19h30. Il était 19h30 et Baby n'avait rien trouvé de mieux à faire que de se rendre à la bibliothèque municipale dans le but de trouver le dvd d'un film l'ayant marqué et tout ça pour un de ses projets scolaires. En temps normal, Baby aurait adoré s'enfermer des heures à la bibliothèque et écumer les rayons mais aujourd'hui, elle se serait bien passer de ça. Il commençait à se faire tard et la nuit n'allait pas tarder à tomber. Déjà, le ciel s'obscurcissait. A l'arrivée de l'hiver, les journées raccourcissaient et il faisait toujours nuit un peu plus tôt, au plus grand désespoir de Baby. Et oui, quand vous souffrez d'une peur panique de l'obscurité, la vie devient facilement un cauchemar. D'autant que Montsimpa était plongé depuis quelques temps dans le noir le plus complet, compte tenu de la panne d'électricité qui frappait toute la ville. Baby redoutait chaque jour la fin de journée car elle était synonyme, pour elle, de sueurs froides et d'insomnies. Heureusement, Baby ne vivait pas seule et cela la rassurait un peu de sentir la présence de quelqu'un à ses côtés. La jeune femme s'était donc mis à arpenter les trottoirs telle une marathonienne surentraînée et arriva donc devant la bibliothèque un peu essoufflée mais surtout pressée d'en finir.
Comme elle s'en était doutée, la bibliothèque était plongée dans la pénombre, hormis quelques endroits faiblement éclairés par de bougies et par le peu de lumières qui filtrait par les fenêtres. Dehors, il faisait de plus en plus sombre et Baby ne put retenir un frisson. La bibliothécaire n'était pas à son bureau et Baby se sentit soudain bien seule dans le grand bâtiment qui n'avait pour le moment rien de rassurant. Courage, se dit-elle. Plus vite tu cherches ce foutu film, plus vite tu seras sortie de là et de retour chez toi. Baby s'avança donc entre les rayonnages. Heureusement, elle avait prévu le coup ! La jeune femme s'arrêta un instant, sortit de son sac une lampe torche super puissante et se dirigea d'un pas quelque peu hésitant vers la section où se trouvaient les dvd. Tout en marchant, Baby s'efforçait de respirer calmement. Pour le moment, elle arrivait à contrôler sa peur et c'était surtout dû à la lampe torche qui projetait une lumière rassurante sur les quelques mètres se situant devant elle. En revanche, Baby s'interdit de jeter le moindre regard en arrière ou sur les côtés, de peur de tomber nez à nez avec la pénombre.
Ça y était. Le chemin avait été long et fastidieux mais Baby se trouvait désormais face à de multiples étagères, remplies de dvd. La jeune femme mettait toujours un point d'honneur en ce qui concernait sa scolarité seulement, elle fut bien tentée de prendre un boitier au hasard et d'improviser en trouvant au film un quelconque intérêt. Baby en était donc là dans ses réflexions lorsqu'un bruit sourd retentit au loin. La jeune étudiante sursauta, lâchant la lampe torche qui vint s'écraser par terre. Baby n'osa plus bouger pendant quelques secondes mais, voyant la pénombre autour d'elle l'envelopper, elle se jeta par terre et chercha frénétiquement la lampe poche en tâtonnant au hasard. Elle réussit à la récupérer mais, manque de bol, les piles s'étaient enlevées et avaient dû filer sous les rayonnages. Merde, chuchota Baby, à la fois terrorisée et agacée. La voila piégée dans une bibliothèque lugubre, sans lumière et avec pour seule compagnie, une vieille bibliothécaire invisible. C'était plutôt glauque, en y réfléchissant bien. Baby se rassura en se disant que, de toute façon, les vieilles femmes n'étaient jamais des assassins. Elles étaient trop faibles et ne pouvaient se déplacer assez vite. Se rendant compte de ce qu'elle était en train de penser, Baby secoua brusquement la tête. Céder à la panique ne l'aiderait pas, pas plus que de se rappeler les scénarios de films d'horreur les plus glauques qu'elle n'ait jamais vu. La jeune étudiante regarda frénétiquement autour d'elle mais elle se trouvait dans un des coins les plus reculés de la bibliothèque et donc, complètement plongés dans l'obscurité. Ne distinguant absolument rien, Baby sentit monter en elle une angoisse qui lui était bien trop familière et qu'elle ne pourrait bientôt plus contrôler. Tremblant de tout son corps, la jeune étudiante se plaqua dos à une étagère et attendit, la respiration haletante.

