La sonnerie stridente du réveil retentit. Il était neuf heures et quarante-cinq minutes. Ce matin Noah avait rendez-vous avec Noam Beckett, un écrivain assez reconnu dans le monde littéraire même s’il n’arrivait pas à la cheville des plus grands. Il avait en tête l’idée de lui exposer son nouveau projet. Noah avait besoin d’argent, et tous les moyens étaient bons pour y parvenir. Plusieurs fois il avait demandé au propriétaire de son appartement de lui accorder un délai, qu’il finirait par payer son mois de retard, puis deux, puis trois… Cette situation n’était plus viable. S’il ne payait pas ce mois ci, Noah se retrouverait à la rue. L’idée d’aller piocher dans son livret A lui était venue maintes et maintes fois mais cet argent durement gagné ne lui servait qu’à une chose : financer ces projets et ses achats de matériels.
Le jeune homme s’en alla en direction de la petite pièce d’eau, se rinça le visage. Relevant la tête, son reflet apparut dans le miroir. « Bein mon vieux, t’as pris dix piges de plus avec cette barbe.. Il est temps de faire quelque chose ! » Il fouilla dans le meuble a côté du lavabo et sorti une vieille tondeuse poussiéreuse. Il souffla dessus et se mit à tondre cette horrible touffe de poils qui avait poussé autour de sa bouche et sur ses joues. C’était tout de même mieux ainsi. Il termina sa toilette et enfila la tenue la plus élégante et professionnelle qu’il avait : un costume. Petite touche personnelle oblige, il laissa le col de sa chemise ouvert, et laissa la cravate au placard. Empoignant les clés de sa voiture, Noah sorti de son appartement et s’en alla à la maison d’édition à Bridgeport.

Il claqua la portière de la voiture et marcha d’un pas rapide en direction des portes vitrées du bâtiment. Beaucoup d’écrivains restaient à travailler chez eux, certains aimaient sortir du cadre familial et puiser leur inspiration dans un bureau orienté vers une grande baie vitrée donnant sur un paysage splendide. D’autres venaient quand ils voulaient, et restaient chez eux quand ils le désiraient. Les écrivains nomades. Noah avait lu ça dans un magazine retraçant le parcours de ceux qui choisissaient le métier d’éditeur. Bref. Le jeune homme s’avança dans le hall jusqu’au guichet d’accueil. Le jeune secrétaire – probablement un stagiaire – semblait occupé avec une tonne de paperasse. « Bonjour. Noah Harper, j’ai rendez-vous avec Monsieur Beckett s’il vous plait. » Le stagiaire regarda Noah puis jeta un coup d’œil dans le cahier qui se tenait face à lui. « Je lui signale votre présence Monsieur. […] Monsieur Beckett, votre rendez-vous est arrivé. […] Il devrait arriver dans un instant. » Noah le remercia puis se dirigea vers la baie vitrée, regardant les voitures qui circulaient dehors, par ce temps plutôt maussade.

