J'ai lu quelque part que chaque personne que l'on s'autorise à aimer est quelqu'un que l'on prend le risque de perdre. Alors était il plus simple d'arrêter d'aimer, de se contenter de vivre à moitié et de laisser la peur vous détruire à petit feu. L'amour m'était tomber dessus, à plusieurs reprises, toujours de façon intense, et j'avais fini par comprendre que peut importe à quel point je me battais pour l'éloigner, c'était une part de moi et je ne pouvais refréner mes sentiments, seulement les enfouir profondément et tacher de vivre avec les cicatrices immuables que la vie m'avait offert. Je scrutais avec insistance mon visage fatigué dans le miroir, ce reflet me peinait ce matin, peut être que si je n'étais pas sorti avec Jeremy hier, des cernes ne creuseraient pas mon visage. J'avais l'air d'avoir bu la tasse plus de fois que mon organisme puisse le supporter. Réveil tardif pour nous deux avant de déjeuner dans un brouillard. Chacun d'entre nous voulait se rappeler de la soirée d'hier, seulement aucun souvenirs ne me revenait en mémoire. Ce n'était pas la première fois, loin de là, seulement ça faisait une éternité qu'un trou noir comme j'aimais les appeler adolescent n'était plus survenu. Bref, j'ai pris une aspirine et ma tête me martyrisait pour me faire comprendre que j'avais été trop loin la veille. Assis dans le canapé, mon meilleur ami et moi regardions un match, sans vraiment le suivre, j'avais la tête ailleurs ces derniers temps.

Quelqu'un sonna à la porte, surement la dernière personne que j'aurais espérer voir en ce jour, mais je n'étais pas chez moi, et je ne fuirais pas devant elle comme un voleur. Après tout j'étais arrivé avant elle. Quelle gaminerie, seulement à ses cotés, je redevenais cet adolescent timide et maladroit. Je m’interrompis, alors que j'étais parti dans un débats sur les bienfaits d'un joint de temps à autres, croisant le regard de mon ami, silencieux. Lui, n'était pas gêné le moins du monde, en même temps, comment aurait il pu savoir que j'abominais sa sœur, j'avais décidé de tirer un trait sur elle le jour où elle m'avait abandonné et de ne plus parler de celle qui avait réduit mon cœur en miettes. J'hochais la tète pour la saluer, puis je trempais mes lèvres dans mon café chaud. « J'avais complètement oublier, je dois absolument aller en ville pour poster cette lettre ! » Il se leva d'un bond et sortit sans que je n'eus le temps de dire ouf, me laissant à présent seul en compagnie de la sublime brune. Ma gorge se serre, la tension était palpable à travers la pièce, je me demandais même si mon ami n'avait pas inventé un prétexte bidon pour quitter cette ambiance malsaine. Tapotant sur l'accoudoir du canapé, je faisais semblant de me concentrer sur la télé. Nous n'étions séparer que de quelques centimètres et pourtant j'avais l'impression qu'un gouffre s'était installé entre nous. Je ne sais pas si elle avait conscience du fait que cette évolution était en grande parti de sa faute. Je n'osais pas croiser son regard, de peur de m'y engouffrer comme dix années plus tôt. Remarquant qu'elle n'avait du coup pas pu consommer son jus d'orange puisque Jeremy était parti comme un voleur -une maladie dans cette famille- je me levais pour lui servir un verre et le lui apporter. Un silence de plomb dans le salon, en dehors de la télé en fond sonore, on aurait pu entendre une mouche voler. « On a de la chance, il fait beau aujourd'hui. » Je pouvais au moins essayer de combler les blancs, c'était ça ou je sortais de cette maison en hurlant puisque ce malaise qui perçait mes entrailles allait finir par me faire péter un plomb.

