait. Quoi que, vu mes compétences en matière de drague, je fais bien de rester ici. Finalement, le plus naturellement du monde, je m’allonge à ses côtés et observe le ciel brillant. « Tu sais ça veut rien dire un peu. Genre, j’ai encore un peu toutes mes chances. Y’a pas moyen, non seulement si c’était vraiment le cas tu m’l’aurais fait savoir, mais en plus, cette phrase n’est absolument pas française. Et sur ce, j’me casserais bien mais j’suis trop confortablement installé pour le faire. » Oh, ça va, hein. J’vous interdis de juger mon attitude, relativement mature et intelligente.

L’espace de quelques secondes, j’me demande ce qui a bien pu me passer par la tête. Non mais sérieusement, qu’est-ce que je fous ici moi, au juste ? J’en n’ai plus aucune idée là, franchement. Et, en même temps, ces pensés sont totalement contradictoires, puisque je sais pertinemment que jamais j’aurais pu faire autrement. Vous savez, y’a ce genre de personne qui reste en retrait et qui n’ose pas prendre les choses en main, de peur de se prendre un vent ou je n’sais quoi – ces gens ont toujours un tas d’excuses bidons auxquelles je n’aurais personnellement jamais pu songer, m’enfin. Ouais, bah moi, je suis l’opposé parfait de ces gens : j’hésite jamais, disons que je réfléchis à peine et que j’agis surtout en fonction de mes envies, qui deviennent du même coup des besoins. Genre, en théorie, une personne normale n’a pas besoin d’aller draguer un mec canon sur une plage. Moi si. Ça va hein, j’ai jamais dit que j’étais normal non plus.
Sauf que, voilà, en général, ça s’passe mieux, quand même. Là, plus les secondes défilent et plus je m’aperçois que j’ai à faire à un petit coquin qui tourne subtilement autour du pot ; un vrai supplice. C’est totalement impossible de savoir si oui ou non, il se fout complètement de ma gueule. J’aimerais bien lui poser la question, mais j’ai peur que ce soit encore pire, en fait. Parce qu’il sous-entend des choses étranges, sans pour autant se laisser avoir par ses propres mots. Ce mec est tordu, ma parole.

Bref, alors que j’évoque l’idée de me barrer, il me surprend encore et je n’peux m’empêcher de me relever légèrement, laissant mon regard divaguer sur ce corps qu’il dénude petit à petit. Ouais, d’accord, là effectivement, je le matte. Mais, eh, personne peut rien dire, il est totalement conscient que mes yeux se baladent sur lui, je l’ai affirmé presque fièrement alors qu’il n’aille pas me l’reprocher ! J’observe alors une dernière fois son corps puis, faisant mine d’être totalement désintéressé, je me rallonge sur sa serviette. « Mais je croyais que t’aimais pas qu’on te matte… Je l’ai dit d’un ton très joueur, comme si je réalisais pas encore sur quelle pente glissante je venais de m’engager. Là pour le coup, il a le choix de m’envoyer bouler sévèrement, ou bien de rester maitre de ce jeu qu’il contrôle si bien. Par contre, j’ouvre de grands yeux à sa question et je me relève légèrement, et, balayant la plage des yeux je désigne du bout du doigt quelques personnes. « Lui, il me regardait avec insistance tout à l’heure. Lui, là-bas, il m’observe depuis que j’suis arrivé là et l’autre là-bas il me dit quelque chose, et du coup comme j’arrête pas d’le regarder il en fait de même. Puis y’a aussi celui-là, il me matte depuis qu’on est ensemble, donc j’sais pas trop si c’est toi qui l’intéresse, ou moi, ou carrément nous deux… » Je hausse les épaules, intérieurement très fier de mon p’tit numéro bidon. Je fixe alors une femme, au loin, avant de terminer. « Quant à elle, je réglerai ce léger souci plus tard, pour l’instant je sais pas trop comment lui dire qu’elle est absolument pas mon genre. Comment tu fais, toi ? »