« are you afraid ? » *silence. silence. silence.* « no. »

« Lothario. J’ai besoin d’un dossier, immédiatement. » Voilà comment tout avait commencé. Une simple phrase qui avait fait hausser un sourcil à Ken : il était sérieux, là ? Un dossier, genre, maintenant ? Le jeune policier avait soupiré doucement, ne comprenant que trop bien ce que son supérieur venait de lui demander. Quelque part, au fond de son esprit, il espérait que ce n’était qu’une vilaine blague, mais il ne connaissait que trop bien ce vieux type : relou de première classe, il ne déconnait pas, sur le coup. Enfin, de toute façon, ce mec ne déconnait jamais, alors. Il fallait bien s’en accommoder et, quoi qu’il en soit, Ken était bel et bien obligé de lui obéir. Voilà pourquoi le jeune homme s’empara rapidement de sa veste, de son cellulaire ainsi que de ses clés, et quitta rapidement le commissariat.
Il ne pouvait s’empêcher de soupirer bruyamment en quittant le bâtiment, agacé par la situation. C’était quand même un gros foutage de gueule, là. Il allait être dix-neuf heures, Ken était à deux doigts de terminer sa journée, et voilà que l’autre abruti lui demandait un dossier. Un foutu dossier dont il n’allait d’ailleurs pas se servir avant demain. Au plus tôt.

En démarrant la voiture noire et blanche, le jeune homme se répéta à lui-même une bonne centaine de fois que plus vite ce serait fait, et plus vite il en serait débarrassé. C’était carrément sa phrase fétiche dans ce genre de situation qui, bien heureusement, ne lui arrivait que très rarement. Il traversa la ville rapidement, ne se gênant absolument pas de lancer le gyrophare, histoire que les citadins lui laissent la route à peu près libre. Il savait qu’il n’avait absolument pas le droit de faire ce genre de choses, soit, de profiter de son statut de policier, mais il savait encore plus qu’il n’était absolument pas le seul à le faire ; presque tous ses collègues le faisaient aussi. Sauf que eux, bah, ils n’étaient pas obligés d’aller chercher un dossier à l’heure du diner.

Le jeune homme arriva donc rapidement à destination, et ce n’est qu’une fois dehors qu’il réalisa que, merde, en fait, il faisait super nuit ! C’était probablement à cause de cette putain d’heure d’hiver, celle qui décide qu’il doit faire jour tôt le matin, et nuit tôt le soir. Ken n’avait jamais compris l’intérêt de ce truc, mais bref, aujourd’hui, il fallait bien avouer que ça le faisait bien chier. Surtout maintenant, en fait. En plus, y’avait plus de courant et donc, plus de lampadaires pour éclairer les rues de la ville. Le pire restait à venir, et il ne tarda pas à s’en rendre compte.
Lorsqu’il pénétra dans la bibliothèque, quelques frissons lui parcoururent le corps tout entier : il faisait presque nuit noire. Il soupira longuement avant de s’apercevoir qu’il n’y avait aucune bibliothécaire et… Et personne. Juste, personne. C’était en fait assez troublant, un tel silence, dans une telle obscurité. Ken soupira derechef et s’aventura dans la grande pièce, vers un endroit qu’il connaissait bien. Son cellulaire se révéla indispensable alors qu’il cherchait le fameux dossier, qu’il ne trouva d’ailleurs pas. Merde, mais ça allait le faire chier longtemps, cette histoire ? Il traversa l’allée toute entière, à la recherche de ces quelques morceaux de papier soit disant indispensables, en vain. C’était quoi ce bordel, hein ? Aussi, avec un peu plus de lumière, ça aurait été plus simple, parce qu’un simple écran de téléphone pour éclairer toutes une allée de bouquins en tout genre, merci… Réalisant que ce qu’il était en train de faire ressemblait vaguement à chercher une aiguille dans une botte de foin, le jeune policier décida de partir à la recherche de la fameuse bibliothécaire.
Le sens de l’orientation, Ken ne l’avait jamais véritablement eu et c’est ainsi qu’il se retrouva simplement perdu dans la bibliothèque. Perdu dans la bibliothèque de Montsimpa : LA HONTE. Il souffla encore, se demandant où elle pouvait bien être et si el… Sursaut. Un bruit trop bizarre qui provient de, là-bas. Ken releva les yeux, exécuta un tour sur lui-même, tentant de se rassurer : un psychopathe, au beau milieu d’une bibliothèque ? Bah ouais évidemment, hein. Non, en fait, ce qui le faisait flipper, c’était pas tant l’individu en lui-même, mais plutôt cette atroce obscurité qui l’empêchait clairement de voir de qui il s’agissait…

Il augmenta la luminosité de son téléphone au maximum, le plaça juste au-dessus de ses yeux comme il avait appris à faire avec une lampe torche, et s’avança rapidement vers le bruit suspect. Il traversa l’allée sans apercevoir personne, très mal éclairé… Sa position lui permettait de voir à un mètre tout au plus, mais surtout, elle rendait la distinction de son visage absolument impossible. Y’avait personne ?? Mais, le bruit venait d’où alors ? Un petit pas en arrière, juste pour voir, et… Il venait de marcher sur quelque chose, de cogner dans un truc. L’homme hurla, tout simplement, avant de se retourner et de pointer son téléphone en direction de l’obstacle…