Noah était arrivé quelques minutes en avance à son rendez-vous. La ponctualité faisait parti des quelques principes auxquels Noah tenaient particulièrement. Il détestait qu’on le fasse attendre alors il ne faisait pas aux autres ce qu’il n’aimait pas qu’on lui fasse. Le bel homme regarda les voitures passer au travers de la baie vitrée. C’est fou le nombre de smart qui peuvent défiler dans cette ville. Il y a quelques années, Noah aurait bien aimé s’en acheté une mais il avait comme projet de trouver une femme et construire une famille donc une si petite voiture n’aurait jamais fait l’affaire. C’est pourquoi il avait donc choisi une voiture plus familiale, plus spacieuse. Finalement, il aurait peut être du prendre la smart. Son célibat lui sortait par les yeux et la femme qu’il aimait en aimait toujours un autre, apparemment. Raté un jour, raté toujours. Noah avait eu le malheur de sortir cette expression à Jessie, sa meilleure amie, qui ne supportait pas le fait qu’il soit si défaitiste. Il ne s’était jamais autant fait disputer par sa meilleure amie que ce jour là. « Salut les moches ! » Le jeune homme se retourna et aperçu l’écrivain sortir d’un couloir menant dans le hall. Noah se rapprocha du comptoir d’accueil. Il serra la main que lui tendit Noam Beckett. « En personne. Ravi de vous rencontrer. » Il regarda l’écrivain puis le petit Marcel qui se tenait sur son épaule. Noah suivi Noam qui était parti en direction d’un bureau pour pouvoir discuter tranquillement. Il ôta sa veste et la posa sur le dossier de la chaise avant de s’asseoir sur cette dernière sans y avoir été invité. « Il paraît que la Star Academy ne veut plus de vous ! C'est moche ça, faut tenter The Voice mon gars. » On l’avait prévenu que Noam était moquer comme pas deux mais quand même, il y avait des limites à ne pas dépasser. Noah ne supportait pas être rabaissé de la sorte par les autres. Il leva les yeux au ciel et laissa le garçon continuer. « Alors, vous voulez que j'écrive votre histoire, c'est ça ? Il y a des choses à raconter au moins ? » Un sourire s’afficha sur son visage. Noam semblait ne pas avoir conscience qu’il avait entre les mains un sujet que beaucoup d’écrivains auraient aimé avoir : la vie de Noah Harper. La vérité. Beaucoup avaient essayé de payer Noah pour avoir quelques infos inédites sur sa vie, mais il s’y était toujours refusé. Aujourd’hui, c’était corps et âme qu’il allait livrer à cet écrivain pour que les mauvaises langues se taisent mais surtout pour lui ramener un tas de simflouz ! « C’est exact. Si vous saviez. Il y a tellement de chose à raconter, tellement de rumeurs à faire taire ! De l’apogée du groupe jusqu’à ma chute personnelle, et toutes les affaires qui en ont découlés. Vraiment, y’a de quoi faire ! » L’homme croisa les bras et regarda Noam en attendant sa réponse.

Si Noam refusait toute forme d'autorité, il en était de même dans le travail, naturellement. Il détestait qu'on lui impose un thème précis pour ses romans. Il détestait qu'on lui impose quoique se soit d'ailleurs. Si sa désinvolture lui avait parfois créé des ennuis, il s'agissait aussi d'un atout majeur de sa personnalité. Néanmoins, pour son premier rendez-vous professionnel avec Noah Parker, l'écrivain n'avait fais aucune preuve de ponctualité. Et arrivée dans le hall d'entrée, il ne s'était pas non plus excusé, un simple bonjour et une poignée de main avaient suffis à effacer l'attente que le musicien avait subis. Mais maintenant c'était trop tard pour prétexter une excuse et éviter ce rendez-vous. Il fallait qu'il fasse preuve de professionnalisme, qu'il évite de se laisser à penser à Téo et de son absence à ses côtés. Étape numéro une, se concentrer sur ce roman qu'il devrait bientôt écrire. Mais difficile pour lui de s'intéresser à la vie d'un musicien raté lorsqu'il savait que Téo avait la jambe dans le plâtre et se trouvait désormais à l'hôpital. Il dû faire tous les efforts du monde pour conduire Noah dans une salle de réunion et d'afficher une moue faussement intéressait par la carrière du musicien. « C’est exact. Si vous saviez. Il y a tellement de chose à raconter, tellement de rumeurs à faire taire ! De l’apogée du groupe jusqu’à ma chute personnelle, et toutes les affaires qui en ont découlé. Vraiment, y’a de quoi faire ! » Eurk, il allait finir par tomber dans le mélodrame ce pauvre bonhomme. Un soupire mi-moqueur, mi-professionnel collé sur les lèvres Noam hocha passivement la tête, affichant un air faussement sérieux alors qu'il se retenait simplement de ne pas lancer une critique. Il prit place sur une chaise, donna un stylo à Marcel qui le fit tourner entre ses petites pattes et observa l'objet, intrigué. Observant l'animal quelques, l'écrivain finit par reporter son attention sur Noah et soupira, déjà lassé de cet entretien. Non pas qu'il avait quelque chose contre le musicien, mais travailler ne le passionnait pas lorsque cela lui était imposé. « Ça m'a l'air bien barbant toute cette histoire. » dit-il avant de relever le visage vers Noah. Il fit glisser une feuille sur la table, et prit un autre stylo afin de prendre des notes. Puisqu'ils étaient là, autant qu'ils bossent quand même. D'après les propos du musicien, il semblait avoir été longtemps traqué par les journalistes. Il faudrait qu'il le google afin de savoir de quelles rumeurs il pouvait bien faire référence. « Bon, commençons par le début. Le jour où vous avez créé votre groupe dans le garage de vos parents avec vos amis peut-être ? » Toujours aussi moqueur.