Ouais, d’accord, je le matte, mais et alors ? Il l’a bien vu de toute façon : je suis pas là pour parler de la couleur de l’eau ou du soleil qui brille au-dessus de nos têtes, hein. je suis clairement là pour lui, là pour, bah, en fait, c’est con mais ouais, c’est ça : j’suis venu l’aborder dans l’espoir de l’attirer vers moi. D’habitude, ça marche, hein. oh, ça va, me regardez pas comme ça, avec vos gros yeux étonnés genre « mais ouuuais, c’est ça ! ». J’le jure. D’habitude, ça fonctionne parfaitement bien.
Mais lui, lui il est pas comme les autres. Disons que, en général, y’a deux types d’attitudes : y’a ceux qui refusent du premier coup, genre, qui me virent dès que j’ai osé les approcher d’un peu trop près. Ceux-là c’est mes préférés, ils sont drôles, enfin, pas ceux qui sont agressifs et tout, non, ceux qui font semblant – et donc, qui se font croire à eux-mêmes – qu’ils n’ont aucune envie de se faire aborder comme ça mais qui, bien vite, change d’avis. Et puis, y’a simplement ceux qui sont ouverts et qui démarrent une conversation très rapidement, et avec qui le courant passe… ou pas. Mais bon, après, c’qui se passe sous la couette on en parlera plus tard, si vous voulez bien. Toujours est-il que, en gros : y’a ceux qui sont open, et ceux qui le sont pas. Puis ceux qui font semblant de pas l’être alors qu’ils le sont complètement.
Sauf que lui, je sais genre pas du tout où le foutre. Parce que depuis tout à l’heure il ne fait qu’insinuer, genre il tourne habilement autour du pot. Pas que ça m’énerve, c’est très distrayant d’ailleurs mais, comment je fais pour savoir s’il envisage lui aussi quelque chose, ou si, au contraire, il ne fait que se foutre de ma gueule depuis de longues minutes maintenant ? Aucun moyen de l’savoir, exactement. Et ça n’va pas en s’arrangeant, ça, c’est clair.

Je l’entends éclater de rire et j’me retourne vers lui pour l’observer, après avoir balancé tout un tas de trucs relativement bidon, voir même complètement con. Je l’écoute sérieusement, limite je bois ses paroles quoi, comme si ce qu’il raconte a une importance capitale. En même temps, ça en a une : peut-être qu’il va finir par dévoiler le fond de sa pensée, sait-on jamais… Sauf que bon, ce petit jeu ne s’achève absolument pas et, au contraire, ça a l’air de l’amuser de plus en plus. « La plupart du temps », hein ? Je hausse un sourcil et retourne la tête vers la plage, inspirant l’air silencieusement. Bon. Pas qu’on tourne un peu trop autour du pot, mais à me titiller comme ça il va franchement finir par me trouver.
J’esquisse un sourire amusé alors qu’il en arrive à sa conclusion : alors comme ça, il me plait ? Woahw, pas trop tôt, franchement. « Sérieux, t’as beau être franchement drôle, t’es long à la détente, hein. » Mon sourire ne quitte pas mes lèvres ; bah quoi, moi aussi j’peux m’amuser, nan ?
Evidemment qu’il me plait. C’est limite écrit sur mon visage et puis, toutes mes phrases sont synonymes des mots « JE. TE. VEUX. » Ouais, là j’avoue c’est limite pervers mais… Fuck, il a qu’à pas être aussi canon quoi.

Et puis alors, je me mets à fixer les remous de la mer, silencieusement. Ma phrase veut clairement dire que OUI, oui et re-oui, ce mec est carrément mon genre. Bon, c’est dit, c’est fait hein. Maintenant, c’est à moi de savoir c’qu’il en est de son côté. J’ai trop attendu, et j’peux vous dire que là j’ai franchement été patient. Mais, pas trop non plus, hein.
Alors, je tourne doucement le visage vers lui, et je rapproche dangereusement mes lèvres des siennes. J’attends quoi, cinq secondes, histoire de lui laisser le temps de tourner la tête, au cas où. Et puis, et puis je joins mes lèvres aux siennes, le plus naturellement du monde. Comme si c’était normal d’embrasser un mec que tu viens à peine de rencontrer. Ouais bah, hein, je suis Ken, tout est normal.

Franchement, si on m’avait demandé d’imaginer ce qui allait se passer aujourd’hui, je crois que j’aurais jamais pu. Non mais sérieusement, on a combien de chances sur je sais pas combien de rencontrer un mec canon, de s’en approcher, et de finir par se laisser avoir en beauté, ce pendant presque une heure ? Ouais, peu de chance, c’est clair. N’empêche, je l’ai tout de suite senti qu’il était spécial, genre, pas comme ceux que je rencontre habituellement. Mais, je pensais pas qu’il serait différent, dans ce sens du terme. Parce que là, c’est clair qu’il me mène à la baguette, ce mec me mène par le bout du nez et c’est bizarre, parce que ça m’arrive jamais. D’habitude, je suis toujours l’étrange mec qui vient aborder un inconnu et qui n’hésite pas à dire ce qu’il a envie de dire, quitte à passer pour un con, voir même un bouffon. Mais là, il a créé lui-même ce petit jeu étrange, et il semble être totalement dans son élément. Petit jeu coquin, ouais…
Oui et double oui, je maintiens qu’il est long à la détente ! Ou qu’il se joue un peu trop de moi, mais ça je vais pas le dire devant lui, évidemment. Ce serait reconnaitre que je suis plus faible et, franchement, j’apprécie pas. Non mais c’est bon, c’est pas parce que je peux coucher avec des mecs que j’ai pas une fierté d’homme comme les autres, bordel. Enfin, bref. Au moment précis où il éclate de rire, c’est là que ça fait tilt dans ma tête : non seulement, je ne le lâcherai pas. Y’a pas moyen, c’est mort. Mais, en plus, je vais me venger. Oh oui, j’vais prendre ma revanche et lui montrer un peu qu’il est loin d’être le seul à pouvoir commander.