J'avais les mains moites et ça faisait de nombreuses années que je ne m'étais pas sentie aussi mal à l'aise. Ca surpassait même la fois ou j'ai du me balader toute la journée avec une fausse moustache dessinée au marqueur sur le visage. Une soirée plutôt arrosé ou mon cher meilleur ami avait eut cette bonne idée de me barbouiller le visage. En retard, j'étais parti en ville sans prendre le temps de me regarder dans le miroir, je n'ai compris qu'au bout de quelques heures pourquoi les gens riaient sur mon passage. Je souriais niaisement à cette pensée, oubliant presque que j'étais accompagné. « Il fait froid par contre. » C'est amusant de voir à quel point la vie et les relations peuvent évoluer, dix ans plus tôt, elle était ma confidente, mon amie et en même temps la femme avec qui je prévoyais de finir ma vie, et regardez où nous en sommes aujourd'hui ? Des conversations banales, superficielles, et totalement inutiles. Quand j'y pense, on ne peut pas dire que jusqu'à maintenant, j'ai eut de la chance niveau cœur, les deux seules femmes que j'avais un jour aimé plus que tout n'étaient plus que de vagues connaissance à qui je n'osais plus parler. Pour le cas de Jaelyn, je n'avais rien à lui dire, ou beaucoup trop de choses finalement, et tout cela finirait dans un bain de sang. Par respect pour mon meilleur ami, je préférais contenir ma rage. Un nouveau blanc s'installa et je priais intérieurement le retour de l'hôte. Je cherchais presque des prétexte pour quitter cette pièce, du genre je dois aller aux toilettes lorsqu'elle m'interpella. « Vous êtes sortis avec Jeremy, hier soir ? » J'acquiesçais de façon positive à l'aide de ma tête, lui raconter ma soirée de dépravée aurait surement été la solution la plus simple. Puis je me tournais vers elle, la fixant cette fois avec une intensité déroutante. « Pourquoi on arrêterait pas de jouer la politique de l'autruche, toi et moi, on se fiche pas mal du temps et tu sais très bien ce que l'on faisait hier puisque ton frère t'as appeler en début de soirée. » toutes les futilités du monde étaient vaines, et puis, nous n'étions pas obligés de parler de toutes manières. Le silence de plomb provoquer par notre gène était moins dérangeant que ces conversations inutiles. Je lâchais un soupire avant d'aller déposer ma tasse dans l'évier. Brutales et douloureuses, mes paroles étaient sincères et amères, je n'en pouvais plus de cette hypocrisie constante entre nous deux, on avait tellement de choses à sortir, mais rien n'y faisait. Du coup, on préférait se dire des banalités, je trouvais cela stupide. « Plutot que de parler pour ne rien dire, je vais rentrer. Dis à Jer' que j'avais un rendez vous, je sais pas, invente ce que tu veux, après tout, tu es la spécialiste de la fuite en avant. » Toujours rancunier ? je venais de le prouver à l'instant en prononçant ces paroles qui dépassaient ma pensée. Dix ans, dix longues années et la page n'était pas tournée, pourquoi ce putain de livre ne voulait il pas simplement se refermer, j'aurais pu essayer d'être ami avec elle, mais dans l'état actuel des choses, c'était surement impossible.

Je récupérais ma veste en cuir et l'enfilais car en effet, la température extérieure avoisinait les 8degrés et mon simple tee shirt n'aurait pas suffit à m'empêcher de mourir de froid. Le sol était le sol endroit que je pouvais regarder pour le moment. La tristesse m’envahit, mais je m’en imprègne. Je ne veux pas de cet avenir, celui que je n’ai pas choisi, tout comme mon passé. J’ai peur, et reste enfermée dans cette muraille si protectrice qu’elle en devient destructrice. Jaelyn avait été pour moi la personne la plus importante au monde, elle avait su emmener mon coeur à son apothéose, le soucis, c'est qu'elle était aussi la personne qui m'avait fait le plus de mal, et j'avais essayer d'oublier, de pardonner mais je n'y arrivais pas. Je me tournais vers elle, dans une ultime question : « Étais je si insignifiant ? »

