Et qu'est-ce que je fous là, hein ? Je baisse les yeux sur le carton brillant et lisse, y'a bien que ma mère pour me faire ça. Ma mère, c'est le genre de personne qui croit te faire plaisir en t'offrant un cadeau qui lui plait à elle, mais qui ne correspond en rien au destinataire du colis. Un bon pour aller au spa, putain, j'ai vraiment une tête à aller au spa ? J'y suis jamais allée, faut dire. Mais dans ma tête, c'est le truc où vont les nanas apprêtées toutes les minutes de toutes les heures de tous les jours de toute l'année, girly jusqu'aux ongles et qui ont juste trop de temps libre à tuer. Et qui vont donc se faire bichonner. Je dis pas non à un massage, à un passage par la piscine ou un détour au hammam, mais franchement, j'aurais l'impression d'y perdre mon temps. Alors voilà, j'ai trouvé il y a six mois sur la table de l'entrée un colis à mon nom, enrubanné d'un noeud coloré qui ne pouvait que m'orienter significativement quant à sa provenance. Maman. Maman qui est restée à Cape Town, Maman qui me manque mais que je ne veux pas revoir non plus. Maman qui m'offre un cadeau d'anniversaire à côté de la plaque. Et voilà, le bon arrive à expiration demain. J'aurais pas la conscience tranquille de pas l'avoir utilisé, ça reste une bonne intention même si c'est décalé et inapproprié à ma personne. Alors voilà j'y vais. J'ébouriffe mes cheveux en me demandant ce que je vais bien pouvoir foutre pendant deux heures à rien glander, alors que deux devoirs à rendre et une rédaction m'attendent à la maison. D'entrée je ressens un malaise. Des effluves fleuries parviennent à mes narines, une ambiance se dégage de l'endroit qui n'est pas déplaisante, tout tend à la relaxation, malheureusement j'ai déjà envie de claquer les hôtesses d'accueil. J'me demande quel a été leur parcours pour atterrir ici. On m'indique le chemin, où me changer, ce que je dois faire. Un enfer. J'ai l'impression de me forcer à la détente, alors que n'importe quelle femme normale rêverait qu'on lui offre un moment au spa. Non ? J'suis pas normale, je l'ai jamais été. L'endroit est étonnamment super calme et vide, hormis une jeune femme dans la piscine qui semble prendre son pied. Je me glisse dans l'eau chaude et tente de me forcer à me relaxer, un comble. Je fixe le plafond, mais rien à faire, j'me fais chier. « On est censées faire quoi ici ? » je demande à la brune, parce que tant qu'à passer pour une abrutie, autant apprendre des choses sur ce que les femmes normales font ici.

Je commence à peine à me détendre quand je remarque la présence d’une jeune femme juste à coté de moi. Je lui jette un discret coup d’œil, en essayant de sonder son visage aux rayons totalement invisible que j’appelle « mémoire défaillante ». Je ne l’ai jamais vu ici, ou alors sa présence ne m’a pas tellement marquée. Elle essaye peut-être le SPA pour la première fois ? En tout cas, elle est très jeune. Je n’arrive même pas à mettre un âge sur son visage. Oh et puis je n’ai pas que ça à faire après tout. Elle fixe le plafond comme si elle n’avait que ça à faire. A vrai dire, c’est le cas. Je ferme mes yeux, chassant l’image de Robb qui reste ancrée dans ma tête. Putain, c’est dingue à quel point cette relation patron/employé me prend autant sur la conscience. Je dois me lancer, je dois enlever ce poids que j’ai sur la conscience. Ce n’est certainement pas les jets de cette piscine qui m’aideront à passer ce cap. Soudain, j’entends la voix de ma voisine. Sa question m’interpelle. Je tourne la tête pour l’observer, en souriant. « Vous détendre, et ne penser à rien… » Tais-toi, Posy. T’es même pas foutue de te vider l’esprit parce que t’es trop obsédée par ton patron, pensais-je. Je ne trouve pas d’autres raisons à lui énumérer puisque pour moi c’est un automatisme. Quand je ressors du SPA, je me sens plus apaisée que la normale. Aujourd’hui, je ne sais pas dans quel état d’esprit j’allais sortir. Je ne préfère même pas y penser. « C’est la première fois pour vous ? » Quitte à avoir une voisine à mes cotés, autant faire la conversation. Parler me permettra de mettre son visage dans un coin de ma tête. Oui je suis capable de faire ça, je suis une femme forte après tout.