Mais, en attendant, je me dois de vérifier une chose : gay ou pas, merde ?! Je m’approche de ses lèvres et hop, je l’embrasse. Normal, ouais ouais. N’empêche que ça y est, bordel, je l’ai, ma réponse ! Limite j’ai envie de lui sauter dessus quoi. Juste pour lui montrer ce que ça fait de me faire languir un peu trop longtemps. Mais bon, je vais pas le violer, ça se fait pas. Enfin, pas tout d’suite, quoi.
Une heure ? Merde alors, c’est bizarre que j’ai pas capté, ses signaux étaient clairs pourtant ! Je hausse un sourcil faussement énervé, j’ai envie de lui répliquer un truc, genre « Merci » ou bien « Désolé d’avoir autant tardé » mais non, pas le temps. Bah ouais, finalement, peut-être que lui aussi, depuis le début, il refoule de drôles de pulsions… enfin, toujours est-il que, là, c’est lui qui s’approche de moi et m’embrasse. J’ai envie, là, de lui sauter dessus et de pouvoir enfin tripoter ce torse nu ; grosse pulsion sexuelle là. Mais bon, non seulement ce serait pas très correct, et puis, surtout, je dois lui montrer qu’il n’est pas le seul à être maitre de notre petit jeu.
Alors je me détache finalement de ses lèvres après un bref baiser & je l’observe silencieusement, un sourcil haussé en signe de semi-victoire, puis je m’éloigne de lui et m’allonge tranquillement sur sa serviette, comme si, encore une fois, tout était absolument normal. « Ouais, j’aurais pu être plus rapide. Mais, on peut pas vraiment dire que je sois le seul fautif, hein… » Il avait qu’à pas me faire tourner autant en bourrique, hein !

Moi j’aime bien ce genre de rencontre. Sans blague, c’est simple, clair et rapide. On se prend pas la tête, on n’passe pas par quatre chemins, on y va direct et puis voilà. Si tu veux pas de moi tu me dégages et on n’en parle plus. Par contre, si y’a une possibilité d’ouverture, même une toute petite, tu me lances une chance et j’te prouve que je suis pas comme les autres. Même si, au fond, je suis exactement comme eux, oui oui. Je suis un p’tit con qui vient te draguer sur la plage, qui te roule une pelle dès la première rencontre, et qui finira probablement dans ton lit, aujourd’hui, demain, ou peut-être un peu plus tard si on prend notre temps. Enfin, qui finira par coucher avec toi dans la semaine, quoi. Et qui t’oubliera, juste avant de sauter sur une autre personne, exactement de la même manière. Pas très romantique tout ça. Mais, en même temps, avouons que c’est beaucoup plus simple. Pas de sentiments en jeu, donc aucun risque d’être blessé. Juste une drôle d’alchimie, une harmonie corporelle et voilà. La sureté d’une relation sans problème. En fait, cette méthode, elle a trop fait ses preuves. Genre, c’est exactement comme le whisky et le coca quoi : aucun problème, c’est un couple qui fonctionne à merveille, et ce depuis des années.
Bon, parfois, il arrive que ma technique soit un peu différente, disons que je l’adapte en fonction des gens. Mais, au final, ça revient pratiquement toujours au même ; je détache mes lèvres des siennes, le laissant plus ou moins en suspens, avant de m’allonger sur sa serviette. Mes affaires à moi sont toujours là-bas, mais tant pis. Franchement, qui va voler une serviette de plage et un jean ? Ouais, c’est bien c’que je pensais. Il s’allonge à son tour et se retourne vers moi ; je n’bouge pas d’un cil, ça m’amuse trop de le laisser m’observer et de feindre de mon côté l’indifférence. « Tu peux pas te contenter d’avouer que les choses auraient été beaucoup plus simples si t’avais tout de suite avoué que, bah, t’es gay… ! » Il a pris les reines de notre petit jeu depuis trop longtemps, c’est un peu à mon tour de m’amuser maintenant !