J'avais parfois l'impression que le destin se jouait de moi, il traçait ma vie sans prendre en compte mes désirs, mes sentiments. Il revenait toujours me mettre des bâtons dans les roues, des obstacles, rien n'était jamais simple. A l'époque, Jaelyn était celle qui me faisait me sentir différent, à ses cotés, j'avais l'impression d'être quelqu'un de bien, je n'étais plus seul et regardez moi aujourd'hui, j'en arrivais presque à la mépriser. Mes ailes s'étaient brisée une première fois et plus jamais je ne pourrais voler à nouveau, je ne m'en sentais plus capable. Lui pardonner était un défi trop important. J'allais quitter l'appartement, seulement j'avais besoin de réponses, ces questions me trottaient dans l'esprit chaque jour depuis dix années. Peut être qu'en ayant mes réponses je serais capable d'enfin tourner la page, de supprimer à jamais cette rage qui m'animait, qui m'embuait la vue. Je n'entendais pas sa voix, alors elle ne répondrait pas ? Était elle si effrayée par la vie qu'elle ne pouvait même pas m'affronter. Elle était revenu dans ma vie comme une bombe, une magnifique bombe, mais une bombe néanmoins. Allait elle une fois de plus me réduire au simple néant, pas question, je ne la laisserais pas me briser le cœur une nouvelle fois. Je devais trouver une solution pour éradiquer l'effet qu'elle pouvait me faire. Tournant le dos à la brune, ma main se posa doucement sur la poignée lorsque sa réponse parvint à mes oreilles.

« Non. » Immobile un instant, je n'en revenais pas. « Tu ne l'as jamais été. » Ces mots devraient être mon absolution, je les attendais depuis si longtemps. Alors pourquoi mon cœur n'était pas apaisé, pourquoi mon corps tout entier me réclamait justice, je souffrais à nouveau comme cet enfant abandonné alors que sa vie débutait. « S'il te plait, ne pars pas. » On ne pouvait pas revenir en arrière n'est ce pas ? Sinon le monde serait beaucoup plus simple. Vous savez, comme dans ce jeu vidéo ou un simple sablier vous permet de revivre les événements passés. « Alors pourquoi ? Hein ? » ma voix était anormalement calme. « Je ne méritais même pas un adieu ? » La brunette me regardait de ses yeux perçant, succomber aurait été chose facile, mais je me connaissais et je lui en voulais. Conscient du fait que nous n'étions plus de simples gosses, dans ce que certains aurait appeler une amourette de vacances, j'avais pourtant le plus grand mal à ne pas lui en vouloir. Et cette animosité envers elle, je l'avais gérer lorsqu'elle était absente, jurant avoir oublier jusqu'à son prénom, mais elle était là, bien vivante et juste en face de moi. J'avais toujours pensé que si elle ne m'avait pas dit adieu, c'était car elle se fichait totalement de moi, et qu'elle n'avait jamais été sincère dans notre relation, après tout ce que nous avions vécu. Et tout ça aurait été faux pour elle, elle ne faisait que jouer un jeu car mes sentiments étaient sincère et ma peine aussi. Jamais je ne m'étais mis dans son esprit, jamais je n'avais essayer de la comprendre parce que j'étais en colère et malheureux. Peut être devrais je simplement lui signifier que je ne pouvais pas vivre dans la même ville qu'elle et lui demander de partir mais cela aurait été atrocement égoïste de ma part et puis Jeremy m'en aurait voulu.

« Je suis partie parce que.. » Et ces mots qui restent coincés, qui refusent de sortir dans cette ambiance chargée d'électricité. J'attendais avec impatience qu'elle finissent sa phrase, j'avais le regard émerveillé comme un enfant de cinq ans qui attend la chute d'un conte de fée. Le problème, c'est que dans les conte de fée, tout se termine toujours bien, la princesse et le prince se marient, ils ont beaucoup d'enfants. La réalité de la vrai vie était toute autre. « ...j'étais attachée à toi, plus qu'il ne le fallait. » Plus qu'il ne le fallait ? Ça voulait dire quoi ça ? Je n'étais pas au courant qu'il y avait un stade d'attachement qu'il ne fallait pas dépasser. Je ne devais pas être normal, puisque lorsque je me donnais autrefois, je le faisais à fond, seulement elle avait cassé quelque chose en moi et j'étais aujourd'hui plus réticent quant au choix de mes compagnes de vie. Foutaises, elle pensait vraiment que j'allais gober une telle excuse. Froid et agressif, je ne pouvais m'empêcher de réagir avec une telle véhémence, et honnêtement, je n'avais plus été en colère de cette façon depuis des lustres. Ne pas lui montrer à quel point il me blessait, c'était important. Pourquoi ? Je n'en savais trop rien, c'était tout simplement important, je le croyais. « Et.. je n'ai jamais été douée pour les adieux. » donc ça aurait du être un adieu et non un simple au revoir, la différence était subtile mais terriblement importante. Chacun de ses mots semblaient être des lames qui s'enfonçaient droit dans mon cœur. Je ne devais plus la laisser m'atteindre, elle ne pouvait plus avoir cette emprise sur moi, elle ne méritait pas de pouvoir éveillé et blesser ma sensibilité à ce point. J'esquivais un sourire alors que je passais une main dans ma tignasse. Je n'avais pas réellement eu d'excuses mais j'étais fatigué de les attendre.

Marre d'attendre. De me poser des questions du genre, reviendra elle un jour, de penser que notre amour serait plus fort que tout. Je me voilais la face, elle avait brisé quelque chose et réparation n'était pas un sujet possible, ce ne le serait sans doutes jamais. Pendant quatre ans, j'allais tous les soirs à l'endroit où l'on s'était embrassés. Ridicule ? pathétique ? choisissez l'adjectif qui vous convient le mieux, le fait est que j'ai beaucoup trop espérer et qu'aujourd'hui, je ne pouvais plus, mon cœur et mon corps entier me demandait expressément d'arrêter le carnage et de faire en sorte qu'elle n'est plus d'impact sur moi. « Bien. » J'étais plus calme, peut être pas apaisé mais au moins on ne pouvait plus voir mes veines ressortir sur mon visage. Ma décision était prise, il y avait prescription. « Le jour où tu es partie, tu as emmené avec toi une part de moi et j'ai passé de nombreuses années à tenter de combler ce vide. Une existence dégueulasse d'esclavage, voilà ce à quoi j'en étais réduis par ta faute. » j'haussais les épaules dans un soupire, mon but n'était pas de la faire culpabiliser, loin de là, je ne cherchais pas à la blesser ou demander réparations, je voulais seulement qu'elle sache ou j'en étais de mon coté afin de ne plus créer de malentendu ou de situations étranges. « Alors voilà, quand je t'ai vu débarquer à l'improviste, j'avais ce sentiment d'avoir 17ans à nouveau. Mais je ne suis plus ce gamin épris de toi, j'ai grandi et toi aussi. Il est même possible que tu n'es jamais voulu me faire du mal. » J'allais m'installer à ses cotés et ajoutais : « Je devrais te remercier. Tu m'as ouvert les yeux, une histoire d'amour n'est jamais simple n'est ce pas ? La notre s'est seulement terminé sur une mauvaise note. » J'avais réussi, j'avais garder mon sang froid et jouer la carte du prince de glace, après tout, je rentrais dans le jeu de celle qui me toisait du regard. J'étais plus fort et capable de gérer mes émotions aujourd'hui. Et si elle souhaitait invoquer des raisons un peu puériles pour justifier son acte, tant pis, je ferais avec, après tout, j'avais l'habitude de la déception à ses